4.Lyon 5e (métropole de Lyon -Rhône) : calvaire Saint-Irénée
Le calvaire Saint-Irénée présente au point de vue de l'histoire et de l'art un grand intérêt en raison de la qualité artistique et paysagère du dispositif dans son ensemble, à la fois marqueur de l’histoire religieuse de la métropole lyonnaise et structurant d’un point de vue urbain.
- Époque : XVIIe-XIXe siècles -
Inscription au titre des monuments historiques le 8 juin 2021.
© Claire Aubaret DRAC Auvergne-Rhône-Alpes- CRMH
Le calvaire de Lyon, à Saint-Irénée, est l'un des rares calvaires monumentaux subsistant en milieu urbain. Aménagé à l’arrière de l'église Saint-Irénée, elle-même classée en 1862, qui donne son nom au quartier, le dispositif est situé en extérieur, sur une esplanade qui surplombe Lyon en direction de l’Est. De là, le panorama s’étend à perte de vue jusqu’aux Alpes.
Saint-Irénée est certainement l’un des plus anciens sanctuaires chrétiens de notre territoire. Sur le lieu de nécropoles antiques, un mausolée, reçut d’abord les corps de deux jeunes martyrs lyonnais ayant perdu la vie en 178 après J.-C., Épipode et Alexandre. Plus tard, le corps de Saint-Irénée, évêque et saint patron de Lyon, mort en 200, y fut à son tour enseveli, faisant de ce lieu de dévotion un important pèlerinage aux martyrs lyonnais. Une première église, dont la dédicace avait alors été faite à Saint-Jean-Baptiste, y fut élevée dans le courant du VIe siècle. C’est l’origine de l’actuelle église Saint-Irénée, qui comprend de nombreuses strates chronologiques, jusqu’au XIXe siècle.
En 1687, les chanoines de Saint-Irénée érigèrent ici un premier calvaire, remplaçant celui de l’Antiquaille, alors que le quartier achève sa reconstruction après les lourdes dégradations subies au siècle précédent. Une église à deux niveaux, désignée à l’origine sous le vocable de Saint-Antoine-et-Saint-Nicolas, fermait autrefois l'enclos du cimetière Saint-Irénée du côté de la pente. L’installation d’un calvaire matérialisant la scène de la crucifixion du Christ prend place à l’emplacement de l’autel du monument disparu. L’étage inférieur est alors conservé comme crypte, les maçonneries du soubassement formant le socle d’une chapelle souterraine, dans l’axe des croix de la Passion.
La scène centrale, restaurée au début du XIXe siècle, reprend les personnages de l’histoire sainte et leurs traditionnelles poses autour du Christ en croix. L’ensemble de sculptures grandeur nature est organisé en un golgotha empreint de dramatisme, le Christ mort entouré des deux larrons sur les trois croix, la Vierge, Marie-Madeleine et Jean, éplorés à leurs pieds. Avec pour toile de fond la vaste plaine qui s’étend au loin, l’espace du calvaire peut accueillir des cérémonies religieuses à ciel ouvert. C’est également l’aboutissement d’un chemin de croix à travers la vieille ville de Lyon dont le déroulement est relaté par de nombreux écrits. Depuis l'église Sainte-Croix aujourd’hui disparue, située au nord de la cathédrale Saint-Jean, ce long parcours de pèlerinage à la croix du Christ, appelé chemin de croix, était constitué de stations dans plusieurs établissements religieux de la ville, où des prières étaient récitées. Ce parcours de la piété populaire partait du bas de la colline de Fourvière à côté de la Saône, puis empruntait l’ancienne montée à flanc de coteau qu’on appelle le Gourguillon, et poursuivait par la rue des Farges en direction du bourg formé autour de l’église Saint-Irénée depuis les premiers temps de la chrétienté.
