Alors que les usages numériques en ligne ne cessent de croître, quelles nouvelles régulations et quelles orientations les politiques publiques doivent-elles envisager ? Comment travailler avec le numérique pour qu’il réponde aux exigences d’une politique culturelle forte ? Et comment réduire les inégalités dans les accès et les usages ? Les auditeurs et auditrices se sont retrouvés en ce 9 et 10 décembre pour aborder la thématique des médias et des industries culturelles à l’aune des reconfigurations imposées par la crise, successivement au Centre national du livre, à l’Opéra Garnier et au Centre national du cinéma et de l'image animée.

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Une première matinée sur la chaîne du livre et ses acteurs au CNL

La Présidente du Centre national du livre (CNL) Régine Hatchondo a introduit la première journée au en établissant un panorama complet des enjeux auxquels est confrontée la chaîne du livre, de sa conception à sa diffusion. Le CNL, établissement public créé en 1946, a vu ses missions s’élargir progressivement afin d’aider les traducteurs, les auteurs, les éditeurs, les libraires et les bibliothécaires dans leurs métiers. Deuxième industrie créative après le jeu vidéo, le secteur du livre doit aujourd’hui faire face au triple enjeu de la concentration des acteurs, de la disruption numérique et de l’érosion du lectorat.

Plusieurs acteurs de la chaine du livre sont ensuite intervenus pour aborder des défis du secteur, notamment à l’aune des mutations numériques. Amanda Spiegel, présidente de la Commission commerciale du Syndicat de la Librairie française et directrice de la librairie Folies d'encre de Montreuil, a rappelé les difficultés que connaissent les libraires aujourd’hui pour vivre correctement de leur passion. Sylvie Robert, sénatrice d’Ile et Vilaine (et auditrice de la deuxième session du CHEC), a ensuite présenté la loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique dont elle est la rapporteure. Puis, Laure Leroy, directrice des éditions Zulma, est revenue sur les chiffres de la chaîne du livre, proposant trois pistes de réflexions pour l’avenir du livre : soutenir le coût des transports, travailler la question du livre d’occasion et revoir le tarif postal dédié au livre.

Enfin, Vincent Message, auteur et cofondateur du Master de création littéraire de Paris 8, a clot la matinée en retraçant son parcours d’écrivain, partageant ses doutes, ses difficultés et ses succès, que connaissent la plupart des écrivains menant une « double vie » selon les termes du sociologue Bernard Lahire.

L’après-midi à l’Opéra Garnier sur les mutations du secteur musical face au numérique et à ses nouveaux usages

Martin Ajdari, directeur général adjoint de l’Opéra national de Paris, a accueilli les auditrices et les auditeurs au Salon Florence Gould afin d’aborder l’économie et les enjeux de la diversification des modes d’adresse aux publics en exposant le cas l’Opéra National de Paris. Cet établissement séculaire renouvelle et diversifie son offre à la faveur du  développement de l’offre digitale, proposant des live stream, des brochures connectées, des spectacles immersifs et des plateformes comme « L’Opéra chez soi » (plus de 900 000 vidéos par an) afin de répondre aux changements d’usages et à une demande particulière en temps de crise.

Prenant sa suite Michel Orier, directeur de la musique et de la création musicale de Radio France, a retracé les étapes et  l’impact de la révolution numérique sur les industries musicales, amenant à une réflexion stimulante sur les tendances récentes et les évolutions à venir. L’histoire de l’industrie musicale a connu trois périodes : le monde d’avant avec les vinyles à deux faces, le microsillon, et l’apparition des radios FM en 1980, puis le début des années 2000 avec l’ordinateur personnel et internet qui permettait d’encoder la musique facilement, et enfin plus récemment l’émergence des plateformes telles que Spotify qui amplifient le système du winners-take-all pour les acteurs de la musique, le tout dans une période d’arrêt pour le spectacle vivant en temps de la crise. La période actuelle connait de nouvelles évolutions avec la radio numérique permise par le DAB et de nouvelles performances sonores avec le son immersif.

Les auditrices et les auditeurs se sont ensuite réunis en groupes de travail afin de continuer l’élaboration de leurs rapports.

Une seconde journée au Centre national du cinéma et de l’image animée

Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles (DGMIC) au ministère de la Culture, a présenté les enjeux de régulation face à l’accélération des phénomènes de concentration et de prise de position dominante de la part des acteurs des industries culturelles en ligne. Celle-ci concerne tous les domaines. Des solutions novatrices doivent être trouvées qui sans nuire à la concurrence, puissent établir un équilibre tarifaire comparable et préserver les objectifs de la régulation préservant les objectifs d’intérêt général et notamment la diversité des acteurs. La problématique est aussi traitée au plan européen avec les nouveaux projets de directives DMA et DSA qui devraient être abordés pendant la présidence française de l’Union européenne.

Olivier Henrard, directeur général du Centre National du Cinéma et de l’Image Animée, a ensuite dressé le panorama des grands équilibres de financement du cinéma et précisé quelles sont les transformations en cours. Pendant la pandémie, le soutien à la création a permis de maintenir la vitalité du secteur pour maintenir sa capacité à proposer ses productions une fois la réouverture des salles intervenues. Le défi qu’a constitué la part grandissante des plateformes a donné lieu à la recherche de solutions novatrices qui viennent de se traduire par les nouveaux accords signés entre elles et le CSA.

Suite à cette présentation, une table ronde associant Olivier Henrard, Claude-Éric Poiroux, délégué général du festival Premiers Plans d'Angers et directeur d’Europa Cinema, Amélie Chatellier, déléguée générale de l’Agence du court métrage et Olivier Guillemot, Conseiller référendaire à la Cour des Comptes et ancien directeur de la gestion et de la coordination d’Arte France, tous deux auditrice et auditeur de la troisième session, apportait un éclairage sur les moyens d’assurer l’indépendance de la création française et européenne dans un nouveau contexte de diffusion numérique.

Une table ronde riche, abordant de façon complémentaire des aspects extrêmement concrets des changements intervenus ou en cours : importance du maillage des salles de cinéma, force d’un réseau européen permettant à des acteurs disséminés géographiquement à l’échelle européenne de se rencontrer et bâtir des synergies, rôle du court métrage dans les parcours des réalisateurs comme des comédiens et opportunité des nouvelles technologies avec pour exemple d’actualité "Brefcinema", dédiée aux courts métrages accessibles sur smartphones. L’exemple réussi du changement de dimension d’ARTE montre là aussi l'opportunité du numérique pour développer de nouveaux modes de diffusion en regard des nouveaux usages.

Enfin, Théo Drieu, créateur de la chaîne Youtube « Balade Mentale », Manon Bril, créatrice de la chaîne Youtube « C’est une autre histoire » et Dorian Bardavid, chef du bureau Ligne produits « Grand public » au Service du Numérique du ministère de la Culture ont illustré par leurs diverses expériences le monde de la vulgarisation culturelle et scientifique en ligne, reflet des nouveaux usages et de l’appétence croissante du public pour les contenus vidéos. 

Les auditrices et les auditeurs de la troisième session se retrouveront les 13 et 14 janvier 2022 pour un module à Bordeaux consacré aux politiques de soutien à la création.