A l’occasion de la troisième édition des États généraux des festivals, la ministre de la Culture a présenté « la nouvelle stratégie de l’État en faveur des festivals ».

Dernier acte de la démarche lancée il y a un an, la troisième édition des États généraux des festivals, qui s’est terminée le 1er décembre, à Toulouse, a tenu toutes ses promesses. Comme pour les précédentes éditions qui se sont tenues à Avignon et à Bourges, son succès a résidé dans une méthode inédite, celle du dialogue et de la concertation avec l’ensemble des professionnels de la filière : État, collectivités territoriales, organisateurs et artistes.

C’est déjà cette méthode, basée sur l’échange et la co-construction, qui a permis la tenue de la saison 2021 des festivals, avec la création par le ministère de la Culture d’un fonds exceptionnel dédié, doté de 30 M€. Ce fonds a accompagné les festivals dans leur adaptation au contexte sanitaire et a contribué à la sauvegarde de l’écosystème festivalier français.

En clôture de la troisième édition des États Généraux, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Culture, a présenté la « nouvelle stratégie de l’État en faveur des festivals », qui repose sur trois piliers : une observation « pérenne » des festivals sur la base d’une étude réalisée tous les trois ans par le département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation du ministère de la Culture ; la promotion des festivals durables, définis et encadrés par une « Charte de développement durable pour les festivals », dont la ministre a salué « l’ampleur des engagements » ; enfin, un soutien accru et plus lisible en faveur des festivals, détaillé dans des « Principes d’engagement de l’État en faveur des festivals » (voir encadré).

Un renforcement de l’observation des festivals

Avec la cartographie détaillée de huit régions menée par France Festivals et le CNRS et les résultats de l’étude Festival, territoire, société, publiée par le département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation du ministère de la Culture et les Presses de Sciences Po, c’est tout un pan de la réalité des festivals, jusqu’alors « mal connu », qui est en train d’être dévoilé. Cet important chantier d’« observation », qui devrait aboutir au printemps 2022 avec la cartographie de l’ensemble des régions et territoires français, constitue la première priorité des États Généraux des festivals.

Premier enseignement de ces travaux : les festivals connaissent une « dynamique croissante ». Cartes à l’appui, Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS, et auteur, avec le sociologue Aurélien Djakouane, de l’étude Festival, territoire, société réalisée auprès de 1400 festivals, distingue, pour chacune des huit régions littorales traitées, trois périodes distinctes : après une période de stabilité relative, le chercheur relève, notamment en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, une « croissance générale de la festivalisation » dans les années 1990 et plus encore dans les années 2000. Cette tendance, qui contribue à l’aménagement du territoire, continue à s’accentuer depuis 2010.

Des données que confirme Edwige Millery, responsable des publications et de la valorisation au département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation du ministère de la Culture en présentant l’Atlas de la culture des territoires. Prochainement accessible, cette publication référencera l’ensemble de l’offre culturelle de façon inédite, permettant à ceux qui le consulteront de croiser les données, par exemple l’offre de festivals avec les professions culturelles et les entreprises culturelles. D’un point de vue quantitatif, « on dénombre [aujourd’hui] 985 festivals en Occitanie, 945 en Provence-Alpes-Côte d'Azur et 825 en Nouvelle-Aquitaine », commente-t-elle, dont plusieurs sont des événements particulièrement « emblématiques », comme le festival d’Avignon.  

Parmi les autres enseignements de l’atlas, elle relève que « festivalisation rime avec métropolisation », Toulouse et Montpellier représentent ainsi plus de 20% de l’offre en Occitanie ; que « festivalisation rime avec musicalisation », plus de quatre festivals sur dix sont des festivals de musique (souvent de musiques actuelles) ; enfin, que « festivalisation rime avec irrigation culturelle des territoires » avec notamment l’exemple emblématique du festival de Chayoles dans les Hautes-Alpes.

Existe-t-il une saison privilégiée pour les festivals ? Habituellement, a constaté Thomas Vriet, responsable du Pôle Observation-ressources de l’A., l’agence culturelle Nouvelle-Aquitaine, la saison privilégiée « c’est l’été mais on constate aujourd’hui une tendance à aller au-delà de la saison estivale et même une inscription toute l’année, cette saisonnalité n’ayant bien sûr pas la même définition en Martinique et en Guadeloupe ». La question du réchauffement climatique est également dans tous les esprits. « Le public, même s’il a acheté son billet, ne se déplace pas forcément par temps de canicule, c’est arrivé à un festival récemment. L’idée de changer de saison fait petit à petit son chemin ».

