A l’heure où toutes les enquêtes et études soulignent la concurrence accrue que les écrans font au livre chez les plus jeunes, c’est peu de dire que ce dernier a encore de beaux jours devant lui. On en veut pour preuve le succès des initiatives du ministère de la Culture, comme Biblis en folie, lancé en 2024, et tout dernièrement les nouvelles mesures destinées à la petite enfance : création d’un Prix du livre pour les bébés, remise d’une carte de bibliothèque au nom de l’enfant lors de sa naissance, reconnaissance du lien lecture et santé de l’enfant.
Autre preuve : le succès de « Partir en livre ». C’est la promesse, renouvelée chaque année, de milliers d’événements de proximité, partout en France, autour de la littérature jeunesse. En effet, c’est au moment où débute la grande coupure de l’été, du 18 juin au 20 juillet 2025, que la 11e édition de cette fête des jeunes publics ouvre, là où les enfants, les adolescents et les familles prennent des vacances, loin ou à proximité de chez eux. Ils peuvent ainsi s’offrir non seulement les plaisirs de la lecture mais encore ceux de la rencontre, sous toutes formes de hors-textes, contextes ou prétextes.
Le thème fédérateur de cette année 2025 est « Les animaux et nous », qui a donné l’occasion à l’illustratrice Julie Colombet de produire une fort belle affiche. Focus sur quatre événements emblématiques de cette proximité avec les publics.
Une fête du conte, du dessin et des bulles (de savon)
Dans la région Pays de la Loire, entre la Roche-sur-Yon et Bressuire, le pays de la Chataigneraie est une communauté de 14 communes (16 000 habitants). Avec l’Arentelle, son réseau de bibliothèques, elle accueille pour la première fois, le 5 juillet, le fameux festival pour la jeunesse du CNL, que Louis-Marie Briffaud, vice-président de la Communauté de Communes, et Charlotte Boutevillain, responsable du réseau Arentelle, ont « pensé localement, déclarent-ils en chœur au quotidien Ouest-France du 27 mars 2025, comme un moment fédérateur qui rend la lecture et la culture accessibles à tous. Le thème retenu dans notre territoire est le loup, dont l’image évolue dans le temps, passant du monstre au héros attachant des albums pour enfants. »
Le programme de cette journée en plein cœur de la Vendée offre un échantillon exemplaire de ce qu’est, partout en France, « Partir en Livre » : entrée gratuite, exposition, ateliers créatifs, spectacles et concerts, voyage sonore, vente de livres neufs et d’occasion, jeux, et bien sûr buvette, restauration, pique-niques à volonté. Ainsi, « Ebullitions », par exemple, spectacles de bulles de savon géantes tout public donnera lieu à une intéressante séance d’initiation à la formation de semblables bulles, prometteuse. Par ailleurs, l’autrice et illustratrice Emmanuelle Houssais sera l’invitée d’honneur de la journée : elle animera trois ateliers qui ouvriront de belles perspectives imaginaires aux enfants.
Sans pouvoir tout citer, notons également le spectacle du conteur Jérôme Aubineau, « Même pas peur ! », en duo avec le guitariste Basile Gahon, pour « swinguer gaiement, tous crocs et griffes dehors : il y aurait une fois des loups, beaux, gentils, méchants, des loups partout ! ». Une belle journée festive qui montre, ici comme ailleurs, le désir des organisateurs et des publics ruraux de s’emparer de ce festival.
Concerts dessinés, projections documentaires : les animaux, si proches et si lointains
Il suffit de consulter l’agenda de Partir en Livre pour trouver près de chez soi de quoi larguer les amarres : partir pour des lectures sans fins, pour des pays et des temps éloignés, pour la découverte de l’autre, et, cette année, celle « des animaux et nous ».
