La Loi Aillagon : inciter l'engagement des particuliers et des entreprises
Dès l'Antiquité, et au fil de l’Histoire, des mécènes ont usé de leur fortune pour encourager les arts, les lettres et les sciences. Si le législateur était déjà intervenu dès le début de la seconde moitié du XXe siècle pour encourager l'engagement de la société civile, la loi dite Aillagon, entrée en vigueur en 2003, crée un régime unique au monde, entraînant un essor sans précédent du mécénat d’entreprise et de la philanthropie individuelle en France.
Aux origines du mécénat : les arts et les lettres
Depuis l’Antiquité, des personnalités influentes ont soutenu les artistes, les écrivains ou les institutions pour encourager la création et la culture. Ce soutien s'appelle le mécénat.
Déjà, au Ier siècle avant J.-C., le célèbre Caius Mecenaes, proche d’Octave (le futur empereur Auguste), protégeait des poètes comme Virgile, Horace et Properce. C’est d’ailleurs de son nom que vient le mot « mécène ».
Au Moyen Âge, l’art religieux a pris le dessus. Le mécénat devient alors religieux : les églises et les fidèles soutiennent la création d’œuvres d’art chrétiennes. D’ailleurs, plus tard, le chanoine Antoine de La Porte, au XVIIe siècle, a fait de généreux dons pour embellir la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Pendant la Renaissance, en Italie, des familles puissantes comme les Médicis financent les artistes et influencent l’histoire de l’art. Le roi François Ier de France suit leur exemple et invite des artistes italiens à sa cour. À cette époque aussi, en 1443, le chancelier du duc de Bourgogne et sa femme fondent les Hospices de Beaune, un hôpital qui existe encore aujourd’hui.
Plus tard, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, plusieurs collectionneurs ont donné leurs œuvres à des musées. Moïse de Camondo, par exemple, a rassemblé de magnifiques objets d’art français et les a légués à la Ville de Paris. Nélie Jacquemart-André, elle, a voyagé dans le monde entier pour constituer une belle collection qu’elle a donnée à l’Institut de France. Ces mécènes ont donné leurs noms à des musées parisiens éponymes.
De tout temps, le mécénat s’est illustré à travers des actes de générosité pour le rayonnement des arts et pour une solidarité. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du XXe siècle que le législateur intervient pour créer des dispositifs fiscaux incitatifs, afin d’encourager l’ensemble de la société civile à faire des dons aux associations, aux musées ou plus largement aux projets d’intérêt général.
Un cadre fiscal incitatif
C’est à Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture et de la Communication (mai 2002 - avril 2004) que l’on doit la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, qui constitue aujourd'hui le cadre fiscal du mécénat en France.
Partant du constat que l'implication de tous les citoyens dans des actions d'intérêt général est plus que jamais nécessaire afin de renforcer le lien social et la solidarité, cette loi a significativement amélioré les avantages fiscaux pour encourager les dons de tous les Français (particuliers et entreprises).
Avec cette loi :
- la réduction d'impôt sur le revenu des particuliers a augmenté de 50 % à 60 % (la réduction de 66% qui s’applique actuellement ayant été apportée par le décret n° 2008-294 du 1er avril 2008), le plafond passant de 10 % à 20 % du revenu ;
- le système de déduction d’impôt pour les entreprises passe à un système de réduction d’impôt (réduction de 60 % du don dans la limite de 5 pour 1000 du chiffre d’affaires) ;
- l’avantage fiscal sur l’acquisition des trésors nationaux a par ailleurs été étendu à l'acquisition d'œuvres d'intérêt patrimonial majeur.
Impliquer tous les citoyens : l’enjeu du mécénat
« Le Gouvernement a fait de la promotion des initiatives, du mécénat et des fondations, une priorité de sa politique et une composante de la réforme de l’État.
L'implication de tous les citoyens dans des actions d'intérêt général est plus que jamais nécessaire dans notre société, afin de renforcer le lien social et la solidarité. Il faut valoriser l'envie de créer et la générosité de nos concitoyens.