Dans le courant du XVIIIe siècle, la pratique du pèlerinage dans la ville tomba en désuétude, la plupart des établissements religieux ayant été fermés après la Révolution. Le calvaire en lui-même, sur la hauteur de Saint-Irénée, mis à bas, nécessitait d’être restauré. Jean-Christophe Guillaud (1753-1821), négociant-manufacturier originaire de Saint-Étienne, propriétaire de la Pellonnière à Collonges-au-Mont-D’Or, ainsi que d'autres pieux Lyonnais s’associèrent pour mener une souscription en faveur du monument. Elle aboutit à la réparation du calvaire, qui fut magistralement achevé en 1817. C’est l’ensemble des personnages de la crucifixion qui sont aujourd’hui visibles. Des édicules, qui se trouvent sur le pourtour de l’esplanade dite place du Calvaire, sont alors adossés aux murs délimitant le sanctuaire. Douze stations figurent du côté gauche en entrant les scènes I à VI et sur la droite les scènes VII à XIII de la passion du Christ. En 1868, une seconde souscription permit le réaménagement du site par J.-H. Fabisch et la réalisation des édicules actuels de style néoclassique, constitués d'un socle en béton sur lequel repose deux colonnettes doriques supportant un fronton décoré de deux acrotères à palmettes au bas des rampants. Ils étaient revêtus d’une couverture en zinc. À l'intérieur de chaque édicule, un épisode de la passion du Christ est représentée en bas-relief de terre cuite. Le cycle de bas-reliefs, aujourd’hui fortement dégradés, fut installé à cette époque dans tous les édicules. Il est venu remplacer les plaques primitives, en relief de marbre turquin, issus du chemin de croix de 1814-1817, qui furent ultérieurement intercalées entre les constructions. Deux anges en terre cuite, remplaçant les anges en marbre du dispositif d'origine, sont postés sur les colonnes qui encadrent la scène de la crucifixion. Trois larges marches séparent l'esplanade de la partie pavée en grandes dalles de choin, sur lesquelles prennent place l’autel et toutes les figures sculptées participant à la scène centrale.
Deux édicules apparaissent plus imposants en termes d’élévation et de profondeur. Ils sont situés de part et d’autres de cette scène. Ces deux stations sont respectivement sur la gauche, «Jésus est condamné à mort», soit la première station du chemin de croix et à droite, «Jésus est descendu de la croix», treizième et avant-dernière du parcours. Ces deux édicules, qui, à la différence des autres stations, comportent un autel intérieur, étaient vraisemblablement déjà présents en 1808. Ils avaient alors été réalisés grâce aux dons des sœurs Marie et Cécile Merlin, généreuses donatrices de la paroisse Saint-Irénée. Ces édicules ont aussi bénéficié de la restauration de J.-H. Fabisch, mais les colonnes doriques et l’entablement à triglyphes et métopes est ici en pierres de taille et non en béton moulé comme pour les autres édicules, dont les dimensions sont plus réduites. Leur toit, d’une amplitude de plus d’un mètre, n’a pas de couverture en zinc et les palmettes des acrotères sont plus petites et beaucoup plus abîmées que celles des autres stations. Il semblerait donc que le statuaire lyonnais, chargé par le diocèse de la restauration du site en 1868, ait conservé ces deux oratoires et qu’il les ait pris pour modèle au moment de projeter la réfection du dispositif.
Au terme du parcours, les fidèles allaient prier et méditer dans la chapelle souterraine, érigée sur les vestiges de l’église médiévale qui se trouvait à cet emplacement. Ce sépulcre, qui sert de quatorzième et dernière station au chemin de croix, a conservé une belle effigie du Christ gisant, reposant dans le chœur de cette crypte aujourd’hui fermée au public pour des raisons de sécurité, mais qui donnait à voir, depuis l’escalier d’accès, la figure de Christ mort, dans un évident souci de mise en scène, destiné à servir le culte autant qu’à inspirer l’adoration et la prière.
Ce chemin de croix a rassemblé un grand nombre de fidèles, de Lyon et des alentours, sous les différentes formes qu’il a pu adopter au fil des époques. De ce pèlerinage reste aujourd’hui un ensemble architectural et paysager dont la qualité artistique sert une mise en scène étudiée. Il refléte des pratiques de dévotion populaire héritées du temps passé, et garde un intérêt historique indéniable dans son lien à la spiritualité. La composition est équilibrée, elle témoigne du goût pour l’antique par lequel les artistes du XIXe siècle aimaient magnifier les représentations solennelles ou funéraires. Son existence fait vivre la mémoire du pieux chemin qui menait les croyants du groupe cathédral aux hauteurs de Saint-Irénée, afin d’être absous de leurs péchés, de rendre grâce et de s’acquitter de leurs devoirs selon les préceptes du culte.
Partager la page