Un pas décisif vers des festivals durables

« Depuis plusieurs années, le ministère de la Culture vise l’exemplarité sur les questions de développement durable », a rappelé Olivier Lerude, Haut fonctionnaire au développement durable au ministère de la Culture, en soulignant que cette démarche a débouché sur la création au sein du budget du ministère « d’un axe dédié au développement durable, l’appel à projet « alternative verte ». Pour les festivals, où le travail est fructueux avec le collectif des festivals ou Drastic avec le plastique, il s’est félicité de l’étape importante qu’a constitué « la signature de la Charte de développement durable pour les festivals ».
 
Pourtant, la route a été longue avant de parvenir à la signature de la charte. « Concernant le développement durable, les festivals partent de loin », a reconnu Maryline Lair, directrice du Collectif des festivals, co-auteure avec Béatrice Macé, ancienne directrice des Trans-musicales de Rennes, d’une étude quantitative sur la démarche durable des festivals. Selon elle, la « bascule » a eu lieu en 2018, lorsqu’on a assisté à une généralisation de la prise en compte des problématiques liées au développement durable. Qu’il s’agisse des outils, des diagnostics ou des actions – plus de la moitié des festivals par exemple ont d’ores et déjà mis en place des actions sur les déchets –, la démarche de développement durable est en progression. Mieux : elle se caractérise de toute parts par un « niveau d’exigence de plus en plus élevé ». Reste qu’elle nécessite un fort besoin d’accompagnement, de formation et d’anticipation ainsi qu’une meilleure coopération entre les territoires. Maryline Lair et Béatrice Macé appelaient de leurs vœux la Charte de développement durable pour les festivals. Il s’agit aujourd’hui d’avoir « des outils pour accompagner le changement d’échelle des actions ».

En saluant le travail « exemplaire », alliant « subsidiarité, humilité, et co-construction » qui a abouti à la Charte de développement durable pour les festivals, Christopher Miles, directeur général de la création artistique du ministère de la Culture, est revenu sur l’importance du rôle de chaque acteur dans la réussite du projet. « Nous sommes tous les experts du succès de cet engagement », a-t-il dit. « Cette politique est dorénavant inscrite dans la politique des festivals. Elle est assortie d’un engagement financier. La charte est un outil facilitateur à l’attention de tous les festivals, de valorisation des démarches exemplaires de ses adhérents. Elle prend appui sur tout ce qui a été fait. Les festivals établissent d’abord un diagnostic avant de définir un plan d’action progressif autour de dix objectifs ». La charte verra officiellement le jour lors du prochain Conseil des territoires pour la culture le 14 décembre prochain.

 

Roselyne Bachelot-Narquin : « Poser les bases d’une nouvelle politique en faveur des festivals »

A l’issue de la troisième édition des États Généraux des festivals, la ministre de la Culture a présenté le 1er décembre, à Toulouse, « les bases de la nouvelle politique de l’État en faveur des festivals ». A côté d’un volet « observation » et d’un volet « développement durable » (voir plus haut), la ministre a défendu une nouvelle approche des « engagements de l’État », avec un soutien financier « accru » et « lisible ».

Après un financement à hauteur de 35 M€ en 2019, chiffre auquel se sont ajoutées les aides exceptionnelles du fonds festival en 2020 et 2021, ainsi que des mesures liées au plan de relance, la ministre de la Culture a décidé « d’aller plus loin ». « Dès 2022, a-t-elle annoncé, le budget du ministère de la Culture en faveur des festivals sera en forte hausse, 10 M€ de crédits supplémentaires pérennes leur seront dédiés ».

Ces crédits seront attribués selon trois modalités, à savoir selon « une aide triennale contractualisée pour des festivals structurants, une aide ponctuelle pour aider certains festivals à répondre à certains objectifs de la politique de l’État et des aides transversales ». Le soutien de l’État sera conditionné par le respect de certains principes fondamentaux, dont les critères tenant à l’engagement des festivals en faveur de l’égalité hommes-femmes et de la lutte contre toute forme de violence et de discrimination. « Nous avons envisagé un système combinatoire qui requiert de cumuler deux critères parmi une liste d’objectifs culturels, sociaux, économiques au plus près de la réalité des festivals », a précisé la ministre. « Le ministère place désormais les festivals au cœur de sa politique, a conclu la ministre, en précisant que la feuille de route s’appliquera dès 2022. C’est demain que tout commence, riche du travail en commun fait ensemble ».