À l’origine de la Fête de la musique en 1982, le ministère de la Culture participe lui aussi à l’événement en organisant, toute la journée, des concerts en accès libre sur une scène aménagée dans les jardins du Palais-Royal, conviant amateurs et professionnels. Tous les styles musicaux seront représentés avec une programmation éclectique qui couvre musique classique, rap, chanson française ou encore musiques du monde.
Une première partie sera réservée aux amateurs, de 13 heures à 16 h 45 avec tout d’abord les prestations des agents du ministère de la Culture puis, à 15 heures, celle de La Cité des Marmots avec une centaine d’enfants de Pierrefitte et Montreuil qui chanteront avec le groupe marseillais Temenik Electric. À 15 h 45, place aux cinq jeunes lauréats du Tremplin Pass Culture sélectionnés par un jury indépendant qui bénéficieront d’un accompagnement individuel et seront mis en relation avec des professionnels de l’industrie musicale, avant la fanfare « Les Muses tanguent » de la Grande masse des Beaux-Arts, à 16 h 15.
Puis, pour la seconde partie dès 19 heures, les professionnelles fermeront le bal. Proquartet – avec le quatuor Confluence – la rappeuse Eesah Yasuke et la chanteuse Mentissa sont prévus dans le Domaine national du Palais-Royal. Zoom sur cette programmation féminine et fédératrice.
Proquartet et le quatuor Confluence mettent les compositrices à l’honneur
Ce sont trois compositrices de musique classique qui seront mises à l’honneur le soir de la Fête de la musique. Tout d’abord Germaine Tailleferre, membre du « groupe des six » au XIXe siècle, et à l’œuvre encore méconnue. Puis Dobrinka Tabakova, compositrice britanno-bulgare contemporaine de musique de chambre. Enfin Alicia Terzian compositrice et cheffe d’orchestre argentine. Ces trois créatrices seront jouées par Confluence, l’un des ensembles accompagnés pendant l’année par Proquartet, composé de Charlotte Saluste-Bridoux, Lorraine Campet, Pierre-Antoine Codron et Antonin Musset. « C’est l’un des quatuors les plus prometteurs parmi les jeunes quatuors français sur la scène musicale internationale. Ils sont à l’orée d’une carrière extraordinaire, lance Charlotte Bartissol, directrice de Proquartet depuis 2021 et pour qui l’événement est quasi une première en tant que professionnelle. La Fête de la musique est un moment où je fais en sorte que les musiciens professionnels se mettent de côté pour laisser la place à tous ces musiciens amateurs qui font de cette fête ce qu’elle est : de la musique plein les rues, avec des niveaux hétérogènes qui nous amusent ou nous émerveillent. »
Créé en 1987, Proquartet – le Centre européen de musique de chambre – accompagne les jeunes ensembles professionnels dès leur sortie des conservatoires nationaux supérieurs. « Il se passe des choses assez merveilleuses dans ces établissements où on voit émerger des talents magnifiques. Mais cela ne suffit pas : la musique de chambre consiste à prendre forme ensemble petit à petit. Il faut du temps, de l’espace pour travailler et développer l’organisation de son début de carrière », poursuit Charlotte Bartissol. Pendant deux ans, Proquartet apporte ainsi des conseils et un accompagnement complet pour « polir ces diamants bruts ». Ils peuvent bénéficier de master class avec des musiciens renommés, de cours, ainsi que d’ateliers très pratiques pour prendre connaissance de l’écosystème dans lequel ils vont évoluer. La transmission tient une place importante avec un système de parrainage et de marrainage pour chaque promotion.
