Extension de la protection
Sur proposition de la Commission régionale du patrimoine et de l'architecture du Grand Est (CRPA), l'extension au titre des monuments historiques, de l'abbaye Notre-Dame d’Œlenberg à Reiningue et de la cité judiciaire de Colmar, a été décidée, par arrêté de la Préfète de région du 22 juillet 2024.
Datant de 1992, la protection de l'abbaye Notre-Dame d’Œlenberg était partielle et l'extension de protection inclue désormais les parties plus modernes (dont l'église abbatiale, l’ancienne brasserie, la minoterie ou encore les tunnels souterrains).
Celle de la cité judiciaire de Colmar (datée de 1930 et 1998) comporte désormais la totalité des anciens palais du Conseil souverain d’Alsace, du couvent des Augustins, de la maison Gretscher et du tribunal de commerce, ainsi que l’actuel tribunal judiciaire site des Augustins et la cour d’assises. Un vœu de classement en totalité de l’ancien palais du Conseil souverain d’Alsace, déjà classé pour partie, a également été émis. Ce dossier de vœu de classement sera présenté lors d’une prochaine commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA).
Présentation des monuments
Cité judiciaire
Colmar (Haut-Rhin)
Architectes : Nicolas BÖRLIN DE RORSCHACH (? - ?) ; Blaise DE RUNGS (1707-1784) ; Jean-Baptiste CHASSAIN (1727-1793) ; Pierre-François JANINET (? -1826) ; Jacques-Marie Félix GRIOIS (1803-1840) ; Émile LEJEUNE (1804- ?) ; Louis LAUBSER (1811-1877) ; Josef REIFF (? - ?)
Date de construction : 1316 - 1905
Propriétaire : ministère de la Justice
Protection :
- Ancien palais, à l'exception des parties classées : inscription par arrêté du 16 octobre 1930.
- Façades et toitures, ainsi que les deux chapelles médiévales superposées (cad. CA 2) : classement par arrêté du 20 novembre 1998
- Extension de protection au titre des monuments historiques le 22 juillet 2024 : désormais, la nouvelle protection au titre des monuments historiques inscrit les parcelles cadastrales comportant les bâtiments en totalité de : l’ancien palais du Conseil souverain d’Alsace ; l’ancien couvent des Augustins, devenu maison d’arrêt, avec ses souterrains et ses extensions ultérieures ; l’ancienne maison Gretscher ; l’ancien tribunal de commerce ; l’actuel tribunal judiciaire site des Augustins et la cour d’assises. La proposition de classement de l’ancien palais du Conseil souverain d’Alsace, déjà classé pour partie sera prochainement examinée par la commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA).
Le démantèlement des services de la maison d’arrêt de Colmar a débuté à l’été 2021 : les détenus et une partie de l’administration pénitentiaire ont quitté définitivement l’îlot parcellaire défini entre la rue Berthe-Molly, la rue des Augustins, la Grand’ Rue et jusqu’à l’impasse Hoffmeister, dont plusieurs bâtiments sont déjà protégés pour partie au titre des monuments historiques.
Le 31 août 2023, à la cour d’appel de Colmar, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, a annoncé officiellement la réutilisation de cet ensemble pour les besoins du regroupement des différentes juridictions. La demande d’extension de protection de l’ensemble s’est imposé comme nécessaire pour mieux adapter le site à venir.
Historique
L’histoire judiciaire et pénitentiaire du quartier des Augustins de Colmar est en lien direct avec la décision de Louis XIV d’installer le Conseil souverain d’Alsace dans l’ancien hôtel de ville situé au chevet de l’église conventuelle des Augustins, en 1698.
Le palais est reconstruit en 1769-1771 et un premier lieu de détention provisoire est aménagé à proximité.
A la Révolution, la saisie du couvent comme bien national permet d’y installer de la maison d’arrêt en 1791, tandis que le palais est affecté au tribunal. L’emprise foncière affectée aux services pénitentiaires n’aura de cesse de se développer tout au long du XIXe siècle : construction d’une aile supplémentaire à l’emplacement de la maison Hoffmann (1818-1823) et d’une aile d’entrée (1830), intégration de la maison Foltz dite du Limonadier (1868-1869), puis de la maison Gretscher (vers 1890), enfin construction d’un nouveau bâtiment cellulaire (1904-1905).
En parallèle, de nouveaux tribunaux sont également construits à proximité immédiate : le tribunal civil et de commerce sur la rue des Augustins (1842-1844) – actuelle annexe du tribunal judiciaire, site des Augustins – et la cour d’assises, sur la rue Berthe-Molly (1864-1868).
Description
Les immeubles concernés par le projet de la future cité judiciaire sont de nature et de datation très diverses.
