La reprise des investigations sur le site du Rozel a été motivée par la reprise de l’érosion du massif dunaire qui incorpore des sols d’occupations de groupes Néandertaliens. Le site, révélé par le travail de sape de la mer en 1967, avait livré quelques ossements animaux consommés par les hommes du Paléolithique et des pierres taillées.

 

L’intérêt du site réside dans l’excellent état de conservation des vestiges (objets et structures) et à leur nature, qui permettent d’effectuer une véritable étude palethnographique des niveaux d’occupation en les resituant dans leur contextes chronologiques et environnementaux.

En effet, la finesse de l’enregistrement stratigraphique, liée à une « fossilisation » des sols d’occupation par un apport régulier de sable dunaire et la nature même du sédiment, un sable plus ou moins enrichi en oxydes de fer et de manganèse, et, pour certaines couches en carbonates permettant la conservation du matériel osseux, nous autorise à appréhender certains moments de la vie quotidienne de ces populations de chasseurs-cueilleurs-collecteurs.

L’exceptionnel état de conservation du site permet d’interroger nombre de disciplines « connexes » de l’archéologie, bénéficiant des nouveaux acquis : nouveaux protocoles de datation des sédiments, de caractérisation de l’ADN fossile dans les sols, de détermination des espèces à partir du collagène contenu dans les os, de caractérisation du régime alimentaire des animaux consommés et des techniques de traitement des matières premières carnées par le feu…

Cette préservation inhabituelle pour des périodes aussi anciennes permet d’approcher les modes de fonctionnement des « campements » principalement voués au traitement des carcasses animales d’espèces chassées et / ou « charognées » (récupérées dans la prairie). Ces animaux consommés, principalement le cerf, le cheval et l’aurochs (taureau sauvage) attestent d’un climat tempéré un peu plus frais qu’actuellement, ce que confirme l’étude des micro-vertébrés (rongeurs, amphibiens, reptiles) et des oiseaux. Le paysage