Par son écriture, la puissance de sa langue et l’acuité de son regard sur la mémoire coloniale, elle questionnait notre histoire et notre rapport à l’identité. Mme Maryse CONDÉ, écrivaine de renommée mondiale, est décédée mardi 2 avril à l’âge de 90 ans.
Née en 1934 dans une famille cultivée de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, elle avait étudié au Lycée Fénelon puis à la Sorbonne. À Paris, elle avait pu développer son goût pour la littérature tout en se forgeant une conscience politique acérée, à la lecture d’auteurs comme Aimé Césaire ou Guy Tirolien. Elle était ensuite partie s’installer en Afrique de l’Ouest, où elle avait passé une douzaine d’années comme enseignante.
C’est la quarantaine venue qu’elle était entrée en littérature, publiant son premier roman, Heremakhonon, en 1976, sur son expérience de la Guinée de Sekou Touré. Suivirent bientôt Ségou (1984) sur la chute d’un royaume bambara ou encore Moi, Tituba sorcière… (1986) roman consacré à la figure réelle d’une esclave africaine accusée dans l’affaire des sorcières de Salem, à la fin du XVIIe siècle.
Dans chacune de ses œuvres, Mme Maryse CONDÉ explorait les ténèbres de l’histoire humaine, et plus particulièrement celle des communautés noires d’Afrique, d’Amérique ou des Antilles, marquées par la mémoire de l’esclavage et de la traite. Sa propre vie et l’histoire de sa famille et de son île natale étaient une autre source de son écriture, en particulier dans Le Cœur à rire et à pleurer (1999) et Célanire cou-coupé (2000).
Sa langue était le français, mais c’est dans l’espace nord-américain et caribéen qu’elle avait d’abord su trouver des lecteurs et une reconnaissance à la hauteur de son œuvre. Elle avait ainsi enseigné dans de nombreuses universités prestigieuses, comme Columbia (New York) et Berkeley (Californie). En 2018, année où le prix Nobel de littérature n’avait pas été annoncé, c’est elle qui s’était vu décerner le prix de littérature de la Nouvelle Académie, couronnant une œuvre foisonnante, immense et passionnante.
J’adresse toutes mes condoléances à sa famille, à ses proches et à tous ses admirateurs.
Rachida DATI,
Ministre de la Culture