C’était le 15 avril 1874, dans les anciens ateliers du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris. Berthe Morisot, Edouard Degas, Claude Monet ou encore Auguste Renoir se rassemblaient sous forme de société anonyme coopérative pour ouvrir la première exposition impressionniste, un mouvement qui allait changer à jamais le cours de l’histoire de l’art.
En 2024, le 150e anniversaire de cette première exposition va être célébré bien au-delà de Paris. Le musée d’Orsay, qui abrite la plus vaste collection au monde d’œuvres de ce mouvement, va en effet prêter pendant plusieurs mois 178 de ses tableaux couvrant un large spectre temporel, allant même puiser dans les périodes pré et post-impressionnistes avec des tableaux de Daubigny ou Manet et jusqu’à Bonnard. Ces œuvres vont quitter les quais de l’ancienne gare pour voyager dans 34 musées partout en France. Parmi eux, le MUba Eugène Leroy à Tourcoing, suite de notre série.
Représentations de paysages enneigés
Il s’agit du plus gros contingent d’œuvres prêtées par le musée d’Orsay. Près de 57 tableaux signés Monet, Sisley, Renoir, Pissarro ou Cézanne ont rejoint le MUba Eugène-Leroy, le musée des Beaux-Arts de Tourcoing, dans le cadre de l’exposition « Peindre la nature. Paysages impressionnistes du musée d’Orsay », jusqu’au 24 juin prochain. Une opportunité exceptionnelle, fruit d’un travail de plusieurs mois entre les deux établissements nordiste et parisien. Le MUba collabore une nouvelle fois avec une institution nationale, après l’Institut du monde arabe et le Musée Picasso Paris. « L’objectif est de profiter du levier qu’apportent ces institutions, d’asseoir le rayonnement du musée et de la ville et faire venir un public toujours plus large et diversifié. Pour nous, cette exposition est un véritable fer de lance », lance Mélanie Lerat, directrice-conservatrice du MUba.
Le paysage, thème central de la révolution impressionniste, est au cœur de cette exposition qui suit un ordre chronologique allant de 1850 à 1920. « Cette exposition a une dynamique : elle part des prémices de l’impressionnisme jusqu’aux filiations », confirme Mélanie Lerat. Elle va en effet piocher tour à tour chez les artistes de l’école de Barbizon, le néo-impressionnisme de Seurat et Signac et les Nabis. « Le paysage est au cœur de la révolution impressionniste par les sujets, qui marquent une rupture avec la peinture de salon, avec des scènes de canotage ou de voile très pittoresques. C’est aussi une nouvelle manière de peindre avec cette touche fragmentée pour saisir le côté fugace. » Le paysage est traité sous tous ses angles (la Seine, les campagnes, les jardins…) avec des scènes hivernales de neige qui posent la question de la représentation du blanc.
Les abstractions de Monet et Eugène Leroy
Installé dans le centre-ville de Tourcoing, le MUba accueille des peintures et œuvres d’art graphique du XVIIe siècle à nos jours. Le musée possède la particularité de ne pas avoir de salle permanente et de changer les accrochages tous les ans voire tous les six mois autour d’une nouvelle thématique pour mieux faire dialoguer les époques, les techniques et les genres. Une nouvelle sélection, là encore sur le thème du paysage, a été opérée qui dialoguera avec les chefs-d’œuvre impressionnistes prêtés. Les œuvres seront présentées dans un parcours libre, comme une sorte d’épilogue. L’occasion de remettre en perspective les collections et de montrer que le paysage permet de rapprocher des œuvres.
Un focus sera notamment fait sur les liens entre Claude Monet et Eugène Leroy, peintre du XXe siècle né à Tourcoing et figure tutélaire du musée depuis la donation reçue en 2009 de 400 de ces tableaux, dessins ou gravures. Deux tableaux seront au cœur de ce segment : Saule Pleureur, chef-d’œuvre tardif de Monet et L’Homme au printemps rouge d’Eugène Leroy datant de 1990. « Sa recherche de sensations colorées, ce questionnement autour des couleurs, de la lumière, de l’empâtement était un éclairage assez intéressant et une manière de valoriser le travail d’Eugène Leroy. »
Outre Tourcoing, ce 150e anniversaire de l’impressionnisme se fête dans tout le nord. Trois musées – celui de Tourcoing mais aussi le palais des Beaux-Arts de Lille et La Piscine de Roubaix - s’unissent dans un « printemps impressionniste » pour favoriser la mobilité des publics. Une programmation dédiée a été imaginée, ainsi que des animations avec les médiathèques, écoles d’art, conservatoires, salles de spectacles partenaires qui bénéficient de cartes blanches avant l’organisation d’un grand déjeuner sur l’herbe les week-ends du 1er et du 8 juin. Une manière de faire résonner l’impressionnisme à l’échelle de toute une métropole.
Les 150 ans de l’impressionnisme également à Orsay
Le musée d’Orsay invite à replonger dans ses chefs-d’œuvre avec « Paris, 1874. Inventer l’impressionnisme », jusqu’au 14 juillet prochain. Cette exposition comptera près de 130 œuvres, dont des « incontournables » de Monet, Renoir, Morisot, Sisley ou Pissarro. Cette exposition sera ensuite présentée à la National Gallery of Art de Washington à partir du 8 septembre. En parallèle, le musée proposera une véritable immersion dans la soirée d’inauguration de l’exposition de 1874 avec « Un Soir avec les impressionnistes », une expérience en réalité virtuelle qui permet, pendant 45 minutes, de remonter le temps grâce à une reconstitution de la soirée du 15 avril. Un cycle de conférences accompagne pour aborder l’impressionnisme sous un angle neuf et un colloque international, organisé les 16 et 17 mai avec la Fondation de l’université Paris Nanterre, explorera les formes actuelles du mouvement artistique.
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