Restauration de la galerie Goetz (2014-2017)
Maîtrise d'ouvrage
Direction régionale des affaires culturelles Grand Est (DRAC)
Maîtrise d'oeuvre
Pierre-Yves Caillault, architecte en chef des monuments historiques
Entreprises
Chanzy-Pardoux (Ars-sur-Moselle, 57), taille de pierre et couverture
Rauscher (Adamswiller, 67), pierre de taille
Piantanida (Saulcy-sur-Meurthe, 88), mouluration
Nouyrit (Furdenheim, 67), métallerie
Sculptura (Erstein, 67) / Christian Fuchs, sculpture
Calendrier
2014 : tranche ferme (814 840 €),
2014 tranche conditionnelle 1 (730 528 €)
2015 : tranche conditionnelle 2 (940 185 €)
2016 :tranche conditionnelle 3 (669 046 €)
TOTAL : 3 154 599 € financés par l'Etat - DRAC Grand Est
Historique
Au milieu du XVIIIe siècle, les boutiques et maisonnettes qui entourent la cathédrale et s’appuient sur ses contreforts doivent disparaître : elles sont une menace permanente d’incendie (on y vend notamment des bougies, des images, etc.) et nuisent à la lisibilité et la dignité de l’édifice.
L’architecte Jean-Laurent Goetz construit donc, de 1772 à 1778, des galeries de pierre de taille, sur les flancs Nord et Sud de la cathédrale, destinées à ménager des boutiques sous chacun de ses arcs. De cette organisation primitive subsistent quelques traces : numéros de stand peint sur la clef de quelques arcs, corbeaux et ancrages de charpente à l’intérieur.
Le style de l’ouvrage est néogothique, par imitation des structures hautes de la cathédrale. L’architecte déploie en effet des pinacles à fleurons, des balustrades à soufflets et mouchettes et des gargouilles inspirées du style gothique tardif. Toutefois l’esprit du temps apparaît sur certains détails comme les rosettes disposées aux écoinçons, caractéristiques du style Louis XVI.
Au XIXe siècle, la décision est prise de supprimer les boutiques. Les arcs des galeries sont alors clôturés, sous la direction de l’architecte Gustave Klotz, par des remplages en pierre de taille, toujours de style flamboyant. Les galeries Goetz servent désormais de clôture et de mise à distance pour la cathédrale au sein du tissu urbain.
Au XXe siècle, cet ouvrage particulièrement délicat, car très dentelé et soumis aux intempéries (la couverture a disparu avec les travaux de Klotz) développe de nombreuses pathologies. Les balustrades, posées en délit, se feuillettent et tombent partiellement en poussière. Les gargouilles, très sollicitées, perdent également une grande partie de leur relief. Plusieurs pinacles sont manquants.
La galerie Goetz Sud avait été restaurée, en partie restituée, de 1982 à 2001 par les ateliers de l’OND.
La galerie Goetz Nord est restaurée sous la maîtrise d’ouvrage de la DRAC, de 2014 à 2017.
Les interventions
Pathologies
Comme l’essentiel de la cathédrale, la galerie Goetz a été construite en grès des Vosges. Or il s’agit d’une roche sédimentaire détritique, c’est à dire faite de sable pétrifié, que l’érosion, les variations climatiques, la pollution… rendent volontiers pulvérulent.
Étant située au Nord de l’édifice, la galerie est par ailleurs soumise au gel et aux mousses. Ses parties basses, directement au contact de la voie publique, ont longtemps été atteintes par la pollution et l’action animale et humaine.
Si l’on ajoute l’exubérance des reliefs, constitutive du répertoire néogothique, la proéminence des gargouilles, et la nécessité de tailler les balustrades en délit - sens qui accentue la fragilité et favorise l’exfoliation - tous les éléments étaient rassemblés pour provoquer un vieillissement accélérer de l’ouvrage.
Principes de restauration
La restauration de la galerie Nord a obéi à un principe maître, celui de la conservation, aussi extensive possible, de la substance originelle de l’ouvrage. Par le passé, la pratique a souvent prévalu de remplacer « à l’identique » les pierres et sculptures dégradées. Actuellement, l’état de la réflexion et de la technique impliquent de maintenir davantage en place les pierres d’origines.
