Polarisée par la crise sanitaire, l’année 2020 aura vu les acteurs du monde de la culture déployer des efforts sans précédent pour se réinventer.

Un « cataclysme » : c’est avec un terme saisissant, appartenant au vocabulaire des catastrophes naturelles, que la ministre de la Culture a décrit les effets de la crise sanitaire qui touche le monde de la culture depuis février 2020. De fait, l’ensemble des secteurs culturels, qui ont été frappés de plein fouet par la pandémie, présentent une allure de paysage sinistré : activités réduites ou interrompues, résultats économiques en berne, professionnels en attente.

Face à cette situation sans précédent, la réponse de l’État pour accompagner le secteur culturel a été à la fois multiple et massive : soutien économique constant aux professionnels du secteur, développement de solutions alternatives (notamment, le système de « clique et collecte » pour les libraires et les disquaires), innovation numérique permettant de maintenir un lien substantiel avec le public et redynamisation de la filière culturelle tout entière à travers un plan de relance inédit de 2 milliards d’euros.

Le monde de la culture se réinvente

Orchstre Capitole Toulouse

De leur côté, les acteurs culturels ont multiplié tout au long de l’année les initiatives et les propositions avec une seule ambition : se réinventer.

C’est dans cet esprit que le ministère de la Culture a lancé, les 2 et 3 octobre, la première édition des États généraux des festivals, une initiative destinée à réinventer l’écosystème de cette profession sinistrée. Des territoires à la diversité, en passant par la place des artistes ou les retombées économiques, chacun des éléments constituant notre modèle des festivals a été interrogé dans un esprit à la fois constructif et critique par quelque 1200 personnes dans toute la France. Un rendez-vous essentiel dont on attend la 2e édition au printemps 2021.  

La saison des festivals étant annulée, le ministère de la Culture a pris l’initiative de proposer une nouvelle opération, « Un été culturel », dont le succès s’est prolongé avec « Un automne culturel ». Son ambition ? Soutenir les artistes durement touchés par l’annulation des festivals et inventer le moyen de toucher un autre public. Objectif pleinement atteint, si l’on en juge par « Plaine d’artistes », une opération gratuite organisée par La Villette, qui a permis aux visiteurs d’explorer en avant-première les coulisses des derniers spectacles de Bartabas, Angelin Preljocaj ou Mourad Merzouki. Autre événement emblématique d’ « Un été culturel », les manifestations – lectures, stages, écriture… – proposées par le Théâtre national de Strasbourg, qui a fait la part belle aux jeunes et aux publics éloignés de la culture.

Réinventer ses pratiques en les adaptant strictement aux conditions sanitaires, c’est également l’ambition de nombreux acteurs culturels  : événements transformés en 100% numérique comme BD2020, l’année de la bande dessinée, la Nuit des musées, Archéorama et la Nuit du cirque, enregistrement discographique sans public à l’Opéra de Bordeaux, aménagement des missions de l‘IVT ou tournage d’un film sur un accrochage de l’artiste Vincent Corpet dans une galerie. Chacune de ces initiatives apporte la preuve que, en dépit de conditions contraintes, « la création se poursuit », comme l’a souligné la ministre de la culture.

Le monde de la culture fait corps avec son public

Louvre Covid

La crise sanitaire n’a pas seulement frappé les acteurs du secteur culturel, elle a également touché, à l’autre bout de la chaîne, tous ceux – spectateurs, lecteurs, visiteurs – qui sont privés de leur activité culturelle favorite. Une situation qui aura conduit les Français, selon la première enquête menée par le ministère de la Culture sur les pratiques culturelles pendant le confinement, à réinvestir massivement les pratiques en amateur.

Pour favoriser l’accès de la culture à tous les publics, le ministère de la Culture a notamment développé une plateforme inédite qui recense l’essentiel de l’offre numérique culturelle hexagonale : Culturecheznous. Cette initiative, qui a reçu un indéniable succès d’audience – plus de 1 millions de visiteurs au 1er novembre – fédère des contenus originaux conçus par 600 acteurs culturels.

