Nées dans les monastères médiévaux, perfectionnées par les apothicaires puis par les liquoristes du 19ᵉ siècle, les liqueurs françaises s’inscrivent dans une longue lignée de savoirs. Dès le 13ᵉ siècle, les moines distillent herbes et racines pour élaborer des élixirs de « longue vie », enrichis d’essences venues d’Orient après les Croisades. En parallèle, un médecin, Arnaud de Villeneuve, met au point un alambic inspiré des traités arabes et instaure en France la pratique de la distillation.
Aux 17ᵉ et 18ᵉ siècles, les monastères créent leurs propres liqueurs, comme la célèbre Bénédictine à Fécamp. En Aquitaine, l’invention de l’alambic à repasse – ou alambic charentais - améliore considérablement la qualité des eaux-de-vie et favorise l’émergence du métier de liquoriste en France. Au 19ᵉ siècle, les maisons familiales se multiplient et fondent leur production sur trois gestes toujours centraux : infusion, macération et distillation.
Une transmission informelle
Il existe autant de manières de fabriquer une liqueur qu’il existe de maisons, chacune combinant à sa façon plantes, fruits, temps et chaleur. La Bénédictine assemble 27 plantes et épices. La Chartreuse mêle plus de 130 plantes, macérées par lots, filtrées, distillées séparément puis vieillies en foudres, ces immenses tonneaux de bois. Cointreau travaille des écorces d’oranges amères venues des Caraïbes et des oranges douces d’Espagne avant macération et distillation.
À ces gestes s’ajoute un patrimoine matériel essentiel : alambics en cuivre des 18ᵉ et 19ᵉ siècles, cuves restaurées, bouteilles historiques devenues signatures visuelles ou encore iconographie héritée des lithographies de Bouisset ou Cappiello. La transmission de ce patrimoine s’effectue au sein des lignées familiales. Les techniques s’apprennent dans l’atelier, auprès des maîtres distillateurs et la recette n’est connue que d’un cercle restreint.
Vers de nouvelles pratiques
Bien que la France reste le « pays des liqueurs », la filière traverse aujourd’hui de profondes mutations. Confrontés aux effets du changement climatique sur les zones de culture, les producteurs intègrent désormais les principes du développement durable dans leurs pratiques. Ils privilégient ainsi les plantes et fruits issus de l’agriculture biologique et réorganisent leurs circuits d’approvisionnement afin de réduire leur empreinte carbone.
Par ailleurs, les modes de consommation ont évolué : depuis le début du 21ᵉ siècle, la tradition du digestif s’efface progressivement au profit des cocktails, poussant les producteurs à diversifier leur offre. Les connaissances et savoir-faire des liqueurs en France ont été incluses à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel en 2024.
La Maison Joseph Cartron perpétue un savoir-faire artisanal dans l’élaboration de la célèbre crème de cassis de Bourgogne. Nuits-Saint-Georges, 02 juillet 2025.
Crédits : Christine Biau/MC/Sipa Press
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