Du 15 janvier au 9 février, Faits d'hiver présente sur les scènes parisiennes et franciliennes 28 spectacles (10 créations) dans 17 lieux représentatifs où toutes les générations se retrouvent. Un festival de création ouvert à tous. La DRAC Île-de-France apporte également un soutien spécifique à six spectacles.
Cette nouvelle édition s’articule autour de quatre points particuliers et Christophe Martin, le directeur de Faits d’hiver, nous fait découvrir pêle-mêle tous ces artistes qui métamorphosent cet événement dédié à la danse dans toute sa diversité.
"Célébrer la longévité en danse"
D'emblée, Christophe Martin donne le ton : "En 2024, cela fait 26 fois que Faits d’hiver se lance dans le bain de l’actualité chorégraphique et qu’il partage sa petite musique rythmée de découvertes et de fidélités, d’élans et de surprises."
Il nous parle de ces "Plusieurs jeunes créatrices qui ont le hip-hop comme horizon et la danse contemporaine comme terrain de jeu. Leïla Ka, Nach, Jann Gallois et Mellina Boubetra imposent une danse qui ouvre une voie originale." Puis en écho, présente cet "autre groupe de chorégraphes émergents, qui distillent des univers déjà très signés, aux thématiques diverses, mais tous soutenus par des interprètes et des gestuelles affirmées" auquel vient s’ajouter "un focus consacré à un interprète, Sylvain Prunenec".
Affiche du festival : Nach Van Van Dance Company, Cellule © Dainius Putinas / design : Birgit Brendgen
Pour Christophe Martin ces "Trois rendez-vous permettent de rendre hommage et de savourer plus qu’une virtuosité, une éthique en mouvement. Faits d’hiver entend célébrer la longévité en danse. La présence des quatorze interprètes de "Ne lâchons rien ! Bêtes de scène#3" de Jean-Christophe Bleton, deux solos de Pedro Pauwels, ou du trio en forme de parcours initiatique au sein de l’œuvre de Daniel Larrieu…".
"L’essentiel est de donner, de partager, simplement"
Le directeur du festival salue généreusement tous les talents : "Cette proposition de classement ne doit pas cacher les autres rendez-vous tels que Vignette(s) de Bernado Montet, porté haut par la troupe Catalyse, l’effronterie pétillante de Silvia Gribaudi, la générosité énergique de Fabrice Ramalingom, l’attention humaniste de Julie Nioche, le théâtre iconique des Mossoux- Bonté ou la puissance de Tabea Martin; l’humour dévastateur de Marco Berrettini ou la subtilité inspirée de Shlomi Tuizer et Edmond Russo…" Et de conclure "À 26 ans, pas de chichi ; on assume autant ses filiations que ses coups de cœur, autant la nouveauté que la chanson douce du ressouvenir. L’essentiel est de donner, de partager, simplement »
Sylvain Prunenec : "48e parallèle"
19 janvier - Le Carreau du Temple
Entre avril et octobre 2019, Sylvain Prunenec entreprend une traversée de cinq mois du continent eurasien avec comme ligne guide le 48e parallèle nord, depuis la pointe du Raz en Bretagne, jusqu’à l’île de Sakhaline, précisément jusqu’à la baie de TNXAR, la "baie tranquille" tournée vers la mer d’Okhotsk et l’océan Pacifique. Au cours de cette traversée, il danse, accompagné de deux métronomes, sur des places publiques des villes étapes. La danse est un moyen d’entrer en contact avec les habitants dont il ne connait pas la langue (ou si peu) et qui, la plupart du temps, ne connaissent pas la danse contemporaine. L’autre occupation majeure, ce sont les escapades dans la nature. Il marche des heures dans les paysages, s’expose, se frotte littéralement à la végétation, à la terre, à la roche, aux éléments, aux insectes. Sophie Laly le rejoint à trois reprises : au début du parcours en Bretagne, puis entre Odessa et Astrakhan, passage vers l’orient, et à la fin du parcours, de Khabarovsk à Sakhaline. Ils filment des marches et des danses dans des paysages tels qu’un palud breton asséché, une steppe vallonnée au pied d’une falaise en Géorgie, un sous-bois touffu et grouillant au bord de la Volga. Ryan Kernoa les rejoint à Sakhaline pour capter une série de sons qui complèteront les matériaux - vidéographique, chorégraphique, textuel - collectés durant le périple.
