Restructurer un immeuble de logements ou de bureaux, réhabiliter une ancienne chaufferie, aménager les berges d’une rivière ou encore refondre les espaces publics d’un écoquartier… Voici quelques-unes des promesses de la grande consultation « Quartiers de demain », lancée dans dix villes de France aux taille et profils bien différents. Pour chacune de ces villes, trois équipes pluridisciplinaires – soit trente en tout – choisies en février dernier ont travaillé pendant plusieurs mois pour proposer un projet de transformation. Pour chacun de ces sites, le jury a annoncé, mardi 2 décembre à la Cité de l’architecture et du patrimoine, le lauréat parmi trois finalistes, avant le lancement d’une grande exposition qui présente l’ensemble des trente projets jusqu’au 30 mars 2026.
Une réflexion sur la transition écologique et sociale
Cette consultation « Quartiers de demain », annoncée en juin 2023 à l'initiative du Président de la République et lancée en novembre 2024, concilie à la fois l’excellence architecturale, urbanistique et paysagiste pour accélérer la transformation de dix quartiers dits prioritaires de la ville (QPV). Elle a été menée avec le soutien du ministère de la Culture, qui finance notamment les équipes de concepteurs mobilisées sur les dix sites, et mise en œuvre par le GIP ÉPAU (Groupement d’intérêt public à vocation interministérielle, Europe des projets architecturaux et urbains), un opérateur national interministériel qui développe des programmes de recherche et d’expérimentation dans les champs de l’architecture, de l’urbanisme et du développement territorial. « Elle répond à trois grands objectifs : le premier de travailler sur la question du "déjà là", de l'héritage de l'architecture du XXe siècle et plus particulièrement de l'architecture des Trente glorieuses. Le deuxième consiste à conjuguer qualité architecturale et transition écologique. Enfin le troisième, central, est de faire avec les habitants. Il n'y a pas d'un côté les concepteurs qui travailleraient sur leurs projets et de l'autre l'action citoyenne et habitante », résume Jean-Baptiste Marie, directeur général du GIP ÉPAU.
La transition écologique – et notamment la dés-imperméabilisation des sols – est au cœur de la réflexion dans ces QPV qui ont vu intervenir au XXe siècle de grands concepteurs comme Jean Dubuisson à Pessac ou Roland Dubrulle et Jean-Pierre Jouve sur la chaufferie des Tarterêts à Corbeil-Essonnes. « Lors de la reconstruction, les grands ensembles ont été pensés avec une architecture souvent très ingénieuse et qualitative mais parfois sans prendre en considération les espaces publics. La question de la nature en ville est aujourd'hui cruciale », reprend Jean-Baptiste Marie. Ainsi, ces dix projets sont soit des réhabilitations de bâtis existants, soit des aménagements paysagers qui respectent une démarche d’économie circulaire et de préservation des ressources.
Trente équipes aux profils variés
La France métropolitaine compte près de 1 362 quartiers prioritaires. Dix ont été sélectionnés, avec un point commun : leur vulnérabilité face au changement climatique. « Ils sont confrontés à deux défis majeurs : l'un social, l'autre écologique et il ne peut y avoir de transition écologique sans transition sociale, poursuit Jean-Baptiste Marie. On y trouve une dimension habitante participative souvent extrêmement riche avec le défi de l'intergénérationnel. Cohabitent ici une forte proportion de jeunes de moins de 30 ans et des personnes plus âgées qui démontrent d'un attachement fort à leurs quartiers. »
En décembre dernier, à la suite du lancement de la consultation, 492 groupements ont candidaté. « Ce chiffre montre l’intérêt qu’a suscité ce programme pour les concepteurs, tous très différents : des équipes dont le renom et les références sont d’échelle internationale, mais aussi des équipes moins aguerries ou moins connues mais extrêmement professionnelles. Cette diversité a permis de mobiliser un haut niveau de compétences sur chaque site, à l’échelle nationale et internationale », souligne Hélène Fernandez, directrice adjointe au directeur général des patrimoines et de l’architecture, chargée de l’architecture au ministère de la Culture. On retrouve par exemple des Grands prix de l’architecture mais aussi des lauréats des Albums des jeunes architectes et paysagistes. Enfin, près d’une équipe sur trois est internationale.
