JOUR 1 - Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, se saisir des questions d’identités minoritaires ou invisibilisées
La journée a été ouverte par Paul Salmona, directeur du mahJ, occasion de découvrir ce musée aux multiples facettes valorisant la richesse et la diversité de l’histoire du judaïsme comme fait de civilisation, rendant compte de la multiplicité des expressions culturelles du judaïsme en France et pensé pour tous les publics.
Après cette conférence introductive, David Zivie, responsable de la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, positionnée au secrétariat général du ministère de la Culture, a présenté sa mission et son cadre légal, donnant ainsi à comprendre comment se mènent les enquêtes approfondies pour identifier et restituer les œuvres et objets d’art provenant des spoliations perpétrées pendant cette période. Il a montré également comment ces procédures permettent, pour les descendants des victimes, en sus de l’exigence de réparation, de renouer les fils mémoriels d’histoires familiales brisées.
La matinée s’est clôturée par une intervention de l’artiste Adrianna Wallis, intitulée “Œuvres spoliées et créations”, durant laquelle elle a évoqué les Objets Artistiques Récupération ou “OAR”, source principale d’inspiration pour ses œuvres, partie intégrante de son histoire personnelle liée à un passé de spoliation. Durant cette intervention, elle est revenue sur son projet le plus récent intitulé “Il restera la gravité”.
L’après-midi a été consacrée aux cultures minorisées. Dans un premier temps, ce sont Julia Ferloni, conservatrice du patrimoine, et Gabi Jimenez, artiste plasticien, qui ont retracé ensemble le processus de co-commissariat de l’exposition BARVALO tenue au MUCEM en 2023. L’exposition portait le souhait d’intégrer de la plus large façon possible les expériences multiples des minorités romanis, et dénonçait de façon humoristique tous les clichés galvaudés existant encore sur ces cultures très largement méconnues du grand public. Cette intervention auprès du CHEC a mis en lumière une approche visant à extraire un langage commun d’une diversité de cultures.
Enfin, Antoine Idier, sociologue et historien, a montré lors de son intervention “Les mouvements LGBT+ et l’enjeu des archives”, l’importance de la transmission dans l’invention de soi, de son identité, soulignant comment, historiquement, le rôle des institutions culturelles comme lieux de pouvoir où l’on décide de ce qui doit être montré et, de fait, de ce qui ne le doit pas, poussant les mouvements militants à constituer leurs propres archives, ce qui conduit aujourd’hui à un nécessaire dialogue entre ces sources importantes pour l’histoire.
Cette journée s’est achevée après une séquence de points d’étape des groupes de travail de la session, durant laquelle chacun a présenté l’avancement de leur travail, contribuant à enrichir les réflexions des autres.
JOUR 2 - Musée du Quai Branly - Jacques Chirac, quelle remise en question du modèle du musée universaliste ?
La seconde journée de ce module s’est ouverte sur l’intervention d’Emmanuel Kasarhérou, président de l’établissement public du Musée du Quai Branly - Jacques Chirac : “Repenser les partenariats publics avec les pays d’origine des œuvres présentées”. Il a décrit de nombreux projets communs de recherche ou d’expositions, fondés sur un changement de posture visant reconnaitre à l’ensemble des cultures une dignité égale, à abandonner les discours de surplomb, et à mettre en place une méthodologie ouverte et transparente concernant les collections : enjeu d’importance cruciale pour un musée, qui, comme l’a souligné Emmanuel Kasarhérou, est une machine à construire du temps.
La matinée s’est ensuite poursuivie et achevée par une intervention de Christelle Creff, cheffe du service des musées à la Direction générale des patrimoines et de l’architecture au ministère de la Culture sur la problématique des restitutions d’œuvres et de restes humains. Christelle Creff y a abordé les lois cadre du 22 juillet 2023 et du 20 décembre 2023, et les recherches en cours pour identifier de façon approfondie les collections et leurs modes d’acquisition.
La journée s’est poursuivie avec l’intervention de Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l’architecture au ministère de la Culture, présentant différents leviers d’action notamment dans les formes de financements explicitant les politiques culturelles patrimoniales et les défis auxquels sera confrontée cette direction dans les prochaines années.
C’est ensuite Liz Gomis, directrice de ManSA, Maison des Mondes Africains, qui est intervenue pour présenter ses missions et ce projet visant à mieux faire connaitre la richesse et la vitalité culturelles des pays africains et à favoriser le dialogue entre porteurs de projets artistiques et culturels français et africains. Elle a également souligné la nécessité de reconnaitre le dynamisme des afrodescendants de France, riches d’une identité plurielle.
Pour finir, la journée s’est achevée avec la présentation de l’artiste Raphaël Barontini qui, lors d’une séquence intitulée “Caraïbes : quel récit des combats contre l’esclavage pour construire le présent ?”, est revenu sur son exposition “We could be heroes” qui a pris place au Panthéon en 2023.
A travers ces deux journées riches d’échanges et de réflexions, ce sixième module de la sixième session du CHEC a mis en lumière les multiples enjeux qui traversent aujourd’hui le monde muséal : la reconnaissance des identités invisibilisées, la restitution et la justice mémorielle, la nécessité de redéfinir les récits et les partenariats culturels. Entre remise en question des modèles universalistes et exploration de nouvelles formes de dialogue, ce module a illustré combien le musée est plus qu’un simple lieu de conservation : il est un espace vivant, en perpétuelle mutation, où s’élabore une pensée du patrimoine à la croisée de l’histoire, de la politique et de l’identité.
© Crédits image de couverture : Bijou Bougie, Adrianna Wallis, 2012
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