2.Graveuses, dessinatrices et imprimeuses
Graveuses, dessinatrices, imprimeuses
Tout autant que support de création, l’estampe est considérée comme un moyen de reproduction, au même titre que l’imprimerie. La reproduction étant inhérente à la femme, le pas a été souvent franchi, qui consistait à limiter la femme, dans le domaine artistique, à des activités de reproduction. Aussi trouve-t-on dès le dix-septième siècle, mais aussi au cours des siècles suivants, un nombre non négligeable de femmes graveuses ou imprimeuses, certaines étant d’ailleurs restées anonymes. L’activité des graveuses se place souvent au sein d’ateliers, généralement familiaux. A l’autre extrémité de la chaîne de production, plusieurs dizaines d’imprimeuses, qu'il s'agisse d’estampes savantes ou populaires, reprennent la succession de leur mari, après le décès de celui-ci. Cette tradition se maintiendra dans l’édition de cartes postales.
Alors que, sous le Second Empire, Adolphe Goupil (1806-1893) développe un empire commercial et international reposant sur la reproduction, manuelle ou photomécanique, d’œuvres d’art, certains graveurs vont prôner le développement d’estampes originales, à tirages limités. Mary Cassatt (Américaine et fondamentalement démocrate) s'intéresse à la gravure parce qu'elle aime les défis techniques, mais aussi par volonté de mettre à la portée d’amateurs peu fortunés des œuvres d'art originales. Sa réalisation d’une série de dix aquatintes en couleurs, en 1891, a lieu au moment où nombre d’artistes, d’Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) à James Tissot (1836-1902) cherchent une solution simple au procédé complexe de l’impression en couleur. La stupéfiante solution mise en œuvre par Mary Cassatt, et la beauté du résultat, lui vaudront l'admiration de Camille Pissarro (1830-1903) et bien des jalousies de la part de ses confrères masculins.
Dans le domaine du dessin et de l'estampe, la frontière entre art, artisanat et reproduction est parfois difficile à déterminer. En 1879, un article de la Gazette des femmes annonce que « les écoles de dessin de Paris comptent actuellement 6.370 femmes ». La plupart de ces étudiantes sont formées à des techniques qui les amèneront à travailler dans le monde industriel ou artisanal, plus que dans le domaine artistique. Ces femmes sont donc restées anonymes. A la même époque, avant que la photographie ne s’impose, Marie Bracquemond et Louise Breslau ne dédaignent pas de fournir à la presse des dessins destinés à une reproduction en masse. Leur motivation était peut-être financière. Toutefois, compte tenu de leur personnalité, ces deux artistes étaient certainement conscientes de l'intérêt d'une large diffusion, au-delà des cercles artistiques.
Laurent Manoeuvre
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