Dans les Ardennes, le Contrat Territoire Lecture ou Contrat départemental lecture permet de soutenir le projet de service de la bibliothèque départementale des Ardennes visant à structurer et à professionnaliser les réseaux de lecture publique sur le territoire ardennais. Rencontre avec son directeur, Jean-Rémi François.
Depuis combien de temps a été mis en place le Contrat départemental lecture dans les Ardennes ?
Jean-Rémi François : le premier Contrat territoire lecture (CTL) entre l’État –DRAC Grand Est et le Département des Ardennes a été signé en 2017, renouvelé en 2020 et, complété par un Contrat départemental Lecture Itinérance (DDLI) aujourd'hui fusionné en un Contrat départemental lecture (CDL). En 2017, l’opportunité de signer un CTL avec la DRAC Grand Est a permis, dans un contexte budgétaire très contraint pour la collectivité, de préserver des moyens de fonctionnement, particulièrement le budget acquisition et actions culturelles, et dans le cadre d’un premier projet de service, de légitimer des nouvelles orientations. Ainsi, les axes d’orientation du CTL sont venus soutenir le nouveau projet de service mis en place au même moment, qui comprenait notamment le développement des ressources numériques, avec la mise en place d’une plateforme numérique pour les bibliothèques du réseau et le remplacement du portail internet.
Le deuxième CTL, couplé au CDLI, a été l’occasion d’approfondir sur plusieurs points et, aujourd’hui, le CDL permet de monter en puissance sur l’accompagnement des collectivités. Un poste est désormais dédié à l’ingénierie en lecture publique, afin d’accompagner les référents de territoire qui sont des bibliothécaires qui ont des missions d’accompagnement de chaque intercommunalité. Il s’agit de les soutenir, de les outiller, en mettant une boite à outils à leur disposition, et d’assurer le suivi des statistiques de lecture publique sur le département. Nous avons également pu renouveler et diversifier le matériel d’animation, de manière très conséquente, grâce notamment au Contrat départemental lecture itinérance. Chaque année 20 000 euros y ont été consacré. En 2022 et 2023, nous avons augmenté d’1/4 le prêt de matériel d’exposition, grâce à la création de deux nouvelles expositions, l’une sur la marionnette, conçue par l’Institut international de la marionnette à Charleville-Mézières et une autre sur André d’Hôtel, conçue par l’artiste plasticienne Julie Faure-Brac. Nous avons également lancé un nouveau service avec le prêt d’instruments de musique qui n’existait pas encore en Champagne-Ardenne, pour des prêts aux usagers, et également des robots, des tablettes, des casques de réalité virtuelle, des badgeuses, un petit studio d’enregistrement.
Parleriez-vous, pour les Ardennes, d'une dynamique vertueuse des contrats départementaux lecture ?
Jean-Rémi François : dans un département comme les Ardennes où les effets de ciseaux sont importants avec la question de la pauvreté du territoire et du vieillissement démographique, les capacités budgétaires des collectivités sont faibles, le soutien des politiques d’État, par le biais de la DRAC, est primordial et permet un effet levier. Le Contrat territoire lecture ou Contrat départemental lecture est une politique publique particulièrement adaptée aux Ardennes. Quand nous avons débuté le schéma de lecture publique en 2005, il y avait très peu de médiathèques construites dans le département et aujourd’hui le maillage est presque finalisé, et ça s’est fait avec l’apport des collectivités, du département et de l’État. La contribution du concours particulier "Bibliothèques" de la dotation générale de décentralisation (DGD) notamment a été essentielle.
Aujourd’hui, le réseau de la bibliothèque est constitué d’une centaine de bibliothèques et de points lecture et 5 intercommunalités sur 8 investissent le champ de la lecture publique. Au niveau du maillage, nous sommes en voie de finalisation des équipements, c’est pourquoi notre projet de service s’attache maintenant à consolider le fonctionnement et à professionnaliser les services et les bibliothécaires avec cette attention portée à la notion d’accompagnement, à la fois des élus, des bibliothécaires et des bénévoles.
Depuis cette année, vous avec mis en place, avec l'Association des bibliothécaires de France, une formation inédite ?
