Le militant et journaliste Frédéric Edelmann nous a quittés le 25 janvier 2024 à l’âge de soixante-douze ans. Engagé dans la lutte contre le VIH-SIDA, il était l’un des fondateurs de l’association « Aides » et du « Journal du sida ». Dans les colonnes du « Monde », il écrivait avec passion sur la Chine et l’architecture contemporaine.
Frédéric Edelmann est né en 1951, dans une famille protestante atypique, avec une mère illustratrice et un père polytechnicien devenu artiste peintre. Dans l’appartement familial de la rue du Cherche-Midi, au contact des milieux culturels et intellectuels, il développe un goût affirmé pour l’art et la liberté.
Pour ce touche-à-tout, les études sont éclectiques et éclatées : il veut tout comprendre et tout essayer, ce qui l’amène à fréquenter autant la Bibliothèque nationale que les boîtes de nuit du Paris des années 1970.
C’est le journalisme qu’il choisit donc pour assouvir son universelle curiosité. En 1977 – année d’inauguration du Centre Pompidou –, il rejoint ainsi le journal « Le Monde », pour devenir le chroniqueur acéré de l’actualité architecturale. Dès ses premiers articles, écrits d’une plume aussi élégante que spirituelle, Frédéric Edelmann accompagne l’émergence d’une nouvelle génération d’architectes qui, de Christian de Portzemparc à Jean Nouvel en passant par Frank Gehry et Rem Koolhas, renouvellent profondément la discipline.
Dans les années 1980, il devient aussi l’observateur attentif des « grands travaux » lancés par le président François Mitterrand. Fasciné par l’inclusion de l’architecture dans les villes, il propose une exposition et un livre de référence sur Chicago en 1985, avant d’analyser les mutations de Barcelone dans la perspective des Jeux olympiques de 1992. Il crée également l’association « Patrimoine sans frontières » pour défendre le patrimoine, notamment urbain.
Familier des milieux festifs et homosexuels parisiens, Frédéric Edelmann fait partie des premiers lanceurs d’alerte face à l’ampleur de l’épidémie du SIDA dans les années 1980. Avec son compagnon Jean-Florian Mettetal, il répond à l’appel de Daniel Defert en 1984 : c’est la naissance de « Sida info services » et de l’association « Aides », qui marquent les débuts de la lutte contre le SIDA, de l’accompagnement des malades, de l’information, de la prévention. Aux côtés de ses camarades militants, il embrasse totalement cette nouvelle cause. Tout en continuant d’écrire dans « Le Monde », il se met à faire la tournée des boîtes de nuit pour distribuer tracts et préservatifs, il installe une permanence téléphonique à son propre domicile et il mobilise ses réseaux pour lever des fonds.
Particulièrement attentif à l’accompagnement des personnes séropositives pour qu’elles montent en compétence, il est un pionnier de ce qu’on appellera plus tard les « patients experts ». En 1987, il fonde ainsi « Arcat-Sida », d’où émane le « Journal du sida » l’année suivante, qui deviendra un média réputé pour sa précision et la qualité de son information médicale. Ce véritable regroupement d’expertise venue des patients eux-mêmes donne d’ailleurs naissance au TRT-5, collectif interassociatif autour de la recherche clinique et des avancées thérapeutiques, toujours actif aujourd’hui.
Avec l’arrivée des trithérapies en 1996, qui lui sauve la vie, Frédéric Edelmann a l’occasion de réaliser un rêve ancien : apprendre le mandarin. Tout en conservant intacte sa passion pour l’architecture, le voici qui se réinvente donc en spécialiste reconnu des mutations de la Chine contemporaine en ce début de XXIe siècle.
Avec son épouse Caroline Bagros, il continue de mener de front ses différents engagements, en affirmant toujours et avec la même résolution son goût assumé pour la vie. Pour son engagement et son apport à l’histoire de l’architecture contemporaine, il est décoré de la Légion d’honneur et de l’ordre des Arts et des Lettres.
J’apporte mes plus sincères condoléances à tous ses proches ainsi qu’à la rédaction du « Monde ».
Rachida DATI
Ministre de la Culture