Archiviste paléographe, Dominique Rouet devient conservateur en chef des bibliothèques en 1999. A ce titre, il dirige aujourd’hui un réseau particulièrement dynamique de lecture publique, Lire au Havre. Chargé pendant plusieurs années de la conservation et de la valorisation des fonds patrimoniaux de la Bibliothèque municipale du Havre, il est l’auteur de plusieurs ouvrages, articles et catalogues d’expositions qui valorisent le patrimoine de la bibliothèque. Il a par ailleurs participé à la rédaction de la Charte de la conservation dans les bibliothèques.
Une expérience dont il entend faire profiter les États Généraux de la lecture pour la jeunesse (EGLJ), une initiative lancée le 3 juillet 2025 par le ministère de la Culture. L'objectif de ces États Généraux ? Comprendre le rapport des jeunes à la lecture, notamment les freins et obstacles. En qualité de membre du comité de pilotage des États Généraux, il a accepté de répondre à nos questions.
La littérature jeunesse revêt une importance particulière dans votre pratique professionnelle. Pouvez-vous nous en parler ?
En tant que directeur d’un réseau de lecture publique, au Havre, mais aussi en tant qu’animateur de la politique municipale en faveur du livre et de la lecture, la question de la lecture et de son libre accès, notamment pour les jeunes, est au cœur de mon activité. Citons, à titre d’exemple, les actions que nous développons en faveur de la petite enfance. Nous nous efforçons, avec l’équipe des bibliothécaires municipaux mais aussi avec d’autres acteurs municipaux ou associatifs dont l’implication est exemplaire, de promouvoir un accès à la lecture pour les tout-petits et leurs parents.
La formation des bibliothécaires, des personnels des crèches, mais aussi des parents favorise une sensibilisation à la lecture dès le plus jeune âge. Cela dit, le livre et la lecture peuvent être aussi de formidables vecteurs de lien : c’est évident en ce qui concerne le petit enfant et son parent et on l’expérimente également lorsqu’on crée des clubs de lecture en bibliothèque, qu’ils réunissent des adolescents, ou des lecteurs adultes. Ce lien et ce partage sont précisément ce que ces lecteurs apprécient. Ces expériences, nous les vivons constamment dans les bibliothèques ; mais elles concernent souvent ceux qui aiment déjà lire.
Pour toucher d'autres publics, nous proposons des actions de médiation « hors des murs » des bibliothèques. Là encore, travailler avec d’autres collègues, avec les centres de loisirs, les structures sociales est fondamental pour toucher le public d’une part, et pour former les collègues qui ne seraient pas encore convaincus qu’ils soient concernés par la lecture d’autre part.
Les EGLJ ont été conçus pour remettre la lecture au cœur des pratiques culturelles des jeunes. Sur le sujet des jeunes et la lecture, quels enseignements tirez-vous de votre expérience en tant qu’acteur des EGLJ ?
Il existe beaucoup d’initiatives pour favoriser la lecture. L’un des enjeux majeurs de ces États généraux est de trouver la bonne façon de fédérer ce foisonnement de projets, d'initiatives. Les adolescents d’aujourd’hui s’inscrivent dans une époque où les notions de diversité, d’individu, mais aussi de communauté sont des sujets centraux. En ce sens, laisser l’initiative au jeune et éviter de le dévaloriser dans ses choix de lectures me semble fondamental. Il me paraît difficile de leur faire découvrir que la lecture est un plaisir en leur imposant des choix de lecture… Enfin, puisqu’on parle de lecture et des jeunes, il faut se garder d’envisager la question avec des œillères qui empêcheraient d’élargir le spectre : quel exemple les adultes donnent-ils aux jeunes dans cette question d’utilité publique ?
Les EGLJ accordent une place particulière à la parole des jeunes. Y a-t-il des échanges qui vous ont frappé ?
Donner la parole aux jeunes est une initiative forte, constitutive de ces États Généraux. A cet égard, une intervention m’a particulièrement frappé : un adolescent a souligné, non sans verve, que questionner le rapport des jeunes à la lecture pouvait être ressenti comme une stigmatisation des adultes vis-à-vis de ces derniers. Cette remarque ne m’a pas paru dénuée d’une certaine pertinence… Une autre intervention mettait en évidence que le fait de s’assumer lecteur parmi ses pairs n’était pas toujours évident pour un adolescent, voire que cela pouvait être dévalorisé – contrairement par exemple à la pratique des jeux vidéo. La notion de genre a par ailleurs été abordée : un garçon lecteur n’est pas nécessairement une norme sociale.
Événement à venir : Simon Chevrier et Bérénice Pichat à la bibliothèque Oscar Niemeyer
Partager la page
