Du 2 mai au 16 juin 2023, une équipe d’archéologues de l’Inrap, sur prescription de l’État (Drac Auvergne - Rhône-Alpes), a fouillé la partie sud de la place Hippolyte Renoux à Clermont-Ferrand, dans le cadre du vaste projet InspiRe - restructuration du réseau de transports en commun et réaménagement de l’espace urbain - conduit par Clermont Auvergne métropole et le Syndicat mixte des Transports en commun de l’agglomération clermontoise (le SMTC-AC). L’emprise de fouille, représentant 189 m², a permis de mettre au jour des vestiges datés du Moyen Âge jusqu’au tout début de l’époque contemporaine.
L’église Saint-Genès
L’intervention se situe au sein du bas-côté sud de l’ancienne église Saint-Genès dont la fondation serait datée du VIIe siècle et qui a été démantelée en 1794. L’église est principalement connue par des plans anciens de la ville de Clermont. Ses maçonneries n’ont été perçues que sous la forme de tranchées de récupération. Les blocs taillés ont dû être remployés au sein des constructions du XIXe siècle, au moment du réaménagement du secteur.
Extrait du plan de Fuzier, la ville et la cité de Clermont en Auvergne, 1574
(source Archives départementale du Puy-de-Dôme). © DAO Guy Alfonso, Inrap
L’opération de diagnostic, réalisée en 2022, préalablement à la fouille, localisée à quelques mètres plus au nord, avait permis de mettre en évidence trois petites piles maçonnées qui pourraient également être liées à l’une des phases de l’église Saint-Genès.
Plusieurs dizaines de sépultures mises au jour
Au total, ce sont 52 structures funéraires qui ont été découvertes dans la moitié occidentale de la fouille et qui se répartissent sur trois niveaux. Hormis deux d’entre elles, les sépultures sont ad sanctos, c’est-à-dire situées à l’intérieur de l’édifice, au plus près du saint, dans le sous-sol du bas-côté sud. À de rares exceptions, elles respectent la tradition chrétienne qui impose l’inhumation des défunts sur le dos, la tête à l’ouest. Seules deux sépultures ont été retrouvées en-dehors de l’emprise de l’église, probablement à l’emplacement du cimetière paroissial qui entourait l’édifice et qui a été en grande partie détruit par le creusement de caves modernes. Les individus des deux sexes sont présents au sein de l’église et les enfants sont largement sous-représentés.
Vue générale du sarcophage monolithe et de plusieurs coffrages après fouille.
© Marine Bourdenx, Inrap
Des pratiques funéraires variées
Un ossuaire installé entre deux murs, par-dessus des sépultures existantes, renfermait les restes d’au moins neuf individus, adultes et immatures. Les ossements ont été déposés lors d’un événement unique et aucune organisation particulière ne transparait. Toutefois, il apparait une sélection préférentielle des os les plus volumineux du corps puisque peu d’éléments de petite taille y ont été introduits.
Vue générale de l’ossuaire. © Lisa Donati, Inrap
Une découverte inédite
Lors du diagnostic, deux sépultures d'Époque moderne ont été mises au jour dans l'emprise de l'église. L’une d’entre elles renfermait le squelette complet d’une jeune femme. L’étude des restes dentaires a permis la découverte de prothèses situées sur l’os maxillaire et posées suite à la fracturation des deux incisives centrales.
Prothèses dentaires. © Lisa Donati, Inrap
Au nombre de deux, ces prothèses sont parfaitement identiques et avaient probablement une visée esthétique et pratique. Ces dents de substitution se composent d’un pivot métallique à introduire dans la dent préalablement percée et d’une couronne artificielle dont le matériau reste à déterminer (corne, bois de cervidé, os ?).
Détail des prothèses dentaires. © Lisa Donati, Inrap
Elles offrent l’illustration parfaite d’un procédé précisément décrit par un chirurgien-dentiste du XVIIIe siècle, Pierre Fauchard, dans son « Traité des dents » paru en 1746, et implique l’intervention d’un praticien ayant de solides connaissances en anatomie bucco-dentaire. À ce jour, elles constituent un unicum sur le plan archéologique. Par ailleurs, leur coût et la complexité de l’intervention, associés à l’emplacement de la tombe au sein d’église, permettent de déduire le statut privilégié de la jeune défunte.
Aménagement : Clermont Auvergne Métropole et SMTC-AC
Contrôle scientifique :
DRAC
Auvergne-Rhône-Alpes, Service régional de l’archéologie
Recherche archéologique :
Inrap
Responsable scientifique : Aurélia Savignat,
Inrap
Responsable archéo-anthropologue : Lisa Donati,
Inrap
Responsable du diagnostic : Guy Alfonso,
Inrap
Etude dentaire : Paul Lebaron,
Inrap
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