Lorsque l’état de la pierre n’imposait pas son remplacement, les parties attaquées ont été retravaillées par reminéralisation, puis en comblement des parties perdues, par réagréage (comblement avec un mortier de chaux teinté dans la masse) et bouchon (empiècements ponctuels en pierre de même nature).
La surface des pierres a été nettoyée en prêtant une attention particulière à sa patine naturelle et aux restes de polychromie, notamment aux numéros peints sur les arcs.
Des traces des interventions précédentes sont apparues, comme les saignées réalisées vers 1900 pour encastrer le réseau d’éclairage au gaz.
Lorsque la pierre était trop abîmée pour être conservée et consolidée, elle a été renouvelée à partir de grès sélectionné en carrière, afin de présenter le meilleur compromis en matière d’aspect (grain et couleur) et de qualité (propriétés physico-chimiques).
Les blocs ont été choisis au plus proche des pierres remplacées : grès jaunes de Bitburg (Rhénanie), grès bigarrés d’Adamswiller (Bas-Rhin), grès rose « Seidenspinner » et rouge « Staub ».
Très dégradées, les balustrades anciennes ont été largement remplacées, de même que les gargouilles, les pinacles et plusieurs chapiteaux. Ces pièces ont d’abord été épannelées par les tailleurs de pierre, puis livrées au sculpteur. Les parties anciennes hors d’usage ont été déposées, après copie, en conservation.
La taille de pierre et la sculpture ont été réalisées à la main, afin de conserver la nuance et le grain de la main de l’homme, et également assurer la pérennité et la transmission des savoirs-faire.
Les ouvrages métalliques (grilles, impostes) ont été traitées en atelier afin de retrouver leurs éléments manquants et recevoir un traitement de patine anticorrosive.
Afin de prévenir le retour des principales dégradations et de protéger la substance ancienne, des couvertines en plomb, inexistantes à l’origine, ont été façonnées à la manière du XVIIIe siècle et ajoutées sur les corniches, à la base des balustrades.
Les feuilles de plomb ont été travaillées sans lit de plâtre, afin d’éviter la migration du gypse vers le grès. Des ourlets de dilatation ont été réalisés environ tous les mètres, sauf pour le chéneau d’écoulement. Afin de conserver sa fluidité et sa pente, celui-ci, invisible de la voie publique, a été revêtu d’une gouttière en inox. Le renvoi des eaux pluviales depuis le portail Saint-Laurent a également été corrigé.
Les éléments supérieurs tels que mains courantes, balustrades et pinacles ont été scellés au plomb. Une patine légère a été passée sur les mains courantes pour favoriser le ruissellement de l’eau et éviter l’engorgement de la pierre.
Dans cette configuration restaurée, la place de la cathédrale étant désormais piétonne, le salage hivernal ayant été remplacé par le sablage et la pollution ayant été nettement réduite depuis 50 ans, la galerie Goetz présente désormais de bonnes conditions de conservation préventive.
Organisation du chantier
Le chantier s’est déroulé, de 2014 à 2017, en quatre phases successives. Longue de 80 mètres linéaires, la galerie a été divisée en quatre tranches fonctionnelles. Ainsi, alors que 142 mètres d’échafaudage auraient été nécessaires pour couvrir l’ensemble de la galerie Nord, un échafaudage glissant, plus réduit, a suivi le chantier de son extrémité Ouest (tranche ferme - 2014), jusqu’à rejoindre le portail Saint-Laurent, à l’Est (3e tranche conditionnelle - 2016). Les Strasbourgeois ont ainsi pu découvrir le résultat de la restauration à mesure de l’avancée des travaux.
Au terme de cette intervention exceptionnelle, la cathédrale de Strasbourg retrouve l’habit urbain qui était le sien à la fin du XIXe siècle. Avec cette mise à distance restaurée, l’édifice dispose à nouveau d’un espace tampon, offrant du recul sur l’architecture et un espace d’attente et de recueillement.
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