48e parallèle Sylvain Prunenec © Marc Domage
De cette traversée, Sophie, Ryan et Sylvain rapportent des images, des sons, des impressions, des récits et la sensation des immensités vertigineuses : des fleuves comme des bras de mer, la steppe jusqu’au bout du monde et des forêts de bouleaux, de mélèzes et de pins pour s’y perdre. L’association du 48 est soutenue par le DRAC Île de France au titre de l’Aide au conventionnement sur deux années
Jann Gallois : "In Situ"
30 et 31 janvier - Maison des Arts de Créteil
Comment réconcilier l’espace de vie avec l’instant présent ? Avec "In Situ", Jann Gallois fait cette fois-ci le premier pas en allant chercher "monsieur et madame tout le monde" là où ils se trouvent, sur la place, dans les gares, dans cette trop grande galerie marchande ou ce trop petit espace vert. La chorégraphe pousse les murs et s’infiltre dans la ville pour intercepter un moment dans le quotidien de tout un chacun parfois routinier, suspendre leur espace-temps souvent réduit à une tête baissée sur un écran. In Situ offre la possibilité de renouer avec le vivant.
In Situ - Jann Gallois - cession Alès pm - © Antoine Billet
Des regards droits dans les yeux, des corps chiffonnés qui vacillent et s’entremêlent, une danse qui s’installe sous forme d’un jeu et défie les contraintes. Cette "pastille chorégraphique tout terrain” décalée, philanthrope, généreuse et entraînante n’a pas d’autre but que de donner une bouffée d’oxygène artistique à toutes celles et ceux qui passeront par ici à ce moment là. Jann Gallois - Cie Burnout reçoit le soutien de la DRAC Île-de-France au titre du conventionnement
Jean-Christophe Bleton : "Ne lâchons rien ! Bêtes de scène #3" (Création)
30 et 31 janvier - Maison des Arts de Créteil
Ce troisième volet du triptyque "Bêtes de scène" propose la rencontre des équipes des deux créations précédentes, "Bêtes de scène – masculin et Bêtes de scène - féminin". Une création en grande dimension pour 14 interprètes. Comme pour les 2 premiers opus, cette création est centrée sur la question du vieillissement, de l’obsolescence programmée des danseurs et danseuses qui, comme beaucoup d’autres personnes, ont atteint un âge appelé pudiquement "senior".
Ne lâchons rien ! Bêtes de scène3 © Patrick Berger
Dans la même veine, ce troisième volet offre une vision tonique et optimiste, qui met la vie en avant et donne à voir l’expérience et le talent cumulé de ces artistes. La question de l’âge, du vieillissement reste la toile de fond de cette réflexion, humaine, sociale et politique sur le monde des danseurs. Mais cette fois en croisant les hommes et les femmes des deux premiers spectacles. Et cette rencontre du féminin et du masculin est aussi l’occasion d’orienter le travail vers plusieurs axes qui sont absents des deux créations précédentes : la parité, l’amour et la rencontre des genres. Avec le soutien de la DRAC Île-de-France.
Rebecca Journo : "Les amours de la pieuvre" (création)
31 janvier - Le Colombier
En référence au documentaire "Les Amours de la Pieuvre" (1965) de Jean Painlevé, cette création naît avec l’envie de déployer un univers, une danse qui évoque cet animal mais surtout l’imaginaire auquel il renvoie. En pensant à l’estampe "Le Rêve de la femme du pêcheur" (1814) d’Hokusai, est invoqué plus particulièrement son caractère érotique, étrange voire monstrueux. Transposé littéralement dans le corps, la bouche se fait ventouse et la langue s’apparente à un tentacule enfoui à l’intérieur du corps, un corps épris d’une pieuvre.
© collectif La Pieuvre
Les amours de la pieuvre se conçoit comme une installation performance immersive où les interprètes et les spectateurs sont placés au même plan, évoluant dans un même espace. À la recherche d’une forme expérimentale plastique, acoustique et performative, ce travail s’inscrit dans une recherche d’écriture chorégraphique et sonore où le corps et le son interagissent en direct. L’espace s’envisage comme un laboratoire où la fabrication du geste-son est apparente, où l’on dissèque le corps par le son. La DRAC Île-de-France est partenaire de la création.