Proquartet vient également en soutien aux amateurs, majoritairement formés dans les conservatoires. « Mais après, quand ils ont terminé le conservatoire, cela devient difficile pour eux de pratiquer la musique de chambre », souligne Charlotte Bartissol. Pour eux, le centre propose de mettre en relation des musiciens en quête de partenaires pour former un ensemble et propose des stages et scènes ouvertes où ils travaillent avec de très grands chambristes. Enfin Proquartet met l’accent sur la sensibilisation de nouveaux publics à la musique de chambre, et notamment les jeunes. « C’est un répertoire franchement merveilleux, poursuit Charlotte Bartissol. Une des clés est de faire rencontrer notre public avec de jeunes artistes. Quand ils voient leur simplicité et qu’ils sont absolument comme tous les autres jeunes, les barrières tombent. »
À 19 h 10 dans les jardins du Palais-Royal
Eesah Yasuke, la Prophétie se réalise
Un EP – appelé Prophétie – sorti le 26 mai dernier, un concert aux côtés d’Oxmo Puccino lors du dernier Printemps de Bourges… L’année 2023 s’annonce prometteuse pour la rappeuse Eesah Yasuke, également tête d’affiche du concert dans les jardins du Palais-Royal, où elle présentera un set d’une heure avec un DJ aux platines et un danseur. « Ce que je propose en live est assez différent de mes albums : on peut retrouver la version originelle du morceau pour certains et des remix pour d’autres. Pour moi, la scène est le moment opportun pour proposer autre chose et surprendre le public. »
Eesah Yasuke a commencé à écrire à l’âge de 14 ans, alors qu’elle vivait en foyer. « J’écrivais sur tout, j’avais besoin de m’exprimer sur ce que j’ai vu et vécu. » Après avoir délaissé l’écriture un temps, elle redécouvre ce plaisir il y a quatre ans, alors qu’elle travaille comme éducatrice spécialisée auprès de personnes en situation de grande précarité et d’exclusion. « J’ai toujours baigné dans les livres et dans l’amour des mots mais quelque chose se passe à ce moment-là et ça déclenche de nouveau ma plume. » Elle rencontre alors le beatmaker Chief Waxy avec qui elle créé son tout premier EP Cadavre Exquis. En parallèle, son entourage lance une cagnotte pour qu’elle puisse enregistrer ses premiers morceaux en studio. « J’écris ce premier projet pendant la période du covid et cette pause imposée me fait du bien. Je rappe, je chante, je décide de me consacrer à 100 % à la musique sans vraiment savoir ce que je veux, si ce n’est rendre un projet à la hauteur de mes exigences. C’est pour cela que mon EP s’appelle Prophétie : tout ce qui a découlé de la sortie de ce projet était écrit, faisait partie de mon destin. »
Son amour de la littérature et de l’écriture s’accompagne d’une culture musicale éclectique, qui mêle musique africaine, riffs de guitares et même interlude au piano. « Cela offre une idée du panel de musique que je peux écouter ! J’écoute plein de choses qui n’ont rien à voir les unes avec les autres et cela se ressent dans ma musique. » Pour la pochette de son album, Eesah Yasuke a fait appel à la sculptrice Anne Requillart qui a créé le visage de la rappeuse en argile. « La prophétie est pour moi quelque chose d’écrit mais en processus. La sculpture, l’idée de la forme brute qui peu à peu se façonne avec l’expérience et les épreuves de la vie forment qui je suis aujourd’hui. Je ne voyais pas d’autres manières de le signifier. » Elle tire son pseudo de Yasuke, premier samouraï noir arrivé au Japon au XVIe siècle et originaire du Mozambique. « Son parcours m’a vraiment touchée dans une époque où l’esclavage était légal. Ce qui me parle, c’est son parcours initiatique, son élévation : de sa condition d’esclave il en ressort un samouraï respecté de tous. » En plus de Prophétie, la rappeuse multiplie les projets : elle vient de jouer son propre rôle dans le court-métrage Dans tes yeux morts et de s’atteler à un livre qui reviendra sur son parcours et qu’elle prévoit d’adapter au cinéma. « Mon histoire pourrait parler à beaucoup de gens. Plus jeune, j’aurais aimé voir une personne avec un parcours similaire au mien. »
À 20 heures dans les jardins du Palais-Royal
Mentissa raconte sur scène sa Vingtaine
