La journée du 10 décembre a démarré avec une visite de l’exposition consacrée à la Compagnie Architecture, à la Galerie d’Architecture. La présentation, par Chloé Bodart, de la méthode de travail de son cabinet d’architectes, a permis de réaliser collectivement que les espaces créent des usages autant qu’ils sont censés s’adapter aux usages existants. Des outils comme les permanences architecturales, les maquettes au cinquantième qui restent présentes sur le chantier, les évènements artistiques, ont vocation à impliquer les usagers pendant la durée du chantier et ainsi promouvoir une architecture à la fois sobre et innovante.
Les réflexions sur les nouveaux usages se sont poursuivies dans un tout autre domaine à l’IRCAM, l’institut de recherche et coordination acoustique/musique, dite « fabrique des rêves sonores » par Franck Madlener. Le directeur a ouvert la journée d’études en soulignant la contradiction fertile d’un lieu qui parvient à rester pionnier dans la durée.
S’en est suivie une présentation foisonnante, par Charlotte Truchet et Markus Noisternig, des différents laboratoires scientifiques hébergés par l’IRCAM. Riches d’une grande transdisciplinarité, ces unités mixtes de recherche font de l’IRCAM un lieu à part dans le paysage de la recherche.
Ce lieu à la pointe de la technologie et sollicité par des artistes du monde entier dispose d’outils de co-création humain/machine inédits. Une improvisation de musique live avec l’IA, suivie d’échanges, a été proposée aux auditeurs par Marco Fiorini et Gérard Assayag.
Proposant un regard critique sur le paradigme de l’immersion qui s’est imposé ces dernières années dans les industries culturelles et créatives, Jessica de Bideran a mis en perspective l’histoire de « l’immersion » muséale, et montré ce qu’elle changeait à l’expérience des visiteurs. La confusion entre les musées et des lieux culturels qui s’autonomisent, le rapport moins sensible au patrimoine, les effets du “bluff technologique” : autant d’éléments qui modifient les usages et alimentent la recomposition actuelle du paysage culturel.
C’est ensuite à la révolution du streaming qu’ont été consacrées les interventions de Nathalie Birocheau et Sophian Fanen. Le streaming prolonge en réalité des usages existants (bouche-à-oreille, collections). Cependant, la massification des contenus (jusqu’à des dizaines de milliers de titres publiés par jour) a redéfini la prescription, désormais largement assurée par des algorithmes.
Il devient d’autant plus urgent de s’armer d’outils pour distinguer la création humaine de celle entièrement générée par IA. Ircam Amplify travaille au développement d’un outil performant permettant la détection de contenus générés par IA et l’ajout de métadonnées visant à identifier la création humaine.
Au Centre des Arts d’Enghien, le 11 décembre, les interventions ont mis en lumière un écosystème pionnier à l’intersection des arts, des sciences et des technologies, porté depuis 2002 par Dominique Roland. Le centre se présente comme un lieu expérimental de projections, représentations et résidences de création, ayant accueilli plusieurs centaines de compagnies, avec un intérêt précoce pour les relations entre corps et robotique.
Les projets emblématiques du CDA (Bains numériques, collaborations dans le cadre du label villes créatives UNESCO) illustrent une volonté de faire sortir l’art numérique des lieux spécialisés pour l’inscrire dans l’espace public et dans des coopérations internationales.
Les démonstrations faites par la compagnie Bok o Bok et la chorégraphe Sandra Français ont montré que l’expérimentation technologique constituait toujours un point de départ indispensable à une approche critique et réflexive.
Des exemples de théâtre immersif, présentés par les metteurs en scène Emilie Anna Maillet et Frédéric Deslias, ainsi qu’Anne Le Gall, ont mis en évidence un déplacement du rôle du spectateur, désormais partie prenante du récit.
L’après-midi a donné voix au modèle de coopération innovant porté par Guillaume Chevillon à l’ESSEC et Jeff Guess à l’ENSAPC. Les deux ensembles d’étudiants se rencontrent autour de projets collaboratifs faits avec IA, comme la fabrication de jeux vidéos.
La présentation de plusieurs projets d'innovation mêlant sciences et arts, dont ceux de Sarah Silverblatt-Buser (Collective Body), d'Agustin Issidoro, et de Barbara Lagié (Saliva.live), ont permis aux auditeurs de mieux comprendre le sens de ce lieu. Tous les porteurs de projets intervenus dans la journée ont insisté sur le fait que la technologie n’est jamais une fin en soi, mais un moyen d’explorer l’empathie et l’identité, notamment auprès de la jeunesse.
Les échanges ont souligné les résistances institutionnelles persistantes, en particulier dans le théâtre, face au numérique, tout en constatant une porosité croissante entre disciplines. Les questions de modèles économiques, de diffusion et d’éthique ont été identifiées comme indissociables de l’écriture artistique dès l’origine des projets.
Puisque le rôle du CHEC est aussi d’offrir l’espace à la pensée de s’épanouir, le philosophe Marcello Vitali-Rosati a conclu ce module par une conférence autour de ce qu’il conçoit comme un remède à la fascination technologique, l’éloge du bug.
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