Confiée à l’agence Harris interactive France, cette enquête, menée en ligne auprès d’un échantillon de 1.159 personnes représentatif des Français du 13 au 14 novembre 2024, s’attache plus précisément à recueillir la perception des Français sur la langue française et son usage aujourd’hui, ainsi que sur la présence de mots et d’expressions issus de langues étrangères, comme l’anglais, dans leur vie quotidienne (espace public, publicité, consommation, milieu professionnel, services publics). Pour la première fois, elle interroge également les Français sur leur vision de la loi Toubon, de son application et de sa capacité à s’adapter au monde actuel.
Les résultats de cette enquête, présentés lors du colloque « Quelles politiques pour nos langues ? » du 6 décembre 2024 à l’Institut de France sont riches d’enseignements.
Un fort attachement des Français à leur langue, dans un contexte où la présence de mots ou d’expressions étrangères progresse dans l’espace public
Ils confirment le fort attachement des Français à leur langue, unanimement décrite comme belle mais également complexe. Les Français estiment également que c’est une langue qui a une place importante dans le monde (77%), 50 % d’entre eux considérant néanmoins qu’elle est menacée.
En parallèle s’impose le constat d’une part croissante des anglicismes dans notre société mondialisée : 90 % des Français le constatent dans l’espace public (publicité, slogan, affichages, médias, …), avec une présence jugée en augmentation pour 83 % d’entre eux.
Des appréciations divergentes sur cette situation, mettant en évidence un clivage générationnel
Les effets sont partagés. Aux côtés d’une partie de la population exprimant un sentiment neutre (37 %), une autre partie est assez critique sur cette situation (38%), tandis qu’un Français sur 4 considère cette évolution positive. C’est le cas en particulier des plus jeunes (53% des 18-24 ans) qui y voient notamment une adaptation aux enjeux de notre époque et une plus grande possibilité de s’exprimer.
Plus largement, cette appréciation divergente en fonction de l’âge est présente sur l’ensemble des résultats de l’enquête. Elle marque un clivage générationnel, dont l’étude demandera à être approfondie, pour déterminer s’il s’agit d’un effet de cohorte ou d’un effet de génération.
Des réactions globalement négatives quant à l’utilisation de langues étrangères dans plusieurs secteurs de la vie quotidienne
La tendance générale exprimée par les Français est plutôt en défaveur de l’utilisation de mots ou expressions issus de langues étrangères dans leur vie quotidienne, quand bien même 32% des personnes interrogées se déclarent globalement être à l’aise en anglais.
C’est le cas de la publicité : 45% des Français manifestent ainsi une réaction de gêne, voire de colère, lorsqu’ils sont confrontés à un message publicitaire qui comporte des mots ou expressions en anglais.
Sur le plan économique, l’utilisation de l’anglais apparaît ainsi contreproductive. Une majorité des Français se déclarent être gênés dans leur achat lorsque les informations sont uniquement disponibles en anglais, indiquant même, pour la moitié d’entre eux, que cela peut compromettre leur achat.
Dans le cadre professionnel où la présence de l’anglais est prégnante (76% des actifs indiquent ainsi être confrontés, même rarement, à une situation demandant à utiliser l’anglais dans le cadre de leur travail), les appréciations sont plus nuancées. Une partie des Français (46 %) indiquent néanmoins être gênés de travailler ou de recevoir une information dans une autre langue. Ce constat révèle une insécurité linguistique vécue au quotidien par nombre d’actifs.
Une exemplarité attendue de la part des services publics en matière d’emploi de la langue française
Cette présence de l’anglais est également constatée, au moins occasionnellement, par les Français dans la communication des services publics et entreprises publics (81%), mais aussi dans leurs échanges avec les agents de ces services (75%) et même dans des échanges administratifs (72%).
Très nettement, les Français affirment leur désaccord face à cette situation : 68 % d’entre eux se déclarent ainsi agacés par l’utilisation d’anglicismes dans les messages et slogans publicitaires des acteurs publics, 67 % d’entre eux estimant en outre que cela gêne la compréhension du message délivré.
89 % d’entre eux considèrent enfin indispensable que les acteurs publics s’adressent aux usagers en français. Ces résultats traduisent des attentes fortes de nos concitoyens sur la communication des acteurs publics, que cela soit en matière d’emploi du français en tant que langue commune ou d’intelligibilité des messages délivrés. Ils appellent également à une exemplarité des services publics dans leur emploi de la langue française, conformément aux dispositions prévues par la loi Toubon.
Un cadre légal, la loi Toubon, soutenu par nos concitoyens
Trente ans après son adoption, la loi Toubon est connue et identifiée. La loi Toubon bénéficie ainsi d’une large notoriété, avec 51 % des Français qui déclarent en avoir entendu parler (dont 17 % voyant ce dont il s’agit). Une grande majorité d’entre eux (90 %) jugent en outre que ses dispositions sont indispensables, en particulier pour assurer l’égalité entre les citoyens et renforcer la cohésion de la Nation.
Ils expriment néanmoins des sentiments plus mitigés concernant l’efficacité de cette loi dans les différents secteurs qu’elle couvre. Si 77 % d’entre eux considèrent par exemple qu’elle est efficace dans les services publics, ils ne sont plus que 46 % à estimer que c’est le cas dans la publicité.
En toute logique, les Français plaident aussi pour son renforcement (63 % d’entre eux, notamment pour les acteurs qui ne la respectent pas) et expriment globalement un soutien à ce cadre légal.
Les résultats de cette enquête confortent l’extrême attachement des Français à leur langue commune, avec une perception négative de tout ce qui peut lui porter atteinte. Les attentes exprimées en retour constituent une source précieuse dans la réponse à mettre en place par les pouvoirs publics pour appuyer le développement d’une politique de la langue opérante.
Rapport Toluna Harris - Emploi de la langue française
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