Pensée pour tous les publics - curieux, amateurs d’art, familles et scolaires - l’exposition s’inscrit dans une volonté de valoriser le patrimoine artistique local. Elle met en lumière une collection fondatrice offerte en 1931 par Alexandre Altmann, peintre de l’école de Paris, qui fit don de 27 tableaux à la ville de Crécy-en-Brie, aujourd’hui Crécy-la-Chapelle. Pour la première fois, cette donation est présentée dans son intégralité par le musée.
La donation Altmann et les peintres du Grand Morin
En s’installant à Crécy-en-Brie en 1923, Alexandre Altmann trouve dans la vallée du Grand Morin une source d’inspiration privilégiée. Dans le sillage de Corot, Servin, Toulouse-Lautrec ou encore Dunoyer de Segonzac, il s’attache à fixer sur la toile les paysages de la région. Convaincu du potentiel artistique du lieu, il initie la création d’un musée en offrant ses toiles, avant d’accompagner ce geste par une donation plus large. Le musée est inauguré en 1927 dans la salle des Mariages.
La guerre plonge cette aventure dans l’oubli. En 1982, les œuvres sont recensées, certaines restaurées et exposées ponctuellement. Deux expositions, en 2003 et en 2010, révèlent une partie des collections, sans jamais réunir la donation Altmann au complet.
L’exposition met aussi à l’honneur d’autres peintres de la vallée du Grand Morin. Abram Braser, victime de la Shoah, y occupe une place particulière. Le musée conserve les deux seules œuvres répertoriées en France de cet artiste rare. Leur restauration a été rendue possible grâce au soutien de la DRAC Île-de-France et le service des Musées de la DRAC a accompagné la ville de Crécy-la-Chapelle dans ses démarches et validé les dossiers de restauration en CSRR (commissions scientifiques régionales de restauration). Ce partenariat attentif a permis de redonner tout leur éclat à ces pièces patrimoniales.
Le musée de Crécy-la-Chapelle profite également de cette exposition pour franchir une nouvelle étape avec le lancement de son musée virtuel. À l’heure du numérique, cette initiative ouvre un nouvel accès aux collections : elle permet à chacun de découvrir et de faire vivre les œuvres au-delà des murs, prolongeant ainsi la transmission de ce patrimoine retrouvé.
Né en 1878 à Sobolevska, un village qui se trouve aujourd'hui sur le sol ukrainien, Alexandre Altmann manifeste dès son enfance un amour profond pour l'art. À seulement 11 ans, il quitte son foyer pour s’installer à Odessa, où il commence à nourrir ses premières aspirations artistiques. C’est ainsi que naît une vocation qui, avec les années, s’épanouira en un talent incontesté.
En 1903, animé par un désir insatiable de découvertes et de perfectionnement, Alexandre Altmann quitte Odessa pour Vienne. Mais c’est véritablement à Paris, qu’il rejoint en 1905, qu’il trouve le terreau propice à la fulgurance de son art. Il s'installe dans le quartier de Vaugirard, emmenant avec lui sa première épouse, Clara Haia Karmouch, et leurs deux jeunes enfants, Armand et Michel.
La vie parisienne, à ses débuts, se révèle difficile. Alexandre Altmann, sans le sou, est contraint de multiplier les petits travaux pour assurer sa survie. Pourtant, malgré l’adversité, son talent ne tarde pas à être repéré par des mécènes influents, dont le baron de Rothschild, qui fait l’acquisition de l’un de ses portraits les plus remarqués : celui d’un vieil homme juif. Ce geste marque un tournant dans sa carrière et ouvre la voie à une reconnaissance grandissante.
Installé à Paris, Alexandre Altmann intègre l'Académie Julian où il se forme auprès de maîtres comme William Bouguereau et Édouard Toudouze. Très vite, il trouve refuge à La Ruche, la célèbre cité d’artistes située passage de Dantzig. C’est dans ce cadre inspirant qu’il s’immerge pleinement dans la vie artistique de la capitale. Dès 1910, il commence à exposer ses œuvres dans de prestigieux salons parisiens : le Salon des Artistes Français, le Salon des Indépendants et le Salon d’Automne, autant d’événements où il se fait peu à peu un nom. L’influence des impressionnistes se fait sentir dans son travail, et c’est lors de la présentation de "L’Inondation de Paris" au Salon des Indépendants en 1910 que sa renommée prend véritablement son envol. Ses toiles sont désormais admirées dans de nombreuses galeries d'art, où des expositions lui sont consacrées. Certaines de ses œuvres, acquises par l’État français, sont exposées dans des lieux prestigieux tels que le Palais du Luxembourg et le ministère des Affaires étrangères, témoignant de l’importance de son œuvre dans le paysage artistique français.
En 1923, Alexandre Altmann, déjà reconnu comme un membre à part entière de l’École de Paris, se rend à Crécy. Séduit par la quiétude de cette petite ville, il choisit d’y poser ses valises avec sa seconde épouse, Simone Léonie Lafite-Dupont, fille de l’artiste Louis Lafite-Dupont. Ce choix marque un nouveau chapitre dans la vie d’Altmann, qui s’engage activement dans le développement artistique de la ville. Dès 1925, il expose régulièrement ses dernières œuvres à l’Hôtel des Familles. En 1931, il fonde le salon annuel des peintres de la vallée du Grand Morin et inaugure un musée de peinture, en faisant ainsi un lieu de rencontre incontournable pour les artistes de la région. La même année, il orne la nouvelle salle des fêtes de la ville de fresques d’une grande qualité. Cet ensemble décoratif, exceptionnel tant par sa facture que par son intensité, restera son dernier chef-d'œuvre.
Car, en 1932, alors que son nom est désormais indissociable de l’art parisien et de l’École de Paris, Alexandre Altmann est frappé par la tuberculose. Il meurt cette même année, laissant derrière lui une œuvre marquante et un héritage artistique toujours admiré aujourd’hui.
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