Dans le sud de l’Indre (Centre-Val de Loire), plus de 3 000 étangs ponctuent le paysage du Parc naturel régional de la Brenne. Ces retenues d’eaux ont été artificiellement créées par l’homme dès le Moyen Âge, notamment par les moines des abbayes locales. Ces derniers développent un véritable savoir-faire piscicole reposant sur une fine maîtrise du cycle naturel du poisson et de l’eau.
Cette expertise s’est transmise les siècles suivants aux seigneurs et aux propriétaires terriens, faisant la richesse du territoire. Aujourd’hui, la moitié des étangs de la Brenne est encore concernée par l’activité piscicole. Cela représente près de 800 tonnes de poissons par an, en majorité des carpes, mais aussi des brochets et des sandres.
Une chaîne humaine et technique
La pratique, qui n’a que peu évolué à travers les siècles, mobilise quatre acteurs : les propriétaires d’étangs, les pisciculteurs, les négociants et les « pêcheurs ». Le pisciculteur – qui est parfois aussi lui-même propriétaire d’étangs - veille à la reproduction des poissons, à l’entretien des digues et des bondes servant à la vidange, à la gestion des chaînes d’étangs et à la qualité de l’eau.
Chaque automne, la saison des pêches rassemble des équipes entières (famille, voisins, amis…) pour la vidange des étangs et la récolte des poissons. L’étang le plus en aval de la chaîne est le premier à être pêché et vidé. Il se remplit ensuite d’eau par la vidange de celui situé en amont. Ce temps fort communautaire et festif mobilise des gestes ancestraux : passage des filets, tri manuel des poissons, pesée et répartition. C’est là qu’interviennent les négociants, qui se déplacent d’étang en étang. Ils participent au tri et aux pesées, sélectionnent les poissons et repartent avec pour les commercialiser.
En plus de soutenir l’économie locale, la pisciculture joue un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité. Depuis 1991, la Brenne est reconnue « zone humide d’intérêt international » grâce à son classement au titre de la convention de Ramsar*.
Un patrimoine vivant à préserver
Aujourd’hui, la pisciculture fait face à de nouveaux défis : prédation du cormoran, raréfaction de l’eau, réchauffement climatique... Les acteurs locaux – Syndicat des exploitants piscicoles de Brenne, Fédération aquacole régionale et Parc naturel régional – s’unissent autour de la transmission des savoirs et la formation des jeunes générations. L’Écomusée de la Brenne contribue aussi à faire connaître cette culture de l’eau.
Les savoirs, savoir-faire et pratiques sociales liés à la pisciculture dans les étangs de la Brenne ont été inclus à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel en 2021.
* Adoptée en 1971, la convention de Ramsar regroupe plus de 170 pays qui s’engagent à protéger, restaurer et utiliser durablement les zones humides, reconnues pour leur rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique.
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