Les plus anciens bâtiments sont ceux des sacristies de l’ancienne église des Augustins et le Wagkeller, maison patricienne de style Renaissance.
Le palais du Conseil souverain a englobé des structures préexistantes, provenant notamment de l’hôtel de ville du XVIe siècle, et les a comprises dans une enveloppe d’architecture classique française du XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, deux autres tribunaux sont venus s’implanter à proximité du palais : le tribunal de commerce, rue des Augustins, à l’architecture d’inspiration palladienne, et la cour d’assises, rue Berthe-Molly, au néoclassicisme plus monumental.
Le complexe de l’ancienne maison d’arrêt est plus hétérogène. Il se compose d’une partie historique, très certainement conservée de l’ancien couvent reconstruit avec beaucoup de sobriété au début du XVIIIe siècle. L’extension construite en 1818-1823 par l’architecte départemental Janinet est une simple aile disposée en vis-à-vis du couvent et reprenant exactement sa forme et son décor. Les accroissements suivants ont consisté à intégrer des maisons du quartier, sans même les restructurer : la maison Foltz, dite du Limonadier, avec son élégance néoclassique et la maison Gretscher, représentative de l’architecture domestique colmarienne au début du XVIIe siècle. Dernier ajout à l’ensemble, l’aile d’un bâtiment cellulaire a été construite pendant l’Annexion à l’emplacement de l’église démolie en 1807, dans un goût à la fois pittoresque dans le style de la Renaissance germanique.
Abbaye Notre-Dame d’Œlenberg
Reiningue (Haut-Rhin)
Architectes/ entrepreneurs : pour l’église abbatiale : LOUVAT (1902), KIRCHACKER (1920) et MEYER & FILS (1952)
Date de construction : XIe siècle – 3e quart du XXe siècle
Propriétaire : Association Œlenberg
Protection : la protection de 1992, partielle et complexe (inscription au titre des monuments historiques par arrêté du 16/06/1992 : ancienne église des Jésuites avec sa nef - bibliothèque - ; les deux niveaux de son transept - corridor et chapelle Saint-Michel - ; son chœur - chapelle Saint-Léon - et son caveau funéraire ; ancienne cave sous le bâtiment conventuel nord : chapelle des novices à l’extrémité est du bâtiment conventuel sud ; ancien moulin), n’avait pas inclus l’ensemble des parties plus modernes mais non moins intéressantes du site, notamment l’église abbatiale, l’ancienne brasserie, la minoterie ou encore les tunnels souterrains. C’est désormais chose faite.
Extension de protection au titre des monuments historiques le 22 juillet 2024
Depuis plus de neuf siècles, l’abbaye Notre-Dame d’Oelenberg, dans le Sundgau, a maintenu la grande tradition monastique des monastères d’hommes.
Connue dès le XIe siècle, l’abbaye est d’abord dédiée à l’ordre des Augustins. Le couvent poursuit pendant plusieurs siècles, hors guerres et Révolution, une occupation à la fois religieuse et d’enseignement, avec notamment l’arrivée de Jésuites de l’Université de Fribourg-en-Brisgau et, depuis 1825 et jusqu’à il y a encore quelques mois, de moines cisterciens (trappistes).
L’Œlenberg est un site de plus de 15 hectares qui emploie actuellement près de 17 personnes. Les projets de développement économique suivent en parallèle le questionnement de la valorisation patrimoniale.
Historique
L’abbaye Notre-Dame d’Œlenberg a été fondée par la comtesse du Nordgau Heilwige, mère du pape Léon IX (1002-1054). Celui-ci aurait béni l’église en 1049.
Sans doute dès l’origine une communauté de chanoinesses y a coexisté, jusqu’à son déménagement en 1273. Œlenberg passe de la sphère d’influence de ses fondateurs, les comtes d’Éguisheim, à celle de leurs descendants, les comtes de Ferrette. Leur dernière héritière, Jeanne (c. 1300-1351), fait passer ses terres ancestrales dans la famille de son époux, le duc Albert II d’Autriche (1298-1358). Dès lors et pour plusieurs siècles, Œlenberg fait partie de l’Autriche formée des plus anciennes possessions des Habsbourg. L’archiduc Léopold d’Autriche (1586-1632), frère de l’empereur Ferdinand II, donne Œlenberg au collège des Jésuites de Fribourg-en-Brisgau (Bade-Wurtemberg, Allemagne) en 1626. Cette résidence devient au XVIIIe siècle le centre d'une grande activité pastorale en Haute-Alsace, puis à la suppression de l’Ordre des Jésuites en 1773, les biens du collège de Fribourg-en-Brisgau passent en 1774 à l’université de cette ville. Déclarée bien national, Œlenberg va progressivement être morcelée. En parallèle, fuyant la Révolution française, quelques moines rachètent l’abbaye au dernier acquéreur de Notre-Dame d’Œlenberg, François Joseph Spannagel (1765-1846) – un prêtre désireux d’y ouvrir un pensionnat de jeunes filles. Ainsi, une double communauté de 25 trappistes et 35 trappistines s’y établit officiellement le 29 septembre 1825. Un modeste prieuré est érigé d’abord en 1831 en abbaye cistercienne de la Réforme de la Trappe et à partir de 1835, l’abbaye acquiert des terres pour augmenter et diversifier sa production agricole. Par la suite, les différents abbés, notamment dom Ephrem (1801-1884) et dom François (1844-1922) vont agrandir l’abbaye en construisant des équipements adaptés et surtout une nouvelle église. L’influence de l’Œlenberg est telle que 22 300 religieux et laïcs y séjournent entre 1825 et 1914 ! A la fin du XIXe siècle, la communauté féminine déménage à Ergersheim (Bas-Rhin).
De nombreux changements et adaptations vont par la suite permettre aux trappistes de l’abbaye de perpétuer une histoire millénaire.
Description
L’actuelle abbaye se substitue partiellement aux bâtiments conventuels médiévaux et aux agrandissements dus aux jésuites au courant du XVIIIe siècle. La partie religieuse est concentrée à l’extrémité est de la terrasse lœssique où elle se déploie selon un plan en U, tandis que la partie agricole est rejetée à l’ouest, et le moulin-minoterie et ses annexes s’élèvent le long du cours d’eau, à l’est. Cette disposition est maintenue à travers les siècles jusqu’à nos jours. L’ensemble monastique se compose de l’église abbatiale, des trois bâtiments conventuels et de l’hôtellerie.
L’ancienne église abbatiale, devenue église des jésuites plus tard, est la partie la plus ancienne de l’abbaye, datée du XIIe siècle.
La construction de l’église abbatiale date de 1902-1905. Elle a nécessité d’importants travaux de fondation afin d’assurer sa stabilité. L’édifice est construit en gros moellons de grès, en briques, la dalle est en béton armé sur poutrelles métalliques ; la flèche de croisée avait une charpente métallique. La façade nord a été reconstruite en l’élargissant et en l’avançant au droit du porche, et dotée de deux flèches latérales. Ces dernières précédant visuellement la massive flèche de croisée de plan carré. L’hôtellerie érigée en 1871 est le troisième grand bâtiment construit à l’initiative de dom Ephrem, à la suite de l’ensemble réfectoire-salle capitulaire et dortoir (aujourd’hui détruits). Le bâtiment va connaître un certain nombre de modifications, dues notamment aux bombardements de la Première Guerre mondiale.
La minoterie au pied, édifiée sur le versant sud de la colline d’Œlenberg, est desservie par un canal de dérivation de la rivière Doller ; le site se compose de la minoterie, prolongée au nord par la salle des machines et flanquée à l’est des garages surmontés d’un magasin industriel.
La brasserie-malterie et la centrale électrique sont réunies au sein d'un même édifice de plan rectangulaire, bâti en maçonnerie de briques enduites, couvert d'un toit à longs pans avec corniche en ciment moulé et tuiles mécaniques. L'ensemble est cantonné de chaînes d'angle droites à refends en ciment. L’édifice se signale par la multiplicité et une hiérarchisation de ses ouvertures. Il est ajouré, au sud, à l’est et à l’ouest, de baies jumelées en arc segmentaire de taille variable.
Le réseau de caves creusé pour la conservation de la bière produite au sein de l'abbaye
d'Œlenberg adopte un plan irrégulier en T. Il est accessible à partir du sous-sol de la grange au moyen d'un escalier monumental. L'ensemble des caves présente un profil en berceau.
Certains des bâtiments agricoles et artisanaux d’Œlenberg ont conservé leur usage initial jusqu’à nos jours : grange, poulailler, remise des véhicules, rucher, abri à bovins et les dépendances du jardin potager de la communauté. D’autres bâtiments sont aujourd’hui inutilisés : boulangerie, séchoir, auxquels on peut ajouter un petit poulailler annexe et d’autres enfin ont été convertis : étable à vaches (magasin de vente monastique, laboratoire de cuisson, de pâtes alimentaires et de biscuits, atelier de conditionnement de la farine), forge attenante à l’étable (entrée du magasin monastique, bureaux de l’association de gestion des activités économiques de l’abbaye), fromagerie (huilerie de colza mitoyenne de la minoterie) et porcherie (atelier de menuiserie, remise de matériel, remise de bois d’œuvre). Article rédigé en partie à partir du dossier documentaire porté par le Service Inventaire et Patrimoines de la Région Grand Est.
En savoir plus
la protection au titre des monuments historiques
la liste des édifices protégés au titre des monuments historiques dans le Grand Est
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