En janvier 2025, la ministre de la Culture est venue à Caen pour mesurer l’ampleur de l’ambition : transformer, plutôt que démolir, et faire de ce bâtiment “sans qualités” apparentes un terrain d’innovation pour montrer comment réhabiliter durablement l’habitat collectif des années 1960.
Un projet voulu au plus haut niveau de l’État
L’idée était simple et révolutionnaire à la fois : mobiliser les meilleures équipes internationales pour réinventer des quartiers souvent relégués au rang de “problèmes”, et démontrer que l’excellence architecturale peut changer la donne.
Portée par le groupement d’intérêt public Europe des projets architecturaux et urbains (EPAU), la démarche réunit le ministère de la Culture, le ministère du Logement, l’ANCT, l’ANRU, la Cité de l’architecture, le CN0A et la Banque des Territoires.
Objectif : concevoir 30 projets, menés par 30 équipes pluridisciplinaires, capables de fabriquer de nouveaux modèles pour la ville de 2050.
Le 2 décembre 2025, les 10 projets lauréats de la consultation internationale Quartiers de demain ont été révélés à l’occasion de l’inauguration de l’exposition éponyme s’ouvrant à la Cité de l’architecture et du patrimoine.
La Grâce de Dieu, un quartier emblématique à réinventer
Le choix d’intégrer l’immeuble Langevin dans cette consultation n’a rien d’anodin.
Construit entre 1961 et 1964 pour répondre à l’urgence du logement d’après-guerre, le quartier de la Grâce de Dieu est devenu l’un des symboles de la politique de la ville à Caen. Après un premier grand programme de rénovation de 2005 à 2018, beaucoup restait à faire.
L’immeuble Langevin, 8 étages, 107 logements, souffrait d’un déficit d’image, jusqu’à être envisagé un temps pour la démolition. Mais l’impact environnemental — colossal — a fait changer de cap. Comme une évidence, préserver et transformer l’existant est désormais une priorité nationale : empreinte carbone, raréfaction foncière, économie circulaire, mémoire des lieux.
Un concours international… et trois visions pour Caen
La consultation a suscité un engouement inédit : 42 équipes candidates pour le seul site de Caen.
La commission de sélection a retenu trois finalistes :
- LIN Finn Geipel (France–Allemagne) ;
- la SODA (Jeunes architectes français) ;
- Sergisson Bates (Royaume-Uni), avec l’architecte français Richard Klein.
Ces équipes ont arpenté le quartier, rencontré les habitants, travaillé en “résidences de site”, accompagné d’un jury citoyen très investi. Trois phases ont rythmé le dialogue compétitif : diagnostic, scénarios, esquisses.
Le 2 décembre 2025, le Président de la République a annoncé la lauréate : l’agence La SODA, pour un projet considéré comme innovant, réaliste et exemplaire.
Transformer plutôt qu’effacer : un démonstrateur national
La SODA propose une transformation profonde du bâtiment :
- une résidence intergénérationnelle, adaptée aux besoins du quartier ;
- des espaces collectifs mutualisés au cœur du projet ;
- un socle réactivé, accueillant des activités et des services ;
- des logements totalement repensés, performants énergétiquement ;
- un projet ancré dans la neutralité carbone : filières locales, biosourcé, réemploi ;
- une requalification ambitieuse des espaces publics autour de l’immeuble.
En clair : montrer qu’un immeuble ordinaire peut devenir un lieu remarquable, sans table rase, et devenir une référence nationale sur la réhabilitation de l’habitat des Trente Glorieuses. Pour David Foucambert, ABF et chef de l’UDAP du Calvados, ce projet démontre « qu’intervenir sur l’existant est un acte de création à part entière ». Le ministère de la Culture y voit un enjeu essentiel : prouver que l’architecture peut réparer le quotidien, tout en renouant avec une vision positive des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Un calendrier déjà lancé
- Fin 2025 : désignation de l’équipe lauréate
- Début 2026 : dépôt des autorisations d’urbanisme
- Fin 2026 : début des travaux
- Fin 2028 : livraison du projet
Autour de ce site pilote, un vaste programme national de valorisation est déployé : expositions, ateliers, podcasts (Binge Audio), mission photographique, rencontres professionnelles… pour faire du projet caennais une source d’inspiration pour tout le pays.
« Un projet exemplaire, où l’intelligence collective et la création architecturale servent un quartier qui mérite d’être regardé autrement ».
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