Depuis 1985, date de son ouverture, le musée national Picasso-Paris abrite la plus grande collection au monde d’œuvres de Pablo Picasso, inégalée tant sur le plan de la diversité étourdissante des techniques artistiques présentées que sur le spectre temporel, couvrant toute la carrière de l’artiste.
Une collection composée pour l’essentiel de plusieurs dations exceptionnelles, ce dispositif créé en 1968 par André Malraux en vertu duquel un contribuable peut, en lieu et place du paiement de l’impôt sur les successions, remettre des œuvres d’art à l’État dont le patrimoine se trouve de facto enrichi.
À la dation « fondatrice » de 1979 constituée entre autres de 228 peintures, 158 sculptures, 1495 dessins et 1704 estampes, a succédé en 1990 celle de Jacqueline Picasso constituée notamment de 49 peintures et 247 estampes. Deux dates clés dont la dation Maya Ruiz-Picasso, dévoilée le 20 septembre en présence des ministres de la Culture et des Finances au musée national Picasso-Paris, prolonge aujourd’hui l’esprit.
Un panorama de l’œuvre de Picasso
Composée de six peintures, d’une sculpture, d’un carnet de dessins et d’une œuvre ethnographique qui joua un rôle de premier plan dans l’histoire de l’art, la dation Maya Ruiz-Picasso constitue, selon la ministre de la Culture, « un ensemble exceptionnel, qui en quelques œuvres seulement offre tout un panorama de la création picasienne ».
Grâce aux correspondances entre les œuvres, « se donne à voir et à sentir le profond humanisme qui n’a jamais cessé d’accompagner l’élan créateur de Pablo Picasso », assure la ministre, en soulignant que ces œuvres présentent ses principales évolutions techniques depuis « la géométrie cubiste de l’Étude pour une joueuse de mandoline aux formes monochromes et anguleuses de L’enfant à la sucette assis sous une chaise, dont l’esthétique est proche de celle de Guernica ».
Les neuf œuvres de la dation dessinent aussi « en creux la vie de Pablo Picasso » précise la ministre, notamment à travers « le portrait d’Émilie Marguerite Walter, sa belle-mère dont il a croqué les traits à l’époque de la guerre lors d’un séjour à Royan où s’étaient retrouvées sa compagne Dora Maar, Marie-Thérèse et Maya ».
Un témoignage unique de l’attachement de l’artiste à la France
« En cédant ces neuf pièces provenant des collections personnelles de Maya Ruiz-Picasso, vous témoignez de son attachement à la France, a assuré la ministre de la Culture en direction de la famille de Maya Ruiz-Picasso, représentée par ses enfants Olivier, Richard et Diana. Ce pays où votre père et grand-père avait décidé de vivre, il en avait fait sa terre d’adoption, le lieu d’élaboration de son art de sa vision du monde ».
La ministre a également salué l’ensemble des équipes impliquées dans « le rigoureux processus d’entrée en dation », à commencer par le Commission des dations. « Je suis fière que derrière sa logique transactionnelle, la dation revête presque toujours une dimension patrimoniale et rencontre le désir des artistes et de leurs ayants droit de partager avec le plus grand nombre de nos concitoyens ces pièces emblématiques de notre culture ».
C’est à Maya Ruiz-Picasso, « une personne inouïe », selon Laurent Le Bon, directeur du musée Picasso-Paris et futur président du Centre Pompidou, que revient le mot de la fin. Celle-ci exprime, à travers la lettre que lit son fils Olivier, son souhait de longue date de Maya Ruiz-Picasso d’enrichir les collections du musée : « À côté des œuvres qui ont un caractère familial reçues de mon père et de ma mère Marie-Thérèse, et que j’ai conservé pour mes enfants, j’ai toujours préservé celles qui avaient un caractère muséal et qui pourraient un jour utilement compléter les collections du musée ».
Cette acquisition exceptionnelle sera célébrée en 2022 à l’occasion d’une exposition dédiée dans le cadre d’une saison consacrée à Maya Ruiz-Picasso. A compter du 19 avril 2022, le musée Picasso-Paris présentera ainsi au public l’ensemble des œuvres de la dation selon un parcours construit autour de ces neuf chefs-d’œuvre.
Un parcours passionnant dans l’œuvre de Picasso
Don José Ruiz.
C’est l’œuvre la plus ancienne de la dation, puisque Don José Ruiz, le portrait du père de l’artiste, date de 1895. « [Cette œuvre] traduit la relation fondatrice de l’artiste avec son père, lui-même peintre et professeur d’art, qui l’a soutenu dans sa vocation précoce, lui a transmis son savoir-faire et continuait de lui envoyer pinceaux, toiles, peintures lors des premières années de disette », commente la ministre de la Culture. Le public du musée aura désormais la chance unique de pouvoir admirer « cette toile que Pablo Picasso avait toujours refusée de vendre ».
L’Enfant à la sucette assis sous une chaise.
Cette œuvre, qui a été exécutée en 1938 dans un contexte de montée des tensions internationales, « porte en elle toute la puissance de l’engagement de Pablo Picasso, prenant racine dans le lien indéfectible qui l’unit à sa famille et s’étend jusqu’au peuples et aux nations. Il semble nous proposer comme antidote à la destruction politique ».
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