Edmond Russo et Shlomi Tuizer : "SubRosa"
3 février - ECAM Espace culturel André Malraux
L’expression latine sub rosa "sous la rose" est utilisée pour exprimer le sous-jacent, le secret. Elle est associée aux rites ayant une dimension d’initiation secrète. À l’image des tableaux de la peintre américaine Agnès Martin (1912- 2004), la pièce nous projette dans une dichotomie entre expression et abstraction et un rapport de tension entre forme et émotion. L’espace de la scène est identifié comme un "grid", composé des lignes et cellules de taille égale qui se révèlent progressivement par les déplacements et trajectoires des interprètes à travers l’espace et par un travail de lumières.
Edmond Russo & Shlomi Ruizer, SubRosa © Agathe Poupeney/PhotoScène.fr
Ainsi, la nouvelle création d’Edmond Russo et Shlomi Tuizer porte au plateau un quintet féminin réuni dans un trajet continu, intime et collectif qui puise son inspiration dans ce qui est enfoui et qui génère une vibration à la surface. L’écriture chorégraphique prend la forme d’un rituel qui se réinvente sans cesse ; un espace d’ introspection nourri par les parcours personnels et qui devient un acte émotionnel collectif. La grille est la surface, elle a pour objectif un premier degré de l’apparence, du fonctionnement systématique des personnes. Dans un rapport anachronique, différents degrés d’implication physiques et émotionnelles émergent sur cette surface. Tantôt dynamique et expressive, tantôt retenue et dense, l’écriture chorégraphique, en étroite collaboration avec les interprètes, révèle ou dissimule le propos même de la pièce.
Sur une trame temporelle parallèle, une figure énigmatique apparaît et disparait furtivement. Cette présence quasi subliminale, onirique et signifiante, littéraire, filmique, plastique, a des vocations multiples et parfois contradictoires. Elle provoque, révèle et dissimule. Elle génère et apaise le vrombissement sous tendu dans l’espace. La compagnie Affari Esteri est soutenue par la DRAC Ile-de-France
Daniel Larrieu : Play 612
6 février – Théâtre de Vanves
Pas de technique : un ordinateur en direct au plateau, un système de diffusion, trois chaises, une table, un tabouret, un plein feux, trois danseurs, trois générations. L’ordre de ce spectacle se fait par tirage au sort, établi en direct par le public. Les différentes sections, de durées variables, présentent différentes approches d’élaboration des gestes, différentes manières de composer de la danse, à partir d’une lettre, d’un mot, de la musique...
© Benjamin Favrat
C’est une liste d’actions dansées, extraites du répertoire, à la manière de la valise de Marcel Duchamp, qui traverse le temps de la création chorégraphique, des matériaux élaborés dès le début des années 1982 à aujourd’hui, lecture de textes qui influencent le travail ou qui sont utilisés comme partitions pour la danse, ou encore des danses d’objets ; poupée de tissu ou éventail, ou encore des chansons de gestes.
Dans une démarche éco-responsable, la compagnie utilise depuis 2020 des costumes indigos produits par l’association HEART WEAR, fabriqués par des ateliers d’artisans au Bénin. L’association Astrakan est subventionnée par la DRAC Île-de-France
Les lieux de l’édition 2024
Christophe Martin, directeur de micadanses-Paris et du festival Faits d’hiver, a reçu le Prix de la Personnalité Chorégraphique 2022-2023 lors du 60e Palmarès des Prix du Syndicat Professionnel de la Critique Théâtre, Musique et Danse, le lundi 19 juin 2023 à la Philharmonie de Paris.
Cette distinction est intervenu pour le 25e anniversaire du festival Faits d’hiver, créé en 1999 et micadanses-Paris, centre de création et de développement en danse, qu’il également fondé, et qui fêtera son vingtième anniversaire en 2024.
Avec un modèle d’ingénierie original, micadanses et le festival Faits d’hiver, à l’échelle régionale comme nationale, jouent aujourd’hui un rôle important dans l’écologie de la danse, du point de vue de la formation, de la création et de la diffusion. Les cinq studios de micadanses accueillent près de 200 000 usagers par an avec une ouverture rare à la diversité esthétique et disciplinaire.
Le festival Faits d’hiver, qui défend depuis sa création une danse d’auteur accessible à tous, a rassemblé en janvier et février 2023 6000 spectateurs pour 55 représentations dans 18 lieux du Grand Paris. Parmi les 16 créations présentées lors de cette 25e édition, "L’envahissement de l’être" (danser avec Duras) de Thomas Lebrun - compagnon de la première heure, Grand Prix Danse 2022 2023 et "Une passion dévoilée", commande du festival aux Brumchon-Lamarche qui ont reçu un Prix Spécial pour l’ensemble de leur carrière.
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