Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Culture, annonce, à la suite de la proposition de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) du 17 mai dernier, la décision de remettre aux ayants droit d’Armand Dorville les douze œuvres (onze dessins et une cire) que l’Etat avait acquises à la vente de la collection de M. Dorville, à Nice, en juin 1942. Ces œuvres se trouvent aujourd’hui au musée du Louvre, au musée d’Orsay et au château de Compiègne.
Les ayants droit d’Armand Dorville seront en outre indemnisés pour le préjudice découlant de l’immobilisation du produit de la vente pendant au moins deux ans, de la mi-1942 à la fin de la guerre.
Cette décision s’appuie sur l’avis de la CIVS qui fait valoir que les circonstances particulières de la vente, notamment le blocage temporaire des sommes dues aux héritiers d’Armand Dorville et le destin tragique de plusieurs d’entre eux, justifient en équité une mesure de réparation, même si la vente n’est pas qualifiée de spoliatrice par la Commission.
Les œuvres concernées appartenant aux collections publiques nationales, une loi est nécessaire avant de pouvoir mettre en œuvre effectivement cette décision. Le Gouvernement présentera prochainement un projet de loi à cet effet.
La ministre de la Culture adresse toute sa sympathie aux ayants droit d’Armand Dorville et rappelle la mémoire des cinq membres de la famille – une sœur et deux nièces d’Armand Dorville, ainsi que deux filles de ses nièces – assassinés par les nazis.
La Ministre salue le travail considérable de recherche mené dans le cadre de ce dossier très particulier, tant par ses services (service des musées de France, mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945) que par les services d’archives et par les musées concernés, ainsi que par les magistrats-rapporteurs de la CIVS.
Ces investigations et les importants efforts déployés pour la résolution de ce dossier témoignent du fort engagement du ministère de la Culture afin de faire toute la lumière sur la provenance des œuvres des collections publiques.
Liste des œuvres :
- Henry Bonaventure Monnier, Portraits de Joseph Prudhomme et de Henry Monnier, aquarelle, musée du Louvre, RF 29339 ;
- Henry Bonaventure Monnier, Les trois matrones, aquarelle, musée du Louvre, RF 29340 ;
- Henry Bonaventure Monnier, Les visiteurs, aquarelle, musée du Louvre, RF 29341 ;
- Henry Bonaventure Monnier, Une soirée chez Madame X, plume gouachée, musée du Louvre, RF 29341 bis ;
- Jean-Louis Forain, Femme à la terrasse fleurie (ou Jeune femme debout sur un balcon, contemplant des toits parisiens), aquarelle, musée d’Orsay, RF 29342 ;
- Constantin Guys, Jeune femme et sa duègne, aquarelle, musée d’Orsay, RF 29334 ;
- Constantin Guys, La présentation du visiteur (ou Présentation de visiteur), plume et lavis, musée d’Orsay, RF 29335 ;
- Constantin Guys, Cavaliers et amazones, plume et aquarelle, musée d’Orsay, RF 29336 ;
- Constantin Guys, La loge de l’Empereur pendant une représentation de Madame Viardot dans « Orphée » (ou La loge de l’Empereur), plume et aquarelle, musée d’Orsay, RF 29337 ;
- Constantin Guys, Revue aux Invalides par l’empereur Napoléon III (ou Une revue aux Invalides), plume et aquarelle, musée d’Orsay, RF 29338 ;
- Pierre-Jules Mène, L’amazone présumée être Sa Majesté l’impératrice Eugénie, cire originale, château de Compiègne, C 42.064 ;
- Camille Roqueplan, La diligence en danger, aquarelle, musée du Louvre, RF 29333.
Rappel des faits :
Armand Dorville, avocat français juif, meurt en juillet 1941, chez lui, en « zone sud » de la France, sous l’autorité du gouvernement de Vichy. Sa collection et ses meubles sont mis en vente par son exécuteur testamentaire, en accord avec les héritiers. Au premier jour de la vente d’œuvres d’art à Nice, le 24 juin 1942, un administrateur provisoire est nommé par le Commissariat général aux questions juives. La vente atteint de bons résultats (8,1 MF). Les musées nationaux y achètent douze œuvres pour 270 000 F. Six mois plus tard, en décembre 1942, l’administrateur provisoire demande finalement que la famille soit exemptée des mesures d’administration provisoire. L’administration de Vichy l’accepte en juillet 1943 et le produit des ventes est alors envoyé sous forme de titres de dette de l’Etat au notaire de la famille. Mais les héritiers sont dispersés dans le sud de la France, ce qui les empêchera de percevoir effectivement ce qui leur est dû. En mars 1944, cinq membres de la famille, dont une sœur, deux nièces héritières d’Armand Dorville et deux filles de ses nièces, sont arrêtés, déportés et assassinés à Auschwitz. Après la guerre, les héritiers survivants perçoivent le produit des ventes, qui est intégré au règlement de la succession d’Armand Dorville en 1947.