Donnons deux exemples de fusées parmi les nombreux événements labellisés « CNL ». Partons d’abord au Pays basque, à Ciboure, qui vient de rouvrir sa médiathèque désormais toute belle et toute neuve. Sur le fronton de Socoa, on pourra assister le 12 juillet, à un magnifique concert-dessiné. De quoi s’agit-il ? Sur un écran vidéo-projeté, la dessinatrice et animatrice Emilie Tarascou fait paraître « les êtres de la montagne, humains, animaux domestiques ou sauvages, proies ou prédateurs, pour un moment de trêve bienvenue », tandis que Simon Kansara, musicien, avec force flûtes irlandaises, banjo, mandoline, accordéon chromatique, violon, guitares, percussions, clavier, mélodica, xylophone, donne ses couleurs sonores à ce petit chef-d’œuvre de poésie.
Le même jour, à l’autre bout de la France, la Bibliothèque de Dunkerque-Centre projettera un documentaire fascinant : « Paroles d’animaux », de Jérôme-Cécil Auffret. Ce film fait le point sur les recherches scientifiques, qui ont depuis longtemps dépassé l’idée que les animaux ne communiqueraient que par instinct et sans conscience. Mais alors que se disent-ils ? C’est toute la question, celle du déchiffrage du langage animal. Une approche scientifique propre à enrichir chez chacun le démon de la curiosité, qui, lui aussi, nous conduit à ouvrir des livres !
La découverte tactile du monde de la BD
A quelques kilomètres de Saint-Etienne, cette fois c’est la Communauté de communes Loire Forez qui attire notre attention, et la médiathèque de Saint-Just-Saint-Rambert, où l’auteur de bandes-dessinées Alexandre Ilic animera un atelier « portrait manga en relief », le 20 juin.
Depuis sa prime jeunesse, ce dernier est sensible à l’engagement associatif et humanitaire. Il voit sa palette de dessinateur s’élargir lorsqu’un beau jour le Lions Club d’Antony lui propose de dessiner… pour les aveugles. Une gageure qu’il prend au sérieux : élaborer les techniques d’un dessin tactile à l’adresse des personnes souffrant de déficiences visuelles. « J’ai ainsi créé la première BD en relief pour aveugles, confie-t-il au magazine de Chilly-Mazarin, où il réside. Le succès a été immédiat, une association, L’image au bout des doigts (LIBD), a vu le jour et je suis devenu en quelque sorte un spécialiste du domaine. »
Une belle innovation entre toutes, réparatrice à plus d’un titre. Mais l’atelier de la médiathèque Loire Forez s’adresse aussi aux voyants. Il propose de créer un visage manga en occultant son sens visuel. Une expérience tout à fait nouvelle et sûrement déroutante pour la plus grande part du public.
Un événement littéraire qui fourmille d’animaux
À l’occasion de sa 11e édition qui se déroulera du 18 juin au 20 juillet 2025, Partir en livre (tout le détail ici) propose des milliers d’événements. 197 structures ont été labellisées cette année par le Centre national du livre. A chaque étape du Livrodrome (le parc d’attractions littéraires qui fait son tour de France pendant Partir en livre), des ateliers, des jeux, des défis, des spectacles et des performances, mais aussi des rencontres avec près de mille auteurs et illustrateurs seront proposées aux enfants et aux adolescents.
Marraine de cette édition 2025, Coco, la célèbre dessinatrice de presse de Charlie-Hebdo et Libération, se joint à la fête avec son dernier livre (Pauvres Bêtes !) où elle dénonce les mauvais traitements faits aux animaux.
« C’est très difficile de lire avec des écrans parce qu’on est sans arrêt en train de scroller, scroller, scroller, dit-elle. Avec un livre, on peut non seulement mieux se concentrer mais aussi mieux entrer dans l’histoire, dans le travail d’un auteur : on a un rapport physique avec cet objet de culture qu’est le livre. »
Un propos que ne dément pas le rappeur et chanteur Lord Esperanza, qui est le parrain de l’édition 2025.
Par ailleurs, le CNL propose un recueil de 10 nouvelles inédites autour du thème de cette année, rassemblant ainsi dix auteurs emblématiques de la littérature jeunesse.
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