Des projets construits avec les habitants
Pendant plusieurs mois, les trente équipes sélectionnées ont été accompagnées en suivant une méthode qui fait la part belle à la concertation. « Quartiers de demain est un défi collectif : le postulat de départ de cette consultation est de créer une mobilisation pour sortir rapidement des projets d’un certain nombre de difficultés qui les empêchaient de progresser », complète Hélène Fernandez. Les citoyens ont été au cœur de cette démarche avec des jurys citoyens d'une vingtaine de membres constitués dans chaque quartier et formés par « l’École du renouvellement urbain ». Deux de leurs représentants ont été présents à chaque réunion de la commission de dialogue pour porter la voix des habitants à chaque étape. « Nous avons donné la possibilité par exemple, dans un certain nombre de tours, de dormir chez l'habitant. Nous avons également mis en place des ateliers de participation pour co-élaborer le projet, organisé des “jeux sérieux”, recueilli des témoignages pour réaliser des portraits de territoire », se souvient Jean-Baptiste Marie. Sans compter les visites de quartiers, les journées d’immersion, les résidences de sites et, à mi-parcours, une Manufacture locale pour tester les premières pistes de propositions auprès des habitants et des acteurs du territoire.
La consultation est entrée dans une nouvelle phase avec le dévoilement, mardi 2 décembre, d’un lauréat par site – soit dix en tout – qui se verra confier la maîtrise d'œuvre des opérations. Lauréats ou non, les trente projets sont en tout cas tous représentés dans l’exposition « Quartiers de demain », du 3 décembre au 30 mars 2026 à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris avec les propositions architecturales issues de cette consultation, présentées sous forme de dessins, maquettes, reportages photographiques et films inédits qui permettront d’entrer dans le détail de ces défis dans ces dix quartiers qui vont bientôt se transformer en profondeur. Les projets entreront ensuite dans une phase opérationnelle afin de transformer ce programme national d'expérimentation en réalité sur le terrain, pour les habitants.
- Le quartier Grâce de Dieu à Caen (Normandie) : restructuration d’une barre de logement ;
- Le quartier Europe-Schweitzer à Colmar (Grand Est) : aménagement d’un espace public de 5.5 hectares sur une friche ;
- Le quartier des Tarterêts à Corbeil-Essonnes (Île-de-France) : réhabilitation d’une chaufferie classée monument historique ;
- Le quartier des Templiers à Coulommiers (Île-de-France) : regroupement d’équipements scolaires et petite enfance ;
- Le quartier des Sablons à Le Mans (Pays de la Loire) : restructuration d’un centre commercial ;
- Le centre-ville de Lodève (Occitanie) : restauration du patrimoine architectural et aménagement des berges ;
- Le quartier de la Ponsonne à Manosque (Provence-Alpes-Côte d’Azur) : rénovation d’une plaine des sports ;
- Le quartier du Petit Séminaire à Marseille (Provence-Alpes-Côte d’Azur) : création d’une coulée verte dans un contexte topographique et hydraulique complexe ;
- Le quartier de Saige à Pessac (Nouvelle-Aquitaine) : transformation d’une tour et création d’une coulée verte : ;
- La Résidence Ardenne à Sedan (Grand Est) : transformation en écoquartier patrimonial avec réhabilitation de tours et aménagement de l'espace public.
Un projet qui s'inscrit dans la Stratégie nationale pour l'architecture
En février dernier, le ministère de la Culture présentait la stratégie nationale pour l’architecture pour la période 2025-2029, dans laquelle le programme Quartiers de demain s’inscrit totalement par son aspect transversal et interdisciplinaire qui touche à toutes les politiques publiques liées au cadre de vie et à la transition écologique. « Il est ancré dans les territoires où les acteurs ont travaillé ensemble à chaque phase en fonction de chaque contexte. Quartiers de demain met prioritairement l’accent sur la prise en compte de l’existant et des héritages, matériels et immatériels ; il illustre et valorise les compétences des architectes et leurs équipes dans un domaine désormais structurant de leur activité : la réhabilitation. Il est également un démonstrateur de la capacité d’innovation et d’expérimentation des professionnels, à la fois dans la manière de faire le projet et dans les propositions formelles et techniques », résume Hélène Fernandez.
Quartiers de demain fait également directement écho au thème des dernières Journées nationales de l’architecture : « Architectures du quotidien » puisque le programme concerne en tout plus de 50 000 habitants de banlieues de grandes villes, de cœur ou de périphérie de petites et moyennes villes. « La mobilisation des trente équipes de concepteurs a permis d'intervenir de façon très concrète sur des objets du quotidien, qui concernent tout le monde et sont représentatifs des situations que l’on peut trouver sur nombre de QPV. » Ces projets interviennent notamment sur des équipements de proximité, des logements, des espaces verts, une école ou un ensemble commercial, sur des patrimoines du XXe siècle, banals ou protégés pour « réaliser des projets “démonstrateurs” comme autant de solutions pour l'amélioration concrète du cadre de vie et du quotidien des habitants et pour l’apport de la beauté et du confort au cœur des quartiers », complète Hélène Fernandez.
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