La Fête de la musique est une grande première pour cette artiste belge, même si chez Mentissa, « la musique se célèbre tous les jours ». Depuis l’âge de 14 ans, la chanteuse vit sous l’œil des caméras : tout d’abord celles de The Voice kids de son pays natal, dont elle remporte la première édition en 2014. Puis celles de sa version adulte, en Hollande et en France. « Avoir fait un télécrochet aussitôt, à l’âge de 14 ans, ça met dans le bain, dans le monde adulte, résume-t-elle. The Voice kids m’a beaucoup aidée et donné cette confiance. Les autres n’ont fait que confirmer que j’étais faite pour être sur scène. Pour moi, ce sont comme des formations qui m’ont permis d’acquérir beaucoup d’aisance. »
C’est lors de la saison 10 de l’édition tricolore que le grand public français la découvre. Enrôlée dans l’équipe de Vianney, elle atteint la finale. Qu’importe si elle ne gagne pas, son duo avec son coach fait des étincelles « Aujourd’hui, nous avons dépassé cette relation élève-mentor pour devenir amis. J’ai régulièrement besoin d’avoir son avis car c’est une personne que j’admire beaucoup. Il est humain et j’aspire à être la même personne que lui. » L’artiste lui a notamment composé Et bam, l’un de ses tubes et lui propose de faire la première partie de sa tournée. « En le voyant avec ses équipes, je me suis dit que je voulais être comme ça aussi, dans la simplicité malgré le succès. Il restera toujours un exemple et une source d’inspiration pour moi. Il m’a toujours dit qu’il ne fallait pas prendre les choses trop au sérieux. Il lâche prise assez facilement alors que je suis à l’inverse assez perfectionniste. »
En novembre dernier paraît La vingtaine, son premier album, dans lequel elle a voulu raconter son état d’esprit actuel, « celui d’une jeune fille de 24 ans qui rentre dans ce monde qu’elle ne connaît pas du tout, avec ses doutes, mais aussi cette force et cette persévérance ». Parmi les thèmes abordés, celui du temps qui passe ou encore son rapport à son poids dans le titre Balance. « C’est un combat que je mène depuis longtemps. Le rôle d’un artiste est d’émouvoir, faire danser mais aussi de guérir. Certaines musiques que j’écoute m’ont permis de me délester de plein de choses et c’est en retour ce que j’ai envie d’être pour ma génération. S’accepter telle que l’on est, c’est tellement difficile aujourd’hui et c’est un combat que je continuerai de porter tout au long de ma carrière. »
Ce début de carrière à toute allure lui a valu cette année une nomination aux Victoires de la musique, dans la catégorie Révélation féminine. Elle chante ce soir-là sur scène en compagnie de Serge Lama pour lui rendre hommage. « J’ai accueilli cette nomination avec beaucoup de fierté car quand on débute, on n’a pas forcément confiance et il faut prouver que l’on a sa place. Elle m’a donc permis de réaliser que je rentrais dans la cour des grands et que j’étais en quelque sorte validée par les professionnels de la musique. »
À 21 heures dans les jardins du Palais-Royal
Une Fête de la musique pour la première fois chansignée
Le ministère de la Culture a mis en place cette année une nouveauté pour ce concert au Palais-Royal : les textes, rythmes et énergie seront pour la première fois chansignés par les membres du collectif INTEGRAAL. Il s’agit d’une performance complexe consistant à traduire en direct des œuvres musicales déjà existantes ainsi que l’intégralité des interactions autour de celles-ci en langue des signes française tout en respectant les intentions de l’artiste et le rythme de l’œuvre. Le collectif a ainsi travaillé en amont avec les artistes du concert afin de traduire au mieux leurs chansons avec une recherche approfondie du contexte de création des œuvres et une réelle immersion musicale
Cette nouveauté réaffirme l’engagement du ministère de la Culture en faveur d’un égal accès à la musique pour tous. À travers cet événement musical bilingue, il garantit l’accessibilité au lieu de représentation et permet aux personnes sourdes et malentendantes d’assister aux concerts des artistes professionnels.
Accès au concert par la place Colette et la rue de Montpensier.
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