Dora Maar (Paris, 1907 – Paris, 1977)
Elevée en Argentine dans une famille franco-yougoslave, Henriette Théodora Markovitch, rentrée à Paris en 1926, décide de se former à la peinture et fréquente l’atelier d’André Lhote à Montparnasse. Sur les conseils de son ami critique d’art Marcel Zahar, elle s’inscrit aussi à l’Ecole de Photographie de la ville de Paris. C’est finalement dans ce domaine qu’elle débute sa carrière professionnelle. Adoptant le pseudonyme Dora Maar, elle illustre le livre de l’historien de l’art Germain Bazin, Le Mont Saint Michel (1931). Associée à Pierre Kéfer entre 1930 et 1934, puis indépendante, dans son atelier 29 rue d’Astorg, elle réalise de nombreuses photographies publicitaires de mode pour les grands magazines, d’annonces pour les industries cosmétiques et des clichés de nus pour des revues de charmes.
Dans l’esprit social de l’école de photographie documentaire française, elle porte un vif intérêt aux laissés-pour-compte : mendiants, chanteurs de rues aveugles. Tant à Paris qu’à Londres ou Barcelone, elle sillonne les rues à la recherche du curieux et du grotesque. Alors qu’elle se joint à la « bande à Prévert », elle fréquente le groupe d’agit-prop artistique Octobre, dont elle photographie plusieurs représentations théâtrales. En 1935, elle est engagée comme photographe de plateau pour le film Le Crime de M. Lange de Jean Renoir, sur un scénario de Jacques Prévert.
Intellectuelle engagée, elle signe, avec André Breton et Georges Bataille le manifeste de Contre-Attaque. Elle appartient pleinement, dans les années 1930, au groupe surréaliste, dont elle signe de nombreux portraits (André Breton, Paul Eluard, Alberto Giacometti, Yves Tanguy). Elle compose des photomontages singulièrement étonnants comme 29 rue d’Astorg et Cavalier. A l’exposition surréaliste d’objets à la galerie Charles Ratton, en 1936, elle présente Portrait d’Ubu, cliché d’un fœtus de tatou, qui témoigne de la fascination du groupe pour l’informe et l’étrange.
Selon le récit probablement légendaire de Paul Eluard, Pablo Picasso rencontre Dora Maar, au café des Deux Magots à Paris, alors que celle-ci s’amuse à planter un canif sur la table, entre ses doigts. De leur passion amoureuse, naît rapidement un dialogue créatif particulièrement fécond. Les deux amants collaborent à une série de photogrammes, de gravures sur pellicule, d’expériences de « clichés-verre ». Bien vite, Dora Maar devient le modèle de riches ensembles de portraits sculptés ou bien peints notamment de femmes qui pleurent ou de suppliantes. « Pour moi Dora est une femme qui pleure. Pendant des années je l’ai peinte en formes torturées, non par sadisme ou par plaisir… C’était la réalité profonde de Dora… » prétend ainsi Picasso. Elle lui inspire aussi un ensemble de toiles sur le thème des Femmes assises, où Picasso affirme une virulence et une acidité de la couleur. Alors que le peintre exécute, en 1937, dans son atelier des Grands-Augustins, Guernica, Dora Maar réalise un reportage photographique des états successifs de l’œuvre, au fur et à mesure de sa transformation. Encouragée par Pablo Picasso, elle renoue avec la peinture et réalise des portraits stylisés dans un esprit cubiste ou des natures mortes d’objets isolés, aux formes très anguleuses.
A la suite de leur rupture définitive, en 1946, elle tombe peu à peu dans la dépression et s’isole dans sa demeure à Ménerbes. En Provence, elle peint à l'encre de sobres paysages, à la limite de l’abstraction.
En 2019, une grande rétrospective Dora Maar est organisée par le musée national d’art moderne – Centre Georges Pompidou, qui conserve un ensemble de 1850 négatifs et de 270 contacts, représentatif de toute sa carrière.
Franny Tachon
Biographie de Dora Maar sur le site AWARE
Sélection d’œuvres de Dora Maar conservées au musée national d’art moderne – Centre Georges Pompidou
Le musée Picasso à Paris conserve son Rollefleix
Bibliographie
Caws Marie Ann, Les vies de Dora Maar, Picasso, Bataille et les surréalistes, Paris, Thames and Hudson, 2000
Combalia Victoria, Dora Maar : Bataille, Picasso et les surréalistes, catalogue d’exposition, Marseille, Galeries de la Vieille Charité, 7 février – 30 avril 2002, L’Hospitalet, Centre culturel Tecla Sala, 21 mai – 15 juillet 2002, Marseille, Musées de Marseille, 2002
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