De nombreux acteurs du monde de la culture – au premier rang desquels on trouve les opérateurs du ministère de la Culture – ont également contribué à l’exploration de cet autre canal de diffusion culturelle : le numérique. C’est le cas – entre autres – du théâtre de la Colline, qui a développé, à l’initiative de Wadji Mouawad, un lien original avec son public, de la Cinémathèque française, du dispositif des Micro-Folies, de l’audiovisuel public développant des ressources d’éducation aux médias, des Ateliers Médicis promouvant une nouvelle approche de la création contemporaine ou de ressources innovantes pour évoquer le handicap et l’accessibilité.

Le monde la culture est solidaire

librairie covid

Dès le début de la crise sanitaire, le monde de la culture s’est immédiatement engagé pour enrayer la propagation du virus, comme en témoigne le travail approfondi pour mettre en place des protocoles sanitaires particulièrement stricts et rigoureux, adaptés à chaque secteur d’activité.

Grâce à de telles mesures, les musées, libraires, disquaires et services d’archives et autres lieux de création contemporaine ont pu rouvrir leurs portes de façon exemplaire pendant la période estivale.

Exemplarité, également, de plusieurs acteurs culturels qui se sont mobilisés en faveur du monde hospitalier. C’est le cas notamment des ateliers de costumes des principales maisons d’opéra qui se sont engagés dans la confection de masques. D’autres, comme le Mobilier national, ont soutenu la filière des métiers d’art, dont l’économie fragile a été particulièrement touchée par la crise sanitaire. Ces expériences en apportent la preuve : aujourd’hui, la culture a plus que jamais rendez-vous avec la solidarité.

Le monde de la culture interroge l’actualité

création covid

En dépit de la crise sanitaire, les acteurs culturels n’ont rien perdu de ce qui les rend si précieux : leur façon de questionner le monde. Au contraire : la pandémie a rendu plus urgent encore un salubre exercice de lucidité, entre examen critique et appel d'air de l’imaginaire.

A commencer par une interrogation sur les mots eux-mêmes de la crise sanitaire : d’où viennent ces termes, souvent inspirés de l’anglais, qu’on entend à satiété dans tous nos journaux télévisés : Covid, « cluster », traçage, comorbidité ? N’existe-t-il pas d’autres manières de les dire ?

Autre sujet qu’il est impératif de questionner : les infox, qui concernent bien sûr le Covid mais pas seulement. Diffusées largement – et complaisamment – sur les réseaux sociaux, ces fausses informations, qui ont pris un tour dramatique avec l’assassinat de Samuel Paty, suscitent prises de position et adhésions souvent irrationnelles, comme l’ont souligné récemment les Assises du journalisme. C’est pourquoi le ministère de la Culture place au premier rang l’éducation aux médias, en soutenant des initiatives citoyennes, comme celle de l’association Fake Off qui mène une action exemplaire à Montreuil, et en encourageant les remarquables programmes dédiés de l’audiovisuel public, comme l’emblématique opération de France Inter : Inter Class.

Les questions ayant trait à la diversité et la parité sont également d'une actualité brûlante. Cette année, on relève plusieurs initiatives touchant à la diversité dans le secteur culturel, notamment dans le monde de la photographie, ou l'on relèvera la publication remarquée - soutenue par le ministère de la Culture - de la première encyclopédie historique des femmes photographes et la politique proactive menée par Marta Gili à la tête de l’école nationale de la photographie à Arles. La place des femmes artistes dans l'art contemporain, c'est aussi le sujet de l'une des trois jeunes chercheuses que le ministère de la Culture a distinguées à l'occasion du prix de la Thèse Valois, une initiative originale qui a pour ambition de rapprocher la recherche universitaire de l'actualité des politiques culturelles.

Et les étudiants de l’enseignement supérieur culture, comment ont-ils vécue la crise sanitaire ? A-t-elle modifié la façon d’envisager l'activité de ces professionnels de demain ? Quatre d’eux, venus d'horizons variés (architecture, cinéma, cirque, design), ont accepté de répondre à notre enquête. Au seuil de l'année 2021, ils font entendre une parole inédite étonnante de maturité. C'est passionnant.