Rapport Patrimoines et architecture dans la transition écologique
Le groupe de travail transversal mis en place par le Comité de la prospective et de l’innovation (CPI) et coordonné par la délégation à l’Inspection, à la Recherche et à l’Innovation (DIRI), a mené une réflexion à destination de tous les professionnels du patrimoine sur la place des patrimoines et de l’architecture dans la transition écologique. Le rapport qui en résulte propose un état des lieux et des orientations pour une évolution des pratiques et des actions sur le terrain.
Le groupe de travail créé en 2022 a entrepris la réalisation d’un document d’orientation, à destination des professionnels, portant sur « Les patrimoines et l’architecture dans la transition écologique », en coordination avec le Guide d’orientation et d’inspiration pour la transition écologique de la culture alors en cours de rédaction. La réflexion a été menée de manière pragmatique autour de quatre axes stratégiques : la formation à la transition écologique, la conservation verte, la performance énergétique du bâti ancien d’avant 1948 et le numérique dans la transition écologique. Ces axes ont été abordés selon une même grille d’analyse : un cadrage national précisant le contexte législatif ; un état des lieux qui révèle l’état des politiques publiques actuelles ; les enjeux hiérarchisés qui en découlent, en lien avec le Guide d’orientation ministériel ; et enfin des préconisations concrètes constituant une base réflexive de solutions adaptables aux besoins des professionnels du patrimoine. Des fiches opérationnelles ont été produites et rattachées aux quatre axes pour constituer autant d’outils aidant à atteindre, dans la pratique et sur le terrain, les objectifs identifiés par chacun des ateliers. Ce travail se veut évolutif : plusieurs fiches opérationnelles sont en cours de rédaction et viendront progressivement enrichir le document.
Les préconisations qui en résultent visent au décloisonnement, à un travail collectif et en continu, à un partage des bonnes pratiques, à la remise en cause de certains réflexes et à l’identification du patrimoine culturel et de l’architecture comme ressource pour le développement durable.
Les préconisations relatives aux formations à la transition écologique
- Réaliser une enquête approfondie sur les enseignements liés à la transition écologique dans les formations initiales et continues du patrimoine culturel, pour identifier les contenus réels, les compétences des intervenants et l’adéquation avec les conditions et les besoins du terrain.
- Définir précisément les éléments que chacun doit savoir (prescripteurs, enseignants et apprenants) afin d’aboutir à des enseignements pertinents, mais également à un niveau de compétences par paliers selon la position professionnelle de la personne.
- Intégrer la notion de mentorat (formation par ses pairs) au regard de thématiques précises, afin de faciliter l’assimilation par l’action (un mentoré pouvant devenir mentor lui-même par l’expérience).
- Encourager le partage de bonnes pratiques notamment par la création de plateformes d’échanges, qui permettent la formation par l’exemple (qui est le mode d’apprentissage par excellence).
Les préconisations relatives à la conservation verte ou éco-conservation
- Mettre en place des solutions durables s’appuyant sur une meilleure analyse des pratiques, de leur impact et des moyens utilisés en termes de produits et matériaux : cela implique une harmonisation des processus de contrôle, des suivis des interventions et des stratégies mises en place.
- Privilégier les pratiques basées sur la durabilité du mobilier, le recyclage et le réemploi : pour cela, il est indispensable d’avoir des espaces complémentaires de stockage pour les matériaux et le mobilier, l’eau recyclée, les matériaux combustibles et les batteries d’énergie.
- Développer la recherche en conservation-restauration pour vérifier les performances techniques des matériaux nouveaux ou naturels (bio et géosourcés).
- Considérer l’environnement de conservation au sein d’un bâtiment comme un tout constitué à la fois de paramètres de conservation préventive tangibles (éclairage, poussière et polluants), énergétiques (la consommation d’énergie a un impact sur l’humidité relative et la température, donc sur la stabilité du climat) et architecturaux (l’évolution des bâtiments et des équipements techniques doit faire partie de l’équation du fait de leur impact sur les deux premiers paramètres).
Les préconisations relatives à la performance énergétique
- Adapter les normes et le cadre réglementaire en rétablissant un équilibre entre la préservation du patrimoine et l’amélioration des performances énergétiques : inscrire la transition écologique du patrimoine culturel dans les documents de planification urbaine ; adapter le diagnostic de performance énergétique au bâti patrimonial ; soutenir la préservation des menuiseries anciennes ; accompagner la révision de la norme NF EN 16883 « Conservation du patrimoine culturel » ; permettre l’appropriation par les acteurs du patrimoine de ces normes et de ce cadre grâce à l’organisation de séminaires et journées d’échanges publiques ainsi que la publication de guides pratiques à usage des propriétaires.
