Le journaliste de presse écrite
Le journaliste exerce une activité essentielle au bon fonctionnement de la démocratie en recueillant et diffusant des informations de qualité au public, permettant ainsi aux citoyens de participer de manière éclairée au débat public. Lorsqu’il remplit les critères légaux, il peut obtenir la carte de presse de journaliste professionnel, bénéficiant ainsi de la présomption de salariat et de droits spécifiques dérogatoires au droit commun.
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Qu’est-ce qu’un journaliste ?
Selon la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, est considérée comme journaliste toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public. Il assure, selon le média auquel il appartient (presse écrite, radio, télévision, etc.), différentes tâches liées à la collecte, à la sélection, à la mise en forme, à la présentation, ainsi qu'à l’explication et au commentaire des informations en lien avec l'actualité.
Le journaliste pigiste
Le journaliste pigiste est un travailleur indépendant, rémunéré à la tâche, c’est-à-dire à l’article, au reportage ou à la photo. Il collabore de manière discontinue avec plusieurs employeurs. Un journaliste pigiste est lié à l’entreprise éditrice par un contrat de « louage d’ouvrage », qui doit être renouvelé à chaque apport.
Lorsqu’il répond aux critères du définition du journaliste, il peut bénéficier du statut de journaliste professionnel.
Cadre éthique
En 2016, la loi Bloche a introduit l’exigence d’une charte déontologique dans chaque entreprise de presse ou audiovisuelle, dont la rédaction doit être réalisée conjointement par la direction et les représentants des journalistes.
Avant l’entrée en vigueur de cette loi, des règles de déontologie s’appliquaient déjà au métier de journaliste. Elles trouvent leurs sources dans différents textes de nature conventionnelle négociés en France mais aussi au niveau international.
Au niveau national, la première charte a été élaborée en juillet 1918. Cette Charte d'éthique professionnelle des journalistes constitue l'un des actes fondateurs du Syndicat national des journalistes (SNJ). Révisée en 1938, puis en 2011, elle repose sur le postulat qu'une information de qualité doit être exacte et ne pas avoir été obtenue de manière déloyale. Elle énonce des principes déontologiques de base et notamment le fait que les journalistes doivent considérer la calomnie, les accusations sans preuves, la déformation des faits et le mensonge comme les plus graves fautes professionnelles.
Au niveau européen, une Déclaration des devoirs et des droits des journalistes a été adoptée en 1971 à Munich par les représentants des fédérations de journalistes de la Communauté européenne ainsi que de diverses organisations internationales de journalistes. Elle reprend les grands principes de la charte française en y ajoutant un chapitre sur les droits des journalistes. Elle énonce ainsi dix devoirs et cinq droits fondamentaux des journalistes et de leurs employeurs. Parmi ces devoirs figurent le respect de la vérité et de la vie privée, et l’obligation de rectifier toute information qui se révèle inexacte.
Ces chartes constituent des outils d'autorégulation pour la profession. Ainsi la convention collective nationale des journalistes, signée par les partenaires sociaux, précise-t-elle seulement que « les parties reconnaissent l'importance d'une éthique professionnelle et l'intérêt que celle-ci représente pour une bonne information du public. ». La charte du SNJ et la charte de Munich n’ont pas de valeur contraignante dans l’ordre juridique interne.
Même si ces chartes n’ont pas de valeur contraignante, ce que le Conseil d’État a d’ailleurs rappelé par une décision du 22 avril 2022, la loi Bloche a prévu qu’à défaut de conclusion d’une charte déontologique dans l’entreprise avant le 1er juillet 2017 et jusqu’à l’adoption de celle-ci, les déclarations et les usages professionnels relatifs à la profession de journaliste peuvent être invoqués en cas de litige.
Ressources utiles pour les journalistes
Statut du journaliste professionnel
Tous les journalistes ne sont pas considérés comme des « journalistes professionnels ». Pour obtenir ce statut et bénéficier de la carte de presse, ainsi que de la présomption de salariat et de divers droits dérogatoires au droit commun, un journaliste doit répondre aux critères définis par le code du travail. Ce statut est encadré par les articles L. 7111-1 à L 7124-35 du code du travail.
Selon ces dispositions, pour être considéré comme journaliste professionnel, une personne doit remplir les conditions suivantes.
- Activité principale, régulière et rétribuée : l'exercice de la profession de journaliste doit constituer une activité principale, régulière et rétribuée pour la personne.
- Nature de l’employeur : l'exercice de la profession doit se faire dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse.
- Ressources principalement tirées de l’activité journalistique : les revenus du journaliste doivent provenir principalement de son activité dans des entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse. Les dispositions règlementaires imposent d’en tirer « une rémunération au moins égale au salaire minimum ».
La carte de presse
La « carte d’identité des journalistes professionnels », créée par la loi Brachard de 1935, permet d’attester de la qualité de journaliste professionnel. Elle est attribuée à toute personne répondant à la définition du journaliste professionnel énoncée à l’article L. 7111-3 du code du travail.
Seule carte officielle en France pour les journalistes travaillant pour des médias français, elle est délivrée par la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP), dont la composition repose sur le paritarisme, c’est-à-dire une représentation égale entre les journalistes et leurs employeurs (article R. 7111-18 du code du travail).
En France, les correspondants de médias étrangers peuvent bénéficier, sous conditions, d’une carte de presse étrangère. Celle-ci est délivrée par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
La détention d’une carte de presse n’est pas obligatoire pour exercer le métier de journaliste. Cette carte professionnelle vise à faciliter l’accès à son titulaire à divers lieux de façon gratuite afin d’y recueillir des informations (musées, événements, manifestations, conférences de presse, etc.).
Elle doit être renouvelée tous les ans.
