Labellisé Olympiade culturelle, Archi-Folies est un projet de longue haleine qui associe des écoles nationales d’architecture et des fédérations sportives. L’objectif ? Concevoir les pavillons des fédérations sportives du Club France, qui sera installé dans le Parc de La Villette pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Entre le 7 et le 20 juillet, l’exposition des maquettes d’Archi-Folies accueillie à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Malaquais au Palais des études, sur le site que l’école partage avec les Beaux-arts de Paris, constitue le premier temps fort de cette vaste opération. « C’est une formidable vitrine pour montrer au grand public le talent de nos écoles d'architecture, l’imagination et le savoir-faire qui sont les leurs », a salué Rima Abdul Malak, ministre de la Culture. Entretien avec Yann Rocher, maître de conférences à l'école nationale d'architecture de Paris-Malaquais, commissaire de l’exposition.
Comment l’exposition s’inscrit-elle dans ce vaste projet que sont les Archi-Folies ?
En novembre 2022, le ministère de la Culture, le comité national olympique et sportif français et le Parc de La Villette ont décidé de confier aux étudiants des vingt écoles nationales supérieures d’architecture et de paysage (ENSA-P) la réalisation dans le cadre des Jeux Olympiques et paralympiques 2024 de vingt pavillons éphémères, chacun représentant une fédération sportive. Une vaste opération collaborative, qui n’est pas un concours mais plutôt une stimulation, s’est alors mise en place autour d’un exercice dont la particularité est de construire réellement ces pavillons. Les Archi-Folies étaient nées.
Pour un projet d’aussi longue haleine, la nécessité est vite apparue aux écoles et aux équipes encadrantes d’en séquencer les grandes étapes. L’exposition des maquettes et des esquisses des différents projets en constitue le premier temps fort, que Jean-Baptiste de Froment, le directeur de l’école de Paris-Malaquais, a proposé d'organiser et d’accueillir. Cette exposition permettra de promouvoir les pédagogies et les savoir-faire des écoles auprès du public et donnera l’occasion aux équipes de se rencontrer.
Comment avez-vous travaillé avec les écoles ?
Ce qui est intéressant dans ce premier rendez-vous, c’est qu’on ne montre pas un produit fini mais l’imagination à l’œuvre dans la fabrique des projets. Après avoir fait un tour de table de l’état d’avancement de chacune des productions, nous avons jugé pertinent de présenter essentiellement des maquettes. Celles que l’on découvrira montrent la grande diversité des approches : il s’agit aussi bien de maquettes conceptuelles et thématiques, qui mettent en avant des formes, des techniques ou des idées, que des maquettes plus réalistes. Certaines écoles, plus avancées, proposent même des prototypes à l’échelle 1. Autre dimension intéressante, chaque pavillon est nourri de la rencontre avec une fédération, les valeurs du sport, de la solidarité et du partage transparaissent. L’exposition, qui présente des projets d’opérations constructives à grande échelle, ressemble à un grand chantier école.
Quels ont été vos choix concernant la scénographie de l’exposition ?
Le parti pris de l'exposition est de présenter chaque projet de façon didactique, école par école, dans un souci de clarté. C’est ce même souci qui nous a conduit à présenter les projets dans un ordre proche de celui que l’on retrouvera sur le site du Parc de La Villette. L’exposition sera agencée à l’intérieur du Palais des études des Beaux-Arts, un lieu magnifique, sous verrière, à l’intérieur duquel est installé un dispositif en bois, domestique et modulaire, inspiré de l’architecture japonaise.
S’agit-il de la structure conçue par Olivier Vadrot pour le programme Mondes nouveaux ?
Absolument. À partir du dispositif conçu par Olivier Vadrot, que nous avons reçu cette année en workshop, j’ai demandé à mes étudiants de travailler sur une proposition de reconfiguration du système modulaire permettant de présenter l’exposition en plusieurs parties. On entre ainsi dans un grand forum au fond duquel se trouve une sorte d’estrade qui vise à orienter les gens – une grande table explique le parcours : des mini-maquettes de chaque pavillon sont présentées sur une fresque du Parc de La Villette redessinée à la main par une étudiante. On peut ainsi très vite se faire une idée du projet dans son ensemble.
