C’était l’une des recommandations fortes des États généraux des festivals, un événement qui s’est tenu en 2020 sous l’égide du ministère de la Culture : mieux connaître la nature – et l’étendue – du « fait festivalier », qui a considérablement évolué ces dernières années avec un foisonnement d’événements, de nature et de taille très diverses, répartis aussi bien dans les départements urbains que ruraux.
C’est chose faite à présent avec un ambitieux projet de cartographie, qui dresse une véritable « carte d’identité » de l’ensemble des festivals qui se sont tenus en France en 2019, année de référence avant la crise sanitaire. « Ces 7 300 festivals sont de taille et d’envergure très variées, expliquent les auteurs de Cartographie nationale des festivals, l’étude menée par le Département des études de la prospective, des statistiques et de la documentation du ministère de la Culture, le Cepel et l’A., agence culturelle Nouvelle-Aquitaine et cartographiée par Stéphane Coursière. Certains comptent plusieurs dizaines de propositions différentes, quand d’autres s’apparentent plus à une fête de village inscrite dans une démarche artistique ou culturelle. Cette grande diversité forme la richesse du fait festivalier, qui s’est développé à la faveur des politiques culturelles menées à partir de 1981, en mettant à l’honneur la dimension événementielle et son aspect festif. »
Une offre festivalière tournée vers le soleil et le littoral
Premier enseignement : la répartition des festivals est majoritairement tournée vers le soleil et le littoral. Parmi les 7 300 festivals recensés en 2019 par l’étude, un grand nombre d’entre eux se concentre dans le sud de la France : les régions Auvergne-Rhône-Alpes, PACA et l’Occitanie comptent chacun plus de 900 festivals, 830 pour Nouvelle-Aquitaine. « On observe un effet d’héliotropisme et d’attractivité du soleil en matière d’implantation festivalière », explique Edwige Millery, chargée d’études au ministère de la Culture (DEPS). Ces quatre régions – qui représentent près de la moitié des événements recensés – sont notamment pionnières dans plusieurs disciplines : festival d'Avignon pour le spectacle vivant, Vienne pour le jazz, les Chorégies d’Orange, le festival de Cannes ou encore Montpellier Danse…
En rapportant ce nombre de festivals par rapport à la population, d’autres phénomènes apparaissent puisque cette fois-ci la Corse est la région la mieux dotée avec 20 festivals pour 100 000 habitants, suivie par la région PACA (19) et la Bretagne (18), ce qui confirme l’attrait pour les littoraux. À noter la densité de l’offre en Guadeloupe, qui compte 12 festivals pour 100 000 habitants. À l'échelle départementale, ce tropisme littoral se confirme encore avec une forte densité d’événements dans les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, les Pyrénées-Orientales ou encore le Finistère.
Des festivals souvent nés lors de la dernière décennie
Aujourd’hui, seuls 3 % des événements ont été fondés avant 1980, décennie prolifique en matière de création d’événements. « Avant ces années, la création de festivals correspond à des aventures individuelles avec une implantation territoriale variable, dans des villes ou dans des espaces ruraux. Au cours des années 80, on observe une amplification qui coïncide avec la décennie Lang où la culture est vécue comme une fête. La dimension événementielle est favorisée et valorisée. On est également dans un contexte de décentralisation suite aux lois Deferre de 1982-83 : chaque collectivité s’empare du fait festivalier et il y a un effet mimétique de vocation à créer des festivals », rappelle Edwige Millery.
Au cours des années 90, cette diffusion à l’échelon des collectivités locales se poursuit avec une montée en puissance des musiques actuelles et la naissance de grands événements tels que les Vieilles Charrues ou les Eurockéennes de Belfort. Mais les années 2000 vont marquer un léger coup d’arrêt avec un essoufflement des financements publics de la culture d’une part et une incertitude plus générale concernant l’économie des pays occidentaux de l’autre. « Malgré tout, on voit toujours une intensification de la dynamique festivalière avec l’élargissement des esthétiques aux arts de la rue à Chalon, à l’électro ou aux arts visuels », complète Edwige Millery.
Depuis 2010, la dynamique festivalière s’est particulièrement emballée : près de la moitié des festivals dénombrés en 2019 ont été créés dans la dernière décennie. « Cela témoigne d’un fort renouvellement, poursuit Edwige Millery. On observe également que l’augmentation du nombre de festivals est combinée avec l’élargissement des disciplines. » L’ensemble des collectivités – métropoles, départements urbains, mondes ruraux – ont désormais leurs propres événements issus par exemple d’anciennes fêtes de village. « C’est la fin de l’exception festivalière qui crée une problématique nouvelle, celle de la distinction des événements les uns par rapport aux autres », ajoute Emmanuel Négrier, directeur du Centre d’études politiques et sociales (Cepel) à l’université de Montpellier.
Festival rime avec estival
La période estivale, plus propice aux événements en plein air, est la plus plébiscitée puisque quatre festivals sur dix ont lieu pendant la belle saison. Les régions du sud de la France sont une fois de plus particulièrement concernées par cette « géo-saisonnalité », les festivals étant souvent synonymes d’attractivité touristique pour ces territoires. En revanche, le nord de la France préfère une programmation hors-saison, comme l’Île-de-France, où 44 % des festivals ont lieu avant l’été, contre un sur cinq pendant la saison des vacances, et les Hauts-de-France, où seulement 25 % des festivals ont lieu au cours de la saison estivale. « Cela s’explique par le climat mais aussi l’urbanité de ces territoires : dans les grandes villes et les métropoles, les festivals ont lieu plutôt hors saison », souligne Edwige Millery.
Cette prépondérance du choix de l’été n’est pas sans poser des problèmes de saturation de l’espace événementiel et donc de concurrence, ce qui conduit les programmateurs à se tourner hors de cette saison. « On voit également des liens avec les acteurs culturels et sociaux implantés dans les territoires avec une programmation hors saison. Les festivals s’inscrivent de plus en plus dans ces nouveaux temps de la festivalisation », explique Edwige Millery. Exemple dans certains départements ruraux du centre de la France (le Cantal, l’Allier, la Nièvre…), où l’avant-saison prend plus de poids grâce à une contractualisation avec les acteurs culturels locaux.
Une domination de l’offre musicale
La cartographie confirme l’importance de la musique dans l’offre festivalière, qui domine dans toutes les régions (44 % de l’offre), notamment en Bretagne où elle représente plus de la moitié des festivals. « Cette domination est beaucoup plus importante dans cette région compte tenu des traditions musicales plus fortes que dans le sud », selon Emmanuel Négrier. La musique est bien souvent la porte d’entrée pour les créateurs de festivals avant que ceux-ci ne s’ouvrent à de nouvelles disciplines.
Pour compléter le podium, deux autres disciplines : le spectacle vivant (22 %) et la littérature (12 %). Avec deux exceptions notables en Occitanie et en Île-de-France où les festivals littéraires sont moins importants au profit du cinéma et de l’audiovisuel. L’échelon départemental confirme ce trio de tête avec une musique dominante sauf dans les Pyrénées-Atlantiques, la Haute-Vienne et le Cantal où le spectacle vivant arrive en tête.
Les chiffres clé de l’étude
- 7 300 festivals ont connu une édition en 2019
- Près de la moitié des festivals ont été créés au cours de la dernière décennie
- La musique arrive en tête de l’offre avec 44 % des festivals, suivie par le spectacle vivant (22 %), le livre et la littérature (12 %), le cinéma (9 %), les festivals pluridisciplinaires (6 %) et les arts visuels et numériques (5 %)
- Près de quatre festivals sur dix ont lieu en été
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