En 2023, la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) :
- a délivré 34 444 cartes ;
- a délivré 2 156 cartes au titre de première demande (soit +10,6% par rapport à 2022) ;
- n’a émis que 711 refus sur 35 455 dossiers étudiés (soit seulement 2%).
Incompatibilités avec la profession
Certaines professions sont incompatibles avec le statut de journaliste professionnel :
- les agents de publicité (art. L. 7111-4 C. trav.) ;
- les fonctions de chargé de relations publiques et d’attaché de presse (arrêté du 23 octobre 1964 Définition des professions de conseiller en relations publiques et d'attaché de presse. ).
Présomption de salariat
Le journaliste professionnel bénéficie d’une présomption de salariat, c’est-à-dire qu’il n’a pas besoin de prouver qu’il y a un « lien de subordination » entre lui et son employeur. En effet, l’article L. 7112-1 du Code du travail dispose que « toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. »
Le régime salarial des journalistes est régi par la convention collective nationale du travail des journalistes (CCNTJ) du 1er novembre 1976. La CCNTJ est catégorielle, elle s’applique à l’emploi de tous les journalistes professionnels mensualisés ou rémunérés à la pige dans l’ensemble des entreprises de médias.
L'employeur du journaliste salarié bénéficie d'une présomption de cession exclusive des droits d'exploitation des œuvres journalistiques (art. L. 132-36 C. propriété intellectuelle). Cela signifie que l’employeur est présumé détenir les droits de représentation et reproduction de l’œuvre.
Les garanties d’indépendances des journalistes professionnels
Les protections statutaires ont un double objectif : garantir l’indépendance économique du journaliste, afin de lui permettre de conserver son indépendance éditoriale.
L'indépendance économique du journaliste
La loi Brachard prévoit plusieurs mécanismes visant à garantir la protection juridique de l’indépendance des journalistes.
La loi consacre d’abord la pratique « du mois par année » par laquelle la fixation de l’indemnité de licenciement des journalistes échappe à l’employeur. Ainsi, le journaliste a droit à une indemnité de licenciement équivalente à un mois de salaire par année de collaboration. En cas de faute grave ou répétée, le journaliste pourra obtenir une indemnité réduite, contrairement à ce qu’il peut exister pour les salariés non-journalistes.
Par une décision du 14 mai 2012, le Conseil constitutionnel a jugé que ces droits exclusifs reconnus aux journalistes étaient conformes au principe d’égalité. Le Conseil a ainsi considéré que « le législateur a mis en place un régime spécifique pour les journalistes qui, compte tenu de la nature particulière de leur travail, sont placés dans une situation différente de celle des autres salariés ; […] les dispositions […] propres à l'indemnisation des journalistes professionnels salariés visent à prendre en compte les conditions particulières dans lesquelles s'exerce leur profession ; […] par suite, il était loisible au législateur, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, d'instaurer un mode de détermination de l'indemnité de rupture du contrat de travail applicable aux seuls journalistes à l'exclusion des autres salariés ».
En entourant de garanties le licenciement des journalistes par l'employeur, la loi instaure un dispositif particulièrement protecteur, exorbitant du droit commun.
L'indépendance éditoriale du journaliste
La loi Brachard introduit également des dispositions visant à garantir l’indépendance éditoriale du journaliste. La loi prévoit, par dérogation au droit commun, que le journaliste professionnel peut rompre son contrat de travail et obtenir des indemnités de rupture en cas :
- de cession du journal ou du périodique (le changement d'actionnaire majoritaire s'analyse également comme une cession) ;
- de cessation de la publication du journal ou du périodique pour quelque cause que ce soit ;
- de « changement notable dans le caractère ou l'orientation du journal ou du périodique si ce changement crée, pour le salarié une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d'une manière générale, à ses intérêts moraux ».
S’agissant du préavis, le journaliste bénéficie aussi d’un régime d’exception. S’il est légitime que la mise en œuvre de la clause de conscience dispense le journaliste de préavis, le délai prévu par l’article L. 7112-2 du code du travail est seulement d’un mois pour une ancienneté inférieure ou égale à trois ans et de deux mois quand cette ancienneté est supérieure.
Le secret des sources journalistiques
La protection du secret des sources journalistiques est essentielle pour la liberté de la presse. Elle permet aux journalistes d’informer le public sur des sujets d’intérêt général sans que leurs sources ne soient exposées à des risques de représailles.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme accorde une large protection au secret des sources des journalistes sur le fondement de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme. Elle juge ainsi de manière constante que « la protection du secret des sources des journalistes est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse » et qu’il ne peut y être porté atteinte qu’en vue de tenir compte d’« un impératif prépondérant d’intérêt public » et en veillant à « préserver une balance équitable des intérêts en présence En France, cette protection repose principalement sur la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui interdit de porter atteinte directement ou indirectement au secret des sources des journalistes, sauf impératif prépondérant d’intérêt public.
Si le Conseil constitutionnel a jugé qu’aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des sources des journalistes, la protection de ce secret par le législateur concourt à la garantir le pluralisme et l’indépendance des médias et des quotidiens d’information politique et générale, qui constituent des objectifs à valeur constitutionnelle.
Organisations syndicales
Au regard des dispositions de l’article 1 de l’arrêté du 6 octobre 2021, les organisations syndicales représentantes des journalistes reconnues dans la convention collective nationale de travail des journalistes (n° 1480) sont :
- l'Union syndicale Solidaires (SOLIDAIRES) ;
- la Confédération générale du travail (CGT) ;
- la Confédération française démocratique du travail (CFDT) ;
- la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO).
Ressources
- Loi du 29 mars 1935 relative au statut professionnel des journalistes
- Chartes d’éthique et de déontologie des journalistes (CDJM)
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