M. Frédéric MITTERRAND portait sa mélancolie comme une élégance. Elle lui venait de loin : une enfance parisienne, dans un XVIe arrondissement à la Modiano, une jeunesse de garçon bien élevé, qui admirait le général de Gaulle et revendiquait en même temps et avec fierté le patronyme de Mitterrand, et qui aurait à découvrir son homosexualité dans une France où elle était encore sanctionnée par le Code pénal.
Pour celui qui avait joué à 12 ans aux côtés de Bourvil et Michèle Morgan dans Fortunat (1960), le 7e art avait été une première passion professionnelle. Dans les années 1970, après avoir commencé une carrière d’enseignant, il avait repris une dizaine de salles de cinémas, devenus les cinémas Olympic. La qualité de leur programmation avait fait de lui une figure de proue de l’exploitation du cinéma d’art et essai à Paris. Le public se précipitait aux projections de Bergman, Antonioni ou Ozu, mais aussi des mélodrames hollywoodiens ou des comédies musicales égyptiennes, tant cet amoureux fou de l’écran noir avait l’éclectisme en passion.
L’aventure Olympic s’acheva dans les années 1980, mais pas l’amour du cinéma pour celui qui serait nommé en 2000 à la tête de la commission d'avance sur recettes du cinéma français. En 1995, il était même passé derrière la caméra en adaptant Madame Butterfly, l'opéra de Giacomo Puccini.
L’audiovisuel fut une autre grande passion professionnelle. Il sut s’imposer à la radio et sur TF1 et Antenne 2 puis France Télévision, avec Étoiles et toiles, de 1981 à 1986, Permission de minuit de 1987 à 1988, Du côté de chez Fred, entre 1988 et 1991, ou encore Caravane de nuit, en 1994, sans oublier des dizaines de documentaires.
Le public aimait sa sophistication presque surannée, le ton particulier de sa voix, avec laquelle il s’exprimait dans un français ciselé. « Frédo » devint une de nos figures familières, celui qui savait si bien nous parler d’opéras, de têtes couronnées et de stars hollywoodiennes aux destins flamboyants et foudroyés et aux histoires d’amours déchirantes, avec une gourmandise contagieuse, un sens inné de la formule et, parfois, de la provocation.
Fidèle à ce lien qu’il avait su nouer avec le public, M. Frédéric MITTERRAND fut aussi un écrivain fécond. L’écriture était l’occasion pour lui d’exprimer sa passion pour l’histoire et pour la culture, mais aussi pour faire face, avec franchise et sans complaisance, à ses parts d’ombre. Les regrets étaient pour lui des remords, selon le beau titre qu’il avait choisi pour l’un de ses livres.
Alors qu’il dirigeait la Villa Médicis à Rome, M. Frédéric MITTERRAND fut nommé en 2009 ministre de la Culture et de la Communication par le président SARKOZY dans le Gouvernement de François FILLON.
Ministre attentif à tous les acteurs de la culture, découvrant avec une curiosité mêlée de sourires la vie politique, dont lui avait pourtant souvent parlé son oncle, il eut à piloter le chantier de la Philharmonie de Paris et celui du Musée des civilisations de l'Europe et la Méditerranée (Mucem) à Marseille, mais aussi les travaux de rénovation du musée Picasso et de réaménagement du musée d'Orsay ou de l'aile des arts de l'islam au Louvre. Il permit aussi que le prix unique du livre soit appliqué au livre numérique, tout en menant à bien la création du Centre national de la musique.
Ces dernières semaines, nous avions échangé plusieurs fois. Il m’avait réservé le meilleur accueil lors de ma prise de fonctions rue de Valois. Notre dernière conversation, ce week-end, pleine de cet élan de vie que nous lui connaissions, ne cédait rien au temps qui s’accélérait pour lui.
J’adresse mes plus sincères condoléances à ses fils, sa famille, et ses proches.
Je me joins à toutes celles et ceux qui, comme moi, se souviennent aujourd’hui de sa profonde humanité, de son humour, de sa gentillesse, de sa douceur, de son attention permanente aux autres, qu’il manifesta jusqu’à son dernier souffle.
Nous serons nombreux à garder en mémoire le sourire lumineux de Frédéric et l’inimitable grain de sa voix.
Rachida DATI,
Ministre de la Culture