Jean-Rémi François : en effet, sur le département nous connaissons parfois des difficultés de recrutements, nous proposons des formations de base, mais qui ne sont pas professionnalisantes, et ce qui est important pour la BDP c’est de construire les parcours professionnels avec les personnes déjà en place. Nous avions de nombreuses demandes de bibliothécaires qui avaient besoin de se professionnaliser ou de personnes en reclassement professionnel. L’Association des bibliothécaires de France (ABF) de son côté a notamment pour mission la mise en place d’une formation d’auxiliaires de bibliothèques diplômante, reconnue par l’État. L’association étant portée essentiellement par des professionnels militants et bénévoles, le montage de ces formations représente une lourde charge et la bibliothèque départementale, dont l’une des missions est aussi la professionnalisation du réseau et la mise en place d’une offre de formation, a choisi de s’associer dans un partenariat innovant avec l’ABF pour réactiver cette formation, non seulement sur les Ardennes, mais sur l’ensemble du territoire champardennais, en partenariat avec les départements de l’Aube, de la Marne et de la Haute-Marne, plus l’Aisne qui s’est également associée.
Cette formation s’adresse à des personnes salariées ou bénévoles en bibliothèque, avec un temps de présence minimum. Elle leur permet d’obtenir un niveau professionnel. Sur la quarantaine de candidatures reçues, nous avons retenu une vingtaine de candidats (dont 7 Ardennais), qui, depuis septembre 2023 et jusqu’à juin 2024, s’engagent à suivre des cours un jour par semaine. C’est un investissement important pour ces salariés ou ces bénévoles, qui ont quelques fois des petits contrats. Une trentaine de formateurs de la région intervient auprès d’eux, ce qui nous permet également de repérer de nouveaux talents de formateurs.
On ne connaît aucun autre exemple de ce type en France et c’est pourtant une solution qui peut se dupliquer facilement. D’ailleurs, les bibliothèques départementales de la Marne, de la Haute-Marne et de l’Aube sont favorables pour que cette formation soit itinérante et change de lieu tous les ans, pour être au plus proche des territoires, et faciliter l’accès des bénévoles.
Dernière question, ça fait quoi d’être désigné « Bibliothécaire de l’année » par les lecteurs de Livres hebdo ?*
Jean-Rémi François : « Cela fait plaisir !». Depuis l’annonce, il ne se passe pas une journée sans qu’une personne vienne me féliciter, ça fait parler de la bibliothèque des Ardennes, du travail mené par l'équipe, les gens se l’approprient. A lire le portrait de Jean-Rémy François sur Livres Hebdo
* Grand prix des bibliothèque 2023 - Livres Hebdo
La bibliothèque des Ardennes en chiffres
Typologie des 96 bibliothèques
- 9 médiathèques en niveau 1
- 33 bibliothèques en niveau 2
- 54 points-lecture en niveau 3
- 36 bibliothèques en réseau intercommunal
- 5 réseaux intercommunaux de lecture publique
- 1 commune sur 5 dispose d’un point-lecture ou d’une bibliothèque.
Formation
- 87,63% (85 % en 2021) des bibliothèques ont au moins un bibliothécaire qui a suivi la formation initiale
- 68,04% (42 % en 2021) des bibliothèques ont au moins un bibliothécaire qui a suivi au moins une formation cette année (équivalent à 288 participations)
Surface cumulée
- 19 054 m2 de bibliothèques soit 0.069m2 par habitants en 2022 (275 801 Ardennais), la moyenne en 2017 était de 0.06 de bibliothèque par habitant
Collections
- 897 279 documents dans le catalogue commun à toutes les bibliothèques ardennaises
- 670 148 prêts en 2022 sans le bon groin* (608 368 prêts en 2021), soit 32.25 prêts en 2022 par emprunteur actif (individuel + collectivité)
- 20 780 emprunteurs actifs dans le réseau, dont 19 897 individus et 883 collectivités (soit 7,2%)
* Le Bon Groin est la plateforme numérique ardennaise proposant des ressources en ligne.
Professionnalisation
- 52,58% des bibliothèques disposent d’un personnel avec des heures salariées (53% en 2021)
- 59 % sont des bénévoles (53% en 2021) soit 190 personnes pour 12,27 ETP (13 ETP en 2021) (148 personnes en 2021), soit 10.76 % du total des ETP (12 % en 2021)
- 41% sont des salariés, soit 133 (130 en 2021), représentant 90% du total des ETP (88 % en 2021)
Animations
- 42 bibliothèques ont proposé au moins une animation soit environ 40%
- 31 bibliothèques ont emprunté du matériel d’animation soit environ 30%
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