Jeudi 23 Novembre
Le premier jour de ce troisième module s’est ouvert à la Cité universitaire internationale de Paris par l’intervention de Luc Lioger, Inspecteur Général des Affaires Culturelles, qui a rappelé les fondamentaux du rôle de la citoyenneté et de l’espace public pour la vitalité de notre démocratie, en insistant sur plusieurs initiatives culturelles françaises structurant l’espace public.
Dans un deuxième temps, Paul De Sinety (Délégué général à la langue française et aux langues de France), Ruedi Baur (designer et co-fondateur de Civic City) et Pouria Amirshahi (délégué à la Biennale interculturelle et ambition francophone de la Seine Saint Denis) sont intervenus dans le cadre d’une table ronde sur la question de la langue comme espace public. Paul De Sinety est revenu sur la mission de valorisation de l’emploi de la langue commune qu’est le français et le droit à y avoir accès, tout en protégeant le terreau de langues régionales et territoriales et le lien direct avec la notion d’hospitalité et de construction d’un espace public commun. Pouria Amrishahi a ensuite présenté le projet de Biennale interculturelle et pluridisciplinaire de Seine Saint Denis (Multitudes) dont la programmation est construite autour des droits culturels et du multilinguisme. Il a également présenté le projet du Campus francophone en Seine Saint Denis, inauguré en décembre prochain, qui mènera différentes actions autour du droit au français et l’accès au français pour les populations immigrées dans les dynamiques d’intégration au territoire mais aussi des actions de valorisation des langues vernaculaires parlées sur le territoire de la Seine Saint Denis.
Enfin, Ruedi Baur est revenu sur son travail de signalétique, d’abord pour la Cité universitaire internationale de Paris, fondateur dans son travail de designer par l’inclusion d’un système typographique venant renouveler l’accès à langue française avec des signes venus de provenances multiples (d’autres langues, d’autres alphabets). Il a par ailleurs présenté d’autres actions et projets qui ont pour vocation de permettre aux citoyens de se réapproprier l’espace public en redonnant le droit à l’écriture dans celui-ci et en alimentant une culture de langue fédérée autour du partage d’inscriptions.
La matinée s’est clôturée par une visite de la Cité universitaire internationale de Paris qui a permis de faire découvrir toute l’ambition humaniste et internationaliste de ce lieu ainsi que les différentes architectures qui distinguent chaque Maison.
L’après-midi a ensuite débuté avec l’intervention conjointe de Bénédicte Alliot (directrice générale de la Cité Internationale des Arts) et Judith Depaule (directrice de l’Atelier des Artistes en Exil) qui ont exploré le lien entre culture et hospitalité. Chacune a insisté sur la définition de l’hospitalité comme rencontre, comme création de liens de solidarité et d’amitié, comme accueil en lien avec la question des résidences d’artistes. Toutes deux ont insisté sur l’importance du maintien d’une politique de neutralité dans l’accueil de différentes nationalités d’artistes et notamment d’artistes en exil qui permet de créer un espace laissant place au dissensus et au désaccord, donc un lieu d’échange et de création artistique. La notion d’hospitalité étant ambiguë et parfois inégale, l’échange a laissé place à de nombreuses questions concernant les modalités d’accompagnement des artistes (notamment en fin de résidence) mais également la prise en compte et la valorisation des pratiques culturelles d’immigrés n’étant pas artistes professionnels. Tout autant de questionnements qui appellent à repenser l’articulation entre culture et hospitalité et le rôle des institutions culturelles dans la structuration de programmes construits autour de l’accueil et la rencontre.
La journée s’est ensuite terminée par l’intervention de Sénamé Koffi Agbodjinou, anthropologue, architecte, fondateur de « l’Africaine d’architecture » et de Woelab, le premier FabLab togolais, et de sa vision sur le lien entre espace public et culture en Afrique. Il a montré que l’Afrique, par son explosion démographique prévue sur les trente prochaines années, va se trouver au cœur d’enjeux économiques liés à sa croissance urbaine annoncée et doit s’en saisir pour résister à un capitalisme technologique de la donnée. Elle doit pour cela user de la culture pour revitaliser son imaginaire de l’espace public comme lieu commun et reconnaître la ressource de la jeunesse. Sénamé Koffi développe concrètement cette idée avec l’ambition de la création d’une Hubcity, une smartcity vernaculaire développée par la communauté locale, comprenant un laboratoire d’innovation pour développer des technologies utiles et impactant un faible rayon autour du Lab, faisant de ces technologies des outils respectueux du fonctionnement organique de la société locale et adaptées à ses besoins.
