C’est un emplacement « privilégié ». Le lieu où doit être construit le pavillon conçu pour abriter les sportifs de la Fédération française de triathlon durant les compétitions de Paris 2024 est situé à proximité de l’une des célèbres Folies, ces bâtiments rouge vif disséminés dans le parc de la Villette qui ont fait la renommée de l’architecte Bernard Tschumi. « C’est une chance, nous en sommes conscients, reprend Elliot Gardez, l’un des étudiants de l’école nationale supérieure d’architecture de Strasbourg chargée de réaliser l’édifice. Notre projet de pavillon est orienté à 45 degrés vers une des Folie et joue sur la triangulation rappelant les trois sports du triathlon. Ce n’est pas pour rien qu’il s’intitulait à l’origine le parcours du triangle ».
On le voit bien, la figure du triangle et, plus généralement, de la figure géométrique, jouent un rôle de premier plan aux yeux des concepteurs du pavillon. Un rôle que l’on retrouve jusque dans le choix de leurs partenaires : « La particularité du projet est de faire intervenir deux autres acteurs à nos côtés, l'Institut national des sciences appliquées de Strasbourg d’une part (INSA), les Compagnons du Devoir d’autre part, précise Sibylle Pöhler, architecte, maîtresse de conférences à l’ENSA de Strasbourg en théories et pratiques de la conception architecturale et urbaine. Nous avons pu travailler ensemble et croiser nos compétences sur cette structure qui est essentiellement en bois, un matériau sur lequel nous savons travailler à l’échelle 1 ».
Accueillir tous les publics
Mais si l’ambition a pu être portée aussi haut, c’est aussi en raison du dialogue qui s’est noué dès le départ avec la Fédération française de triathlon. « La fédération nous a immédiatement informés de son souhait d’installer des écrans, des tapis de course et des tapis roulants à vélo, à l’intérieur du pavillon », poursuit Elliot Gardez. Et pour cause : depuis 2019, la Fédération française de triathlon a développé le projet « Triathlon Immersive Room », une innovation pour favoriser l’accueil de tous les publics au sein des clubs en développant une pratique immersive sur des tapis de course. Le pavillon installé au sein du Club France pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques sera donc le lieu tout désigné pour en faire la promotion. « Avec une entreprise partenaire, nous avons mis au point une application qui propose de l’activité physique en ligne », explique Paul-Emile Vernadet conseiller technique national, chargé de mission innovation à la Fédération française de triathlon.
Comment ces attentes ont-elles été traduites, côté conception architecturale ? Le jeu sur le triangle, toujours lui, se retrouve aussi dans l’aménagement de l’espace proposé par les étudiants. Leur proposition comporte « deux façades dédiées à l’immersive room sous la forme d’un grand « L », l’idée étant de la projeter sur les espaces intérieurs et extérieurs – côté parc et côté plateforme – et de disposer d’espaces de déambulation pour nous permettre d’exposer des informations de façon plus classique », précise Sibylle Pöhler.
Le pavillon constitue un écrin de visibilité sans précédent pour le triathlon
Le principe du dialogue
On l’a compris, la collaboration, le dialogue, ont été déterminants entre les architectes et les sportifs. « Travailler avec des étudiants s’est révélé passionnant, se félicite Paul-Émile Vernadet, à la Fédération française de triathlon. Pour autant, nous nous sommes comportés en vrais clients. Nous avons sans cesse sondé, expérimenté, leur concept, pour envisager ses limites et leur apporter une réponse. Nous sommes des « clients » très exigeants, et des sportifs qui plus est. Donc, on ne lâche rien ! ». Cette dimension pédagogique est ce que retient le conseiller technique qui a aussi apprécié « la diversité des interlocuteurs » du projet. « Les étudiants ont rencontré des artisans avec lesquels ils travailleront demain sur le terrain ». Confiant pour la suite – « notre concept est fait pour s’adapter à n’importe quelle situation, nous imaginons déjà comment nous allons pouvoir l’améliorer sur place » – il est conscient que le pavillon conçu avec l’ENSA de Strasbourg constitue un « écrin de visibilité » sans précédent pour le triathlon.
Côté école, entre « le regard architectural » d’un côté, la « pratique » de l’autre, les choses n'ont pas toujours eu la fluidité attendue. Mais « les interactions n’ont pas cessé depuis le début », se réjouit Elliot Gardez. « C’était un peu comme si la Fédération française de triathlon se retrouvait d'un coup maître d’ouvrage, précise Joachim Boyries, architecte, participant au projet pour le compte de l’INSA, il y avait donc, de notre côté, tout un travail à faire pour les accompagner sur cette voie, notamment sur les questions d’échéances. Pédagogiquement, c’est très intéressant ».
Un écrin de visibilité
Plus globalement, selon Nicolas Pierson, étudiant à l'ENSAS, le projet « nous a permis de nous poser des questions que nous nous posons rarement durant les études. Par exemple, envisager la conception architecturale sous tous ses aspects : la dimension théorique, bien sûr, mais aussi, et c’est cela qui était particulièrement intéressant pour nous, dans sa dimension pratique : résolution technique, chiffrage, logistique, recherche de partenariats, devis pour les transports… ».
En cela, ils ont été accompagnés par un partenaire de l’ENSA de Strasbourg : les Compagnons du Devoir. « Le projet a été l’occasion de faire travailler les étudiants avec ces professionnels d’excellence, ajoute Joachim Boyries. Tous ont pu entrer en contact avec les différents départements de l’école des Compagnons, les charpentiers, les menuisiers, les couvreurs. Il y a eu une vraie relation d’échange entre l’architecte et l’artisan, or cette interaction est un enjeu de premier plan aujourd’hui. Pouvoir l’expérimenter pendant les études, c’est autant de temps gagné pour la suite. Réciproquement, les Compagnons du devoir nous ont confié qu’ils avaient trouvé très intéressant de pouvoir se mettre dans la peau du concepteur. Nous défendons beaucoup ce dialogue à Strasbourg ».
Après les Jeux Olympiques et Paralympiques, le projet est de « rapatrier le pavillon à Strasbourg, où la ville souhaite l’installer dans un parc où il servira de lieu informel pour une association », conclut Sibylle Pöhler.
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