Ensuite, on entre de part et d’autre de manière symétrique dans deux grandes boucles qui entourent une sorte de patio. L’intérêt est de pouvoir offrir à chaque école une surface égale, d’environ 16/17 m2. Chaque projet est présenté au gré de planches et de maquettes qui sont installées sur des tables et des échelles en bois spécialement construites par les étudiants. Nous venons en quelque sorte meubler cette architecture domestique. Dans les patios, nous présentons quelques œuvres de jeunes artistes des Beaux-Arts travaillant sur le thème du sport.
La transition écologique semble être une ligne de force des différents projets…
Oui, c’est une dimension très importante. Archi-Folies met en jeu des pédagogies axées sur la réalisation grandeur nature. Le processus de conception et la matérialité priment donc encore plus que d’habitude. Il y a une volonté partagée par tous d’avoir des solutions intelligentes en termes de ressources, de techniques et de réemploi. Archi-Folies, encore une fois, réinvestit pleinement le genre du « chantier-école », autrement dit l’idée – pour une profession qui a besoin de regagner de la légitimité dans les yeux de la société – que l’architecture ne forme pas uniquement des gens qui vont travailler dans des bureaux mais aussi conduire un projet jusqu’à sa mise en œuvre. Il est toujours intéressant pour des élèves de travailler pour des commanditaires extérieurs et de dessiner des projets qui vont être réalisés en vrai. On sort de la dualité professeur/élève. On passe du travail de l’imagination à la mise en œuvre concrète, puis au fonctionnement d’un lieu. Cette manière de faire a une incroyable vertu pédagogique.
Ces pavillons, qui vont s’intégrer sur le site de la Villette, ont aussi vocation à revenir sur le territoire des écoles.
Effectivement, ces pavillons vont être réutilisés, plusieurs fédérations comptent pouvoir en disposer après l’événement pour faire la promotion de leur discipline.
Comment les pavillons s’intègrent-ils sur le site de la Villette ?
Il est encore un peu tôt pour le dire, l’exposition doit précisément le révéler, elle est pensée comme une sorte d’accélérateur d’échanges. Certaines écoles présentent plusieurs options mais n’ont pas encore tranché, d’autres ne savent pas encore comment elles vont fabriquer. Lors des rencontres, beaucoup de choses devraient évoluer. Qui plus est, Bernard Tschumi, l’architecte du Parc et de la Grande Halle de La Villette sera présent. Et les écoles auront encore un an pour travailler après cette exposition qui est comme une photo à un instant T.
On pourrait presque parler d’une exposition brainstorming ?
Nous mettons en débat des projets en train de se faire qui questionnent le rapport au sport, à la pédagogie, à la construction et à l’écologie. Ce qui vaut pour les étudiants qui participent à Archi-Folies vaut d’ailleurs pour mes propres étudiants. Nous ne faisons pas un pavillon mais un méga-pavillon pour tous les futurs pavillons.
Dans le cadre de l’enseignement sur la scénographie d’exposition que je dirige à l’école de Paris-Malaquais intitulé L’entour – en partenariat avec les Beaux-Arts de Paris et l’école supérieure d’arts plastiques de Monaco – nous défendons cette idée que la scénographie d’exposition, y compris pour des étudiants en architecture, peut se révéler instructive par son ouverture à l’art, à la muséographie et plus généralement aux métiers au cœur de la pratique de l’exposition. C’est une manière de construire des choses dans un temps réduit, dans d’autres lieux ou sous d’autres formats. Le cours comprend des cycles de conférences partagées avec les écoles et des commandes. Il ne s’agit certes pas de sujets architecturaux au sens strict, mais d’un concentré de nombreuses questions que l’on peut ensuite rencontrer dans la pratique professionnelle. Ces dernières années, les chantiers-écoles nous ont amenés à collaborer avec les Beaux-Arts de Paris, le musée du Louvre, le festival 100% de La Villette ou encore les éditions des Beaux-Arts.
Archi-Folies nous a mis dans la situation de devoir tout négocier dans un temps très court, la production, l’accrochage, la construction en bois, le graphisme, la communication, l’événementiel, le transport… Je salue l’implication des étudiants et de l’administration de Paris-Malaquais à mes côtés, nous y travaillons très intensément depuis deux mois et sommes très heureux de pouvoir contribuer à cette synergie entre écoles.
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