Vendredi 24 Novembre
Après avoir rejoint La Haye en fin de journée la veille, les auditeurs et auditrices ont été reçus à la Résidence de France de la Haye par S.Exc. M. François Alabrune, Ambassadeur de France auprès du Royaume des Pays-Bas. La journée a donc été ouverte par le rappel des fondamentaux de la relation fructueuse entre les Pays-Bas et la France notamment sur le plan culturel avec la création de la fondation CultuurFrance et les différentes initiatives d’apprentissage du français.
Par la suite, une intervention conjointe de Kirsten van den Hul (directrice de DutchCulture) et David Behar (directeur de l’Institut Français NL) a fait état de la nature de la coopération culturelle entre la France et les Pays-Bas. Les deux intervenants ont détaillé les différents projets de coopération entre les deux pays (la juste rémunération des artistes, l’accompagnement des ICC avec la transition écologique, les mobilités professionnelles, les résidences d’artistes, la valorisation de l’héritage plurilinguiste). Tous ces projets peuvent notamment se réaliser dans le cadre de la Fondation CultuurFrance dont le modèle de gouvernance, à l’équilibre parfait entre France et Pays-Bas, permet un dialogue constructif sur des sujets difficiles mais actuels comme celui de la restitution des œuvres d’arts aux pays anciennement colonisés par les deux pays.
La matinée s’est terminée avec l’intervention du directeur du Rijksmuseum d’Amsterdam, Taco Dibbits, qui a été interrogé sur le potentiel rôle politique du musée et sa place de référence dans l’identité nationale néerlandaise. En revenant sur l’exposition à succès Slavery, le directeur a insisté sur l’importance de la recherche de la simplicité dans les choix muséographiques et de l’hospitalité afin de rendre la culture compréhensible pour le plus grand nombre. Selon lui, le rôle du musée n’est pas nécessairement politique mais permet de produire de la nuance et mettre la lumière sur les complexités de l’Histoire.
Les auditeurs et auditrices ont ensuite été accueillis à la Kunsthal de Rotterdam pour bénéficier d’une table ronde entre Rem Koolhas (architecte, prix Pritzker) et Wim Pijbes (ancien directeur du Rijksmuseum, actuel président de la Fondation privée Droom en Daad). Rem Koolhas est revenu sur l’histoire architecturale de la ville de Rotterdam, à la suite des bombardements de la seconde guerre mondiale, puis sur son travail et la confection de la Kunsthal en articulant sa conception du bâtiment avec la notion d’espace public, pleinement intégrée dans les choix architecturaux. En effet, l’espace public est présent au sein du bâtiment qui est architecturalement construit pour symboliser et favoriser la rencontre des différents publics à l’intérieur de la ville.
Wim Pijbes, quant à lui, a présenté les actions de restauration portées par la Fondation Droom en Daad à Rotterdam ainsi que le projet en cours de construction d’un musée de l’Immigration dans un ancien entrepôt portuaire. La Fondation porte en effet la volonté d’utiliser des monuments historiques pour revitaliser l’espace public et en faire des lieux inspirants pour le futur. Ce lieu chargé historiquement du parcours migratoire des personnes émigrant vers les Etats-Unis ou rejoignant l’Europe en est l’ultime exemple et a pour ambition de devenir un lieu dédié à la fois à l’espace public avec des parties ouvertes et à la culture avec des collections d’œuvres d’art venant du monde entier et des objets historiques liés à l’immigration recueillis chez des particuliers.
Les auditeurs et auditrices ont ensuite pu visiter le chantier de l’entrepôt FENIX, futur musée de l’Immigration, présenté par sa directrice Anne Kremers.
La fin de la journée a été marquée par la visite du Dépôt Boijmans van Beuningen conduite par son architecte Winy Maas et ses équipes de l’agence MRVD. Réinvention complète du rapport aux œuvres d’art, le Dépôt est un bâtiment impressionnant s’inscrivant pleinement dans le rapport de la ville à l’expérimentation architecturale dont l’intérieur tout en transparence présente des œuvres d’art permettant de redéfinir notre rapport à l’expérience du musée. Il abrite aussi des chambres de conservation ainsi que des ateliers de restauration devant lesquels le public peut se déplacer et découvrir les dessous des métiers muséaux.
Samedi 25 novembre
Pour le dernier jour de ce troisième module, le groupe s’est rendu à l’Alliance Française de Rotterdam. Une intervention croisée menée par Hélène Pichon (directrice de l’Alliance Française de la Haye) et Fanny Weiersmuller-Sacépé (directrice de l’Alliance Française de Rotterdam) qui ont présenté le rôle des Alliances Françaises aux Pays-Bas.
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