Osmose 4 entend poursuivre la réflexion autour de l’un des axes du colloque bordelais : « plus que sur le patrimoine juridique, notre colloque entend travailler sur les phénomènes de patrimonialisation du droit, c’est-à-dire, précisément, sur les manières dont la catégorie de « patrimoine », d’une part, et les outils de protection du patrimoine, d’autre part, se trouvent aujourd’hui mobilisés à l’égard du droit et des objets juridiques (…). L’objectif de ce colloque est ainsi de cartographier la diversité des recours au concept de « patrimoine » pour tenter d’appréhender au mieux ce phénomène juridique dans sa complexité, en interrogeant à la fois le sens, l’utilité et les effets de ses usages, mais aussi, dans une perspective plus large, en travaillant les croisements et interrelations entre le droit et le patrimoine, en s’efforçant de comprendre ce que produit la mise au contact de ces deux univers, en termes de concepts, d’approches, de discours, de réalisations concrètes ou de revendications. Il s’agit ainsi, au fond, d’analyser ce que le fait de penser le phénomène juridique par cette entrée du patrimoine peut nous révéler de l’institutionnalisation du droit ».
L’un des axes a pour objet de saisir et discuter les usages du concept de « patrimoine » comme un véritable concept susceptible de décrire effectivement certaines dynamiques du phénomène juridique dans le temps. En effet, l’intuition est que la notion de « patrimonialisation » entendue processus par lequel un objet est décrit, vécu ou revendiqué comme patrimoine, pourrait être une entrée pertinente pour explorer sous un angle inédit les rapports entre droit et patrimoine.
On constate dans cette mise en relation du droit et du patrimoine que l’instrument de la Convention sur le PCI a consacré un certain nombre d’éléments juridiques, institutions, droits, pratiques, modes opératoires. Que peut-on tirer de ces exemples en termes de traduction juridique ?
On peut avancer que pour certaines de ces institutions, la valeur patrimoniale est précisément contenue et reconnue dans la valeur juridique, dans la fonction juridique qu’elles assument. Ce sont ces pratiques juridiques en action qui sont au cœur de la protection. Le PCI pourrait être une sorte label de juridicité. Et ce faisant, on peut avancer l’idée que les États qui reconnaissent cette valeur juridique, accueillent peut-être plus volontiers l’idée d’un système normatif pluraliste, fait à la fois de règles nationales mais aussi de cet « étagement » (Gurvitch) de règles qui procèdent de sources multiples, règles coutumières ou autres sous couches plus souterraines encore. Le pluralisme culturel pourrait s’accompagner ou se fondre dans un pluralisme juridique. Dans ce processus de patrimonialisation de ces sources infra-étatique, admettre l’idée de pluralisme culturel se couplerait avec celle d’un pluralisme juridique, le droit prendrait plus nettement appui sur les forces collectives ? La qualification en patrimoine ferait-elle de ces infra-droits un foyer normatif plus actif, plus intégré au système étatique ? Il n’est pas sûr que ce soit le cas de toutes ces institutions ou pratiques juridiques reconnues comme PCI. Elles sont parfois rangées sur l’étagère des monuments, des mémoriaux, des traditions. Ces formes de reconnaissance d’une légalité locale, ne sont pas en toute hypothèse le signe d’une transformation de l’économie de la légalité, l’amorce d’un changement de régime de régulation : le développement d’un pluralisme en opposition à l’idée d’unicité de la loi. Sous cette perspective, se joue le rapport entre droits étatiques et droits locaux, entre communautés/minorités et États.
Le colloque se propose de creuser cette question en se concentrant principalement sur la question des droits coutumiers en particulier les droits d’usage, fréquemment reconnus au titre du PCI. Quels sont les rapports qu’entretiennent, au travers des processus de patrimonialisation le pluralisme culturel et le pluralisme juridique ? Dans quels termes l’un et l’autre se rencontrent, se nourrissent l’un de l’autre ? A quel seuil le pluralisme culturel peut-il faire l’économie d’un pluralisme normatif ? Du point de vue de la méthode sera abordée la question par des études de situations concrètes de patrimonialisation qui semblent pouvoir alimenter une réflexion plus générale. L’idée serait d’explorer ces cas d’études au travers de la tenue d’ateliers, sous une perspective comparatiste et pluridisciplinaire associant le droit, l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, l’histoire de l’art, les sciences politiques.
Ce versant d’OSMOSE s’inscrit par ailleurs dans le sillage des collaborations avec l’Académie de la culture de Lettonie.
Par ailleurs, vous pouvez retrouver le rapport OSMOSE du 14 février 2019 qui a conclue la première phase de recherche du projet OSMOSE relatif au PCI dans les droits nationaux, sur le Carnet de recherches Hypothèses "Droit, patrimoine et culture" :
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