4.Peintres
Les "peintresses"
Traditionnellement, la peinture est considérée comme l’expression artistique par excellence. Aussi, le peintre occupe le sommet de la hiérarchie des beaux-arts. Depuis le milieu du dix-septième siècle, le peintre académicien représente l’aristocrate de la profession et il va faire tout ce qui sera en son pouvoir pour conserver ses privilèges. Les femmes jouant un rôle extrêmement important au cours du dix-huitième siècle, l’Académie s’ouvre à elles, mais non sans réticences et atermoiements. En réalité, l’enjeu est, et restera, fondamentalement économique. Dans ce marché relativement étroit, qu’est le commerce de la peinture, l’arrivée de nouveaux concurrents a des conséquences importantes. Limiter, sous prétexte de moralité, l’activité des femmes peintres au portrait et à la nature morte permet aux Académiciens de conserver le monopole des grandes décorations, emblématiques et financièrement intéressantes. Par la suite, on tolèrera que les femmes continuent à occuper ce terrain relativement marginal. Lorsque, en 1837, Louis-Philippe crée, dans une France passionnée d’histoire, un musée « à toutes les gloires », des milliers de commandes sont jetées en pâture aux artistes. Les femmes, une vingtaine, ne reçoivent que quelques miettes : une trentaine de commandes, sur plus de 3.500…
Si Rosa Bonheur, décorée de la Légion d’honneur par l’impératrice Eugénie, parvient à faire une éblouissante carrière, c’est parce qu’elle se positionne sur un créneau commercial très étroit : celui de la peinture animalière. La situation devient particulièrement tendue à partir des années 1870. La Grande dépression (1873-1896) a de très fortes implications sur le marché de l’art contemporain. De plus, l’évolution du goût du public contraint les Académiciens à abandonner les terres qu’ils s’étaient réservées (la peinture d’histoire), pour venir chasser sur celles du tout-venant (portrait, scène de genre, voire paysage). Enfin, un nombre croissant d’artistes, français et étrangers, arrivent alors sur le marché, attirés par le statut de capitale artistique mondiale qu’occupe désormais Paris. Aussi, la revendication des femmes, souhaitant légitimement obtenir une formation équivalente à celle des hommes, au sein de l’école des beaux-arts, fait-elle l’objet d’un refus, jusqu’en 1896. Duplicité ou volonté de conserver la mainmise sur toutes les formations, certains Académiciens - Jean-Léon Gérôme (1824-1904), Léon Bonnat (1833-1922) et William Bouguereau (1825-1905) - n’hésitent pas à venir corriger les travaux de femmes artistes dans des académies privées.
A la même époque, les attaques contre l’esthétique impressionniste tendent également à maintenir le monopole de l’Académie. En dépit de ces efforts, les solutions impressionnistes (palette claire, touche libre) séduisent un nombre croissant de jeunes artistes, notamment parmi les femmes. Dans une atmosphère d’effervescence artistique, le décret de 1880, autorisant la création de salons, va permettre aux artistes d’exposer la grande diversité des esthétiques. Si les femmes présentent des œuvres dans divers salons, en fonction de leurs affinités artistiques, elles jugent également nécessaire de se regrouper au sein de l’Union des femmes peintres et sculpteurs.
L’une des conséquences de la guerre de 1914 est d’amener les femmes à prendre en main diverses activités, jusqu’alors occupées par des hommes, et ainsi d’affirmer leur rôle au sein de la société. S’il leur est encore nécessaire de se battre pour se positionner sur la scène picturale, elles participent à tous les courants esthétiques de la première moitié du vingtième siècle.
Laurent Manoeuvre
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