Quiconque connaît l’ancrage territorial de la pratique artistique du chorégraphe Salia Sanou – à Montpellier quand il faisait partie de la troupe de Mathilde Monnier, à Saint-Brieuc à travers la scène nationale dont il a été artiste associé, à Pantin quand il était en résidence au Centre national de la danse, et aujourd’hui à La Roche-sur-Yon, à la Scène nationale du « Grand R », dont il est de nouveau artiste associé – n’est pas surpris qu’il soit une des têtes d’affiche de Pays de Montbéliard Agglomération, Capitale française de la culture 2024.
« En raison de mon parcours, celui d’un danseur parti de son village pour la capitale du Burkina Faso, puis de là vers l’Europe, c’est dans ma nature d’être dans cette quête d’enrichissement mutuel en m’appuyant sur le territoire traversé », explique le chorégraphe dont l’exploration dès 1995 d’une nouvelle danse contemporaine africaine en duo avec Seydou Boro porte la trace de ce « va et vient » originel. « D’un côté, on laisse sa trace sur ce territoire. De l’autre, dans un mouvement de réciprocité, on est marqué par la vie de ces territoires. C’est ce qui nourrit depuis toujours mon acte de création, que ce soit à travers des projets participatifs avec des amateurs et des professionnels ou des rencontres avec des conservatoires ».
Sourire à l’autre, s’ouvrir à l’autre
Sourire à l’autre, s’ouvrir à l’autre, le projet, présenté conjointement par le chorégraphe et MA scène nationale, dans le cadre de la Capitale française de la culture a été initié au « Grand R » il y a deux ans. Il s’agit « d’un projet qui questionne le vivre-ensemble dans le milieu scolaire en partant de la devise inscrite au fronton de toutes les écoles : Liberté, Égalité, Fraternité », explique le chorégraphe. Tout commence avec un spectacle, Papa Tambour, un poème de Capitaine Alexandre chorégraphié par le danseur : « Quand j’arrive, on pousse les tables ensemble, on configure l’espace du spectacle ensemble, puis je présente le spectacle aux enfants avant d’entamer un dialogue avec eux : qu’est-ce que ça signifie de s’ouvrir à l’autre ? Nous réalisons des ateliers très simples : on imagine des mots, on les danse, on les chante ». Les ateliers prolongent donc le spectacle. « Quand ils voient le spectacle, les enfants sont transportés dans des imaginaires. Ils sont sollicités par des mots et des chansons. À la fin ils sont invités à esquisser des pas de danse. Ils sont donc à la fois spectateurs et acteurs du spectacle. Les ateliers sont précisément l’occasion de continuer à travailler sur cet imaginaire pour amener les enfants à produire eux-mêmes le spectacle qui sera donné en avril en clôture de ces ateliers ».
Ce projet, conduit dans quatre classes, s’adresse à une soixantaine d’élèves de deux écoles différentes : « La première est dans un quartier en périphérie, l’autre, au centre de la ville, ce sont donc deux écoles marquées par le profil des parents, avec des atmosphères différentes. Tout l’enjeu est de tisser des passerelles et des liens, de faire en sorte que tout se croise et aille ensemble dans une certaine harmonie et complémentarité ».
Un voyage dans une autre dimension
Parallèlement, le chorégraphe s’apprête à donner à Valence puis à Niort les dernières représentations D’un rêve, comédie dansée qui mélange joyeusement la danse, le chant et la musique conçue en hommage au célèbre discours de Martin Luther King : « I have a dream ». Il a voyagé avec elle sur les routes de France et d’ailleurs une centaine de fois avant cela. « Je pars du rêve de Martin Luther King pour montrer que cette parole est toujours d’actualité et même aujourd’hui plus que jamais avec tout ce que le monde traverse. On revisite ce texte dans toutes ces dimensions, historique, mémorielle, avec le corps noir transporté, déporté de continent en continent, les champs de coton, mais aussi la liberté de partir, de revenir, le soleil qui se lève et brille pour tout le monde. Il y a à la fois la question de la mémoire, du vécu, mais aussi la projection vers l’avenir. Qu’est-ce qui nous unit en bien, qu’est-ce qui est porteur d’espoir et que l’on peut transmettre aux générations futures ? ».
Preuve que la collaboration avec MA scène nationale est depuis quatre ans « belle, et fructueuse », c’est à Montbéliard que le chorégraphe va répéter son prochain spectacle, une création avec six interprètes féminines sur une musique de Bach. « Je déplace de nouveau le regard ailleurs », conclut le chorégraphe dont le geste artistique autant que l’humanité, salués par Yannick Marzin, puisent dans ses deux terres, natale et d’adoption.
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