Protéger la liberté d’expression et garantir l’indépendance et le pluralisme des médias
Face aux évolutions numériques, le ministère s'attache à promouvoir, dans les négociations sur le règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act), un cadre de responsabilisation des plateformes ambitieux et respectueux de la liberté d’expression, ainsi que de nouvelles initiatives en matière de lutte contre la désinformation. Il veille également à la mise en œuvre concrète du droit voisin des éditeurs de presse, pour promouvoir un rééquilibrage des relations entre les plateformes numériques dans le cadre du règlement européen sur les marchés numériques (Digital Market Acts).
Réseaux sociaux : opportunités et risques démocratiques
Les réseaux sociaux sont devenus de nouveaux espaces publics, porteurs de formidables opportunités pour la libre expression mais aussi de risques sociétaux majeurs liés aux bulles informationnelles ou à la dissémination de contenus haineux et de désinformation. Au cœur des polémiques, les plateformes ont jusqu’à présent fixé leurs propres règles pour lutter contre ces abus, au risque d’instaurer une censure privée arbitraire sans forme de contrôle indépendant ou démocratique. La nécessité d’un accès à une information fiable et de qualité, essentiel dans une société démocratique, se fait d’autant plus ressentir que la désinformation se propage à une vitesse et une échelle croissantes.
Dans ce contexte, le développement de l’intelligence artificielle générative, capable de donner une apparence réelle à des contenus factices (hypertrucages, ou « deepfakes »), et donc par sa capacité à « tromper nos yeux et nos oreilles », et partant nos cerveaux, représente un nouveau défi démocratique.
Un encadrement européen en construction
Pour ces usages d’un genre nouveau, un cadre de responsabilité adapté et équilibré devra être trouvé pour permettre à la fois de protéger l’ordre public, préserver la liberté d’expression, développer la création et la circulation des connaissances et pérenniser le financement d’une information libre, indépendante et de qualité. Le règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act, DSA) reflète une vision modernisée de la régulation des réseaux sociaux : si les règles en matière de responsabilité au regard des contenus mis en ligne par des tiers restent inchangées, le DSA ajoute une surcouche d’obligations positives concernant les dispositifs de traitement des notifications et les moyens mis en œuvre par la plateforme pour modérer les contenus, tout en prévoyant des garanties pour la liberté d’expression (justifier les mesures adoptées, offrir des voies de recours). Au-delà, le DSA instaure pour les très grandes plateformes une obligation d’évaluer les risques systémiques liés à l’utilisation de leurs services - par exemple
dissémination de contenus illicites, mais aussi risques pour l’ordre public ou sur les processus
démocratiques - et de s’efforcer d’atténuer ces risques, par des mesures dont l’efficacité sera soumise à un audit indépendant. En outre le règlement sur la liberté des médias (EMFA) instaure un traitement privilégié pour les contenus des médias sur les très grandes plateformes en ligne, dès lors que ces médias respectent un certain nombre de conditions tenant en particulier au respect de normes déontologiques. Enfin le règlement européen sur l'Intelligence artificielle (IA Act) voté au Parlement européen le 13 mars 2024 prévoit des mesures de protection contre toute utilisation abusive de l’IA générative à des fins de désinformation, en particulier en matière de transparence et de traçabilité des contenus générés par l’IA.
L’enjeu du financement de l’information en ligne
Les États généraux de l’information ont adressé par ailleurs ces sujets dans toute leur complexité et permettront un débat sur les actions concrètes qui pourront se déployer au plan national, européen et international. Enfin, les médias, qui jouent un rôle essentiel dans l’accès à une information fiable et de qualité, rencontrent des difficultés de financement dans l’environnement en ligne, notamment en raison de l’assèchement progressif de leurs revenus publicitaires. Mis en concurrence avec les plateformes en ligne, qui attirent l’essentiel des investissements des annonceurs, les médias en ligne se retrouvent dépendants de nombreux intermédiaires de technologie publicitaire (« ad tech ») qui prélèvent des commissions sur les montants dépensés pour les campagnes publicitaires. Les médias ne bénéficient ainsi que d'une faible partie des sommes dépensées par les annonceurs, tout en faisant face à des coûts élevés pour produire une information de qualité. Dans ce contexte, il est nécessaire de réguler le marché afin d’assurer une concurrence plus équitable entre médias et plateformes.
L’effort doit être collectif et l’ensemble des acteurs culturels ont leur rôle à jouer : l’éducation à l’image et aux médias doit être développée, la création de contenus journalistiques adaptés et de qualité doit être soutenue et la mise en place d’un écosystème de partenaires sélectionnés sur des critères d’expertise et de déontologie doit être favorisée. Dans un contexte de transformation profonde des chaines de valeurs et de responsabilités, ceci est aujourd’hui essentiel à l’exercice d’une
citoyenneté éclairée, à celle des droits culturels ou encore à la déconstruction de facteurs de discriminations ou de stéréotypes.
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