En soutenant le mécénat, le gouvernement souhaite encourager le travail des associations et des fondations, favoriser les initiatives prises par les particuliers et les entreprises dans les domaines qui touchent à l'intérêt général. L'action de la société civile est indispensable aux côtés des politiques publiques.
De plus, le cadre juridique et fiscal du mécénat est un élément essentiel de l'attractivité de notre pays et de son rayonnement dans le monde, notamment dans les domaines de la culture, de la recherche, de la santé, du sport et de la solidarité. »
Extrait de l'exposé des motifs du projet de loi proposé à l’Assemblée nationale, Jean-Jacques Aillagon, le 5 mars 2003
Un cadre vivant et évolutif
Afin de s’adapter aux besoins des acteurs de la philanthropie et pour mieux évaluer le secteur, le cadre légal de 2003 évolue continuellement.
- En 2008 ont été créés en droit français les fonds de dotation qui sont au nombre de 2450 en 2022, soit pratiquement autant que le nombre de fondations (20% des fonds de dotation soutiennent les arts et la culture d'après la 6e édition du guide Les fondations et fonds de dotation en France : enquête nationale 2001-2022 édité par la Fondation de France).
- Plusieurs réformes du mécénat ont été portées par le Gouvernement entre 2019 et 2021 pour mieux encadrer le dispositif et ajuster le levier fiscal au vu de la maturité atteinte par le mécénat des grandes entreprises, notamment :
- augmentation du plafond de mécénat à 20 000 € pour les petites entreprises ;
- passage de la réduction d’impôt de 60 % à 40 % au-delà de 2 millions d'euros de dons annuels, sauf pour les dons en faveur des plus démunis ;
- réforme du mécénat de compétences, limitant la part des salaires dans la réduction d’impôts à ce titre (3 fois plafond sécurité sociale). Un décret mis en œuvre depuis 2022, permet l’élargissement du mécénat de compétences aux fonctionnaires pendant 5 ans ;
- création d’obligations déclaratives pour les mécènes (2019) et pour les bénéficiaires (2021). Le ministère de la Culture a engagé, en lien avec Bercy, un travail sur ces données nouvelles afin d’approfondir l’évaluation de ce dispositif essentiel.
La réflexion sur l'évolution du cadre du mécénat a notamment été nourrie de deux rapports importants : le rapport de la Cour des comptes de 2018 sur le soutien public au mécénat d’entreprises et le rapport des députées Sarah El Haïry et Naïma Moutchou de 2020 sur la philanthropie à la française.
Le cadre du mécénat en 10 dates clés
- Vers 70 av. J-C. : naissance de Caius Maecenas à Arretium (Arrezo), généreux bienfaiteur des arts et des lettres. De là provient l’origine des noms communs « mécène » et « mécénat »
- 1954 : « insurrection de la bonté » de l’abbé Pierre et loi du 14 août 1954 (article 11) qui institue une première intervention marquante du législateur dans le domaine du mécénat : déduction d’impôt pour les entreprises et les particuliers
- 1969 : création de la Fondation de France (Malraux)
- 23 juillet 1987 : Loi Léotard sur le développement du mécénat (instituant le statut de fondation reconnue d’utilité publique)
- 4 juillet 1990 : Loi Lang pour la création des fondations d’entreprise
- 1992 : apparition de la notion de trésor national dans la loi
- 1996 : création de la Fondation du Patrimoine
- 1er août 2003 : Loi Aillagon relative au mécénat, aux associations et aux fondations
- 4 août 2008 : Loi n° 2008-776 de modernisation de l'économie (LME), créant le fonds de dotation à l’article 140 ; (création du Fonds de dotation du musée du Louvre la même année)
- 2019 et 2020 : à la suite de la publication du rapport de la Cour des Comptes « Le soutien public au mécénat d’entreprises », importantes réformes du mécénat dans les lois de finances
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