- Améliorer le partage et la diffusion de l’information auprès du grand public : sensibiliser les médias aux enjeux culturels et techniques de la réhabilitation thermique du bâti existant ; développer une version grand public du Centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien (CREBA) ; inscrire la dimension culturelle et écologique du bâti existant dans les actions de l'Éducation artistique et culturelle (EAC).
- Établir un pilotage interministériel, indispensable puisque les politiques publiques de réhabilitation énergétique du bâti existant se situent au carrefour d’enjeux environnementaux, culturels, techniques et économiques : proposer un portail commun ministère de la Culture/ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires consacré à la réhabilitation énergétique du bâti existant ; élaborer un guide interministériel Modalités de calcul de la performance énergétique pour le bâti ancien ; spécificités du bâti ancien dans les politiques de rénovation énergétiques.
Les préconisations relatives au numérique dans la transition écologique
- Sensibiliser et former les producteurs de données numériques patrimoniales à la gestion du cycle de vie des données et à l’archivage numérique : former les acteurs culturels à la documentation et à la qualité des métadonnées ; encourager au partage des bonnes pratiques, notamment des établissements produisant de gros volumes d’images, car des stratégies en matière de gestion des données existent déjà ; généraliser l’usage de l’outil Archifiltre développé par les ministères sociaux qui permet d’effectuer une évaluation nécessaire au tri et à l’élimination massive des données stockées sur les serveurs (élimination des doublons par exemple) ; définir systématiquement des règles de gestion, en particulier sur les périmètres sectoriels volumineux (archéologie, architecture…), tout en menant une réflexion sur l’articulation des besoins des producteurs (données brutes) et la mise à disposition des publics (données en format d’exploitation) pour éviter les duplications inutiles.
- Adopter autant que possible des outils libres et communs ou mutualisés afin de favoriser l’interopérabilité : réaffirmer les principes FAIR (Findable, Accessible, Interoperable, Reusable) afin de favoriser l’accès et la réutilisation des données numériques patrimoniales dans le temps ; favoriser les formats ouverts et les logiciels libres pour faciliter l’adoption de pratiques de conservation pérennes. Pour cela, continuer le recensement des logiciels libres spécialisés utilisés dans certains services patrimoniaux pour les analyser en matière de sécurité et les partager avec l’ensemble du secteur ; former les acteurs culturels à l’utilisation du protocole IIIF (International Image Interoperability Framework) qui propose des solutions communes au monde entier pour éviter la duplication des images ; investir dans le développement de projets d’application de l’intelligence artificielle permettant la sélection et le tri des données grâce à la classification et la catégorisation automatiques.
- Mettre en œuvre des modes de stockage à froid, moins énergivores, pour les données inutiles au quotidien : référencer les ressources numériques avec des métadonnées aussi précises que possible afin que n'importe qui soit en mesure d'en connaître l'existence, et les documenter sur une plateforme dédiée (le conservatoire national des données 3D) ; stocker ces données sur des bandes magnétiques, moins énergivores à la création qu'un disque dur externe ou qu'un serveur, et qui ne consomment pas du tout d'énergie pour toute la période de stockage. Les serveurs ne consomment que lorsqu’une demande d’accès est faite ; le stockage à froid offre une sécurité aux données en cas de cyberattaque (les bandes magnétiques peuvent être stockées hors ligne et physiquement sécurisées).
Depuis le travail commun sur ce rapport, plusieurs initiatives ont été prises par les services du ministère de la Culture pour répondre à ces préconisations.
Consultez le rapport Les patrimoines et l’architecture dans la transition écologique :
Le Comité de la prospective et de l’innovation
Placé sous l’autorité du directeur général des Patrimoines et de l’Architecture, le Comité de la prospective et de l’innovation (CPI) est animé, depuis septembre 2022, par la délégation à l’Inspection, à la Recherche et à l’Innovation. Il est composé d’un représentant de chaque service de la direction générale des Patrimoines et de l’Architecture, de référents délégués désignés par les autres directions générales et délégations du ministère (direction générale de la Création artistique ; direction générale des Médias et des Industries culturelles, délégation générale à la Transmission, aux Territoires et à la Démocratie culturelle ; délégation générale à la Langue française et aux Langues de France ; inspection générale des Affaires culturelles), de référents désignés par les directions régionales des Affaires culturelles ainsi que d’invités permanents ou ponctuels chargés d’apporter leurs compétences. À travers la mise en place d’un groupe de travail transversal annuel, il a pour mission de fournir aux professionnels du patrimoine et de l’architecture une aide méthodologique et des orientations opérationnelles sur de grandes thématiques liées à leurs missions au quotidien.
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