Michaelina Wautier (Mons, 1617 - Bruxelles, 1689)
A la faveur de la première rétrospective consacrée à l'artiste en 2018 (juin-septembre) au Museum aan de Stroom (MAS) d'Anvers, grâce aux travaux de l'historienne de l'art Katlijne Van Der Stighelen, l'oeuvre de Michaelina Wautier a été tout récemment révélé au public. Malgré le succès que connut l'artiste de son vivant, au contraire d'autres femmes peintres de son époque, son nom est tombé dans l'oubli après sa mort et nombre de ses tableaux ont été attribués à son frère, Charles Wautier (1609-1703), son cadet de cinq ans. Tous deux célibataires, ils partageront le même atelier à Bruxelles à partir de 1640, s'influençant l'un l'autre. Cette association a sans doute permis à Michaelina de mener une carrière atypique pour une femme peintre. Si l'on sait que Charles est membre de la guilde de Bruxelles à partir de 1651 et qu'il eut de nombreux élèves, la vie de Michaelina, à peine documentée, demeure dans l'ombre. Issue d'un milieu aisé et d'une famille de neuf enfants, on suppose qu'elle serait peut-être allée se former en Italie, sa manière montrant un héritage caravagesque marqué.
Portraitiste, peintre de genre et de fleurs à ses débuts, Michaelina se distingue par son activité de peintre d'histoire, fait d'exception dans l'histoire des femmes peintres, n'hésitant pas à produire des tableaux ambitieux, religieux et mythologiques. Elle est sans doute la première femme à peindre l'anatomie masculine dans son Triomphe de Bacchus, oeuvre magistrale et monumentale (vers 1655, 295 x 378cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne), commandée pour la galerie de peintures de Léopold Guillaume de Habsbourg, gouverneur général des Pays-Bas espagnols. L'artiste représente avec audace et à grandeur réelle un cortège d'une dizaine de silènes et de satyres enivrés auquel elle associe son autoportrait. A une époque où la décence interdit aux femmes de peindre d'après le modèle vivant, elle montre une réelle maîtrise de la représentation du corps masculin.
Parmi la trentaine de tableaux identifiés aujourd'hui, son autoportrait (collection particulière) a longtemps été considéré de la main d'Artemisa Gentileschi. Elle y revendique son statut de peintre, palette et pinceau à la main, sous les traits d'une femme établie de la bourgeoisie. Enfin sa dernière oeuvre connue est conservée en France : il s'agit d'une Annonciation conservée au musée-promenade de Marly-le-Roi (dépôt de la Ville de Marly-le-Roi, Inv. 77.30.11), anciennement attribuée au peintre de cour Pierre Bedeau. C'est la découverte de la signature en 1983 qui a permis de rendre cette composition de veine baroque à Michaelina.
Hélène Meyer
Bibliographie
Van Der Stighelen Katlijne, Michaelina. Glorifying a Forgotten Talent, catalogue d'exposition, Anvers, Musée Aan de Stroom, 1er juin - 2 septembre 2018, Bruxelles, Exhibitions International, 2018
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