Le 13 juin 2025, à l’issue de la remise du Grand Prix SGDL pour l’Œuvre à Claude Ponti, l’Hôtel de Massa a été officiellement inauguré, après d’importants travaux de restauration, en présence de Christophe Hardy, Président de la Société des gens de lettres (SGDL), de Patrice Locmant, Directeur général, et de Laurent Roturier, Directeur régional des affaires culturelles (DRAC) d’Île-de-France.
Un vaste chantier de restauration pour un édifice emblématique
Près d’un siècle après son spectaculaire transfert des Champs-Élysées à son site actuel, au 38 rue du Faubourg Saint-Jacques (Paris 14ᵉ), l’Hôtel de Massa présente un état sanitaire préoccupant qui nécessite une intervention de grande ampleur. Dès 2021, la Société des gens de lettres (SGDL), en sa qualité de maître d’ouvrage, engage les premières études techniques, avec le soutien de la DRAC Île-de-France, représentante de l’État propriétaire de l’édifice.
Le 22 juillet de la même année, une convention de mandat est signée avec l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (OPPIC), chargé de piloter les études et de coordonner l’exécution des travaux, sous le contrôle scientifique et technique (CST) et de la DRAC.
Le chantier, lancé en janvier 2024, est confié à Stéphane Thouin, Architecte en chef des monuments historiques. L’intervention se concentre sur le clos et le couvert : réfection complète des toitures en ardoise, restauration des façades et des frises sculptées, remise en état des menuiseries extérieures, et pose de nouveaux garde-corps en ferronnerie.
Les travaux intègrent également la mise en sécurité du bâtiment, l’adaptation de l’accessibilité extérieure et la consolidation de l’enveloppe architecturale. Des réparations ponctuelles des menuiseries en bois, des reprises de peinture et la sécurisation des ouvertures sur les quatre façades complètent l’ensemble.
Le suivi scientifique et technique est assuré par les services de la DRAC, avec la Conservation régionale des monuments historiques (CRMH) et l’Unité départementale d’architecture et du patrimoine (UDAP) dont dépend l’Architecte des bâtiments de France (ABF) compétent. L’OPPIC a coordonné l’opération sur les plans administratif, technique et financier. Enfin, l’ensemble du chantier a été entièrement financé par la Société des gens de lettres (SGDL). Achevée en mai 2025, cette restauration a permis de restituer l’Hôtel de Massa dans sa cohérence architecturale néoclassique, tout en assurant sa pérennité fonctionnelle et symbolique.
Installation du chantier de restauration de l'Hôtel de Massa en images
Un patrimoine classé, régulièrement restauré
L’Hôtel de Massa, demeure historique au service des écrivains, appartient à l’État en 1927 et décide d’y héberger la Société des gens de lettres (SGDL) à partir de 1929. Depuis, il incarne la mémoire vivante des lettres françaises. À la fois lieu de création et de transmission, il conserve un patrimoine exceptionnel, fruit de 180 ans d’histoire littéraire ponctuée de dons et de legs successifs.
Le rez-de-chaussée rassemble les pièces les plus emblématiques du mobilier Art déco, conçu dans les années 1920 par les artistes de la Maîtrise des Galeries Lafayette : Maurice Dufrêne, Léon Jallot, Gabriel Englinger, Jean Besnard… Composée de 110 pièces (meubles, luminaires, céramiques), cette collection a été classée au titre des monuments historiques en 1984, à la suite d’une donation de Théophile Bader, fondateur des Galeries Lafayette.
La collection fait régulièrement l’objet de restaurations, menées sous le contrôle scientifique et technique (CST) et de la DRAC.
La SGDL conserve également une collection remarquable de bustes et sculptures d’écrivains illustres, réalisés à partir de la fin du XIXᵉ siècle par Chapu, Rodin, Marquet de Vasselot et bien d’autres Ces œuvres ont été inscrites au titre des monuments historiques par arrêté du 1er août 2024, et un projet de classement est en cours d’étude.
À ce mobilier d’exception s’ajoute un fonds documentaire d’une grande richesse, constitué de manuscrits, d’autographes et de photographies anciennes, issus des dons et legs successifs des membres de la SGDL. Accessible aux chercheurs sur demande, cette richesse documentaire reflète la vitalité du lieu en tant que mémoire vive des lettres françaises et fait de l’Hôtel de Massa, un lieu au service de la création.
Découvrir quelques pièces d'un mobilier d’exception
Un lien durable entre l’État et la SGDL
Depuis la loi de 1928, cette propriété de l’État affectée à la DRAC y héberge le siège social de la SGDL pour un loyer symbolique. En 2020, la DRAC a transféré la gestion de la propriété à la SGDL pour une durée de cinquante ans, jusqu’en 2070, garantissant la stabilité juridique de l’occupation et la possibilité de planifier des investissements à long terme.
Les salons de l’Hôtel de Massa, lieux de mémoire littéraire et de vie
Depuis sa fondation en 1838 par Victor Hugo, Honoré de Balzac, Alexandre Dumas et George Sand, la SGDL joue un rôle essentiel dans la défense des droits et du statut des auteurs. Elle a su faire de l’Hôtel de Massa un haut lieu des lettres françaises, à la fois siège institutionnel, centre documentaire et lieu de mémoire.
Depuis près d’un siècle, l’intérieur de l’Hôtel de Massa évolue au rythme de ses usages tout en conservant la mémoire de ses fondateurs. Chaque espace témoigne d’une continuité entre le passé et les besoins d’aujourd’hui.
Le hall, derrière la façade ancienne qui s’ouvrait jadis sur une cour de la rue de la Boétie, introduit l’ensemble. L’escalier n’est pas d’origine, mais la pièce est dominée par la présence du Balzac de Rodin, tirage original offert en 1950 par le musée éponyme. Cette œuvre donne le ton d’un édifice voué aux écrivains.
À l’arrière, le Salon Victor-Hugo, ancien grand salon tourné vers un jardin à l’anglaise, est aménagé pour accueillir conférences et projections. En son centre, une tapisserie tissée à Aubusson d’après un carton de Rohner, déposée par le Mobilier national en 1958, représente les fondateurs de la SGDL.
Le Salon George-Sand, successivement fumoir, bibliothèque puis bureau présidentiel jusqu’en 1999, est aujourd’hui utilisé pour les réceptions. Il conserve un élément majeur de son décor d’origine : un lustre à douze bras en verre tulipe, création de Maurice Dufrêne et Gabriel Englinger pour la Maîtrise des Galeries Lafayette, réalisé en 1928.
À l’étage, le Salon Balzac, qui fut la chambre à coucher du temps de l’hôtel particulier, avec boudoir et "anglaise", est devenu dès 1929 la salle du Comité. Il accueille toujours les réunions des instances statutaires, les commissions et les formations de la SGDL.
Le Salon Colette, après avoir été cabinet de toilette, office, puis salle des marbres, a été transformé en musée Alexandre-Dumas entre 1961 et 1974. Aujourd’hui, il accueille l’une des plus belles collections de mobilier Art déco de l’édifice et peut être réservé par les auteurs membres pour des événements privés.
Enfin, la salle Alexandre-Dumas, attenante à l’accueil, héberge le service de dépôt des manuscrits, conçu pour protéger les œuvres contre le plagiat. Ce service historique s’est adapté aux pratiques contemporaines grâce à sa version en ligne.
Ces salons, loin d’être figés, forment un ensemble vivant, évolutif, où l’histoire des lettres françaises trouve un prolongement dans les activités quotidiennes de la SGDL. Ils incarnent la rencontre entre mémoire, création et transmission.
Un passé mouvementé : de la "Folie" des Champs-Élysées à la maison des lettres
Construit entre 1777 et 1779 par Jean-Baptiste Le Boursier pour Denis-Philibert Thiroux de Montsauge, administrateur général des Postes, l’Hôtel de Massa est un parfait exemple du style néoclassique. Érigé sur le chemin des Champs-Élysées, alors encore champêtre, il est un haut lieu de la vie mondaine et galante. On raconte qu’il accueille les amours du duc de Richelieu.
L’édifice change plusieurs fois de mains : Richelieu en 1788, Bonaparte pour l’État en 1802, l’ambassadeur Marescalchi en 1805, la comtesse de Durfort en 1815, puis le comte de Flahaut, le banquier Roger… Le duc de Massa, dernier résident aristocratique, y vit en 1870. Il jure, à l’issue de la guerre franco-prussienne, de ne rouvrir les volets qu’après la revanche française : son neveu s’en acquitte le 14 juillet 1919.
Un déménagement unique dans l’histoire du patrimoine
En 1927, l’Hôtel de Massa est menacé de démolition. Racheté par Théophile Bader, président des Galeries Lafayette, et André Lévy, pour y édifier un immeuble commercial. Il échappe à la disparition grâce à la mobilisation d’Édouard Herriot, ministre de l’Instruction publique, qui obtient son classement au titre des monuments historiques en 1928. L’Hôtel est alors cédé à l’État français qui en devient propriétaire.
L’édifice est démonté pierre à pierre et transféré sur un terrain cédé par l’Observatoire de Paris. La reconstruction, dirigée par André Ventre, est exemplaire : chaque élément architectural est réinstallé avec une rigueur scientifique. En 1929, l’État propose à la SGDL de s’y installer officiellement. L'Hôtel de Massa devient alors la maison des écrivains.
L’Hôtel de Massa, propriété de l’État et affecté à la DRAC Île-de-France, continue d’héberger la Société des gens de lettres, qui en est l’occupant habituel depuis 1929 et le gestionnaire de la propriété depuis 2020 dans le cadre d’un transfert conventionnel établi avec la DRAC Île-de-France. L’édifice et ses jardins sont visitables lors des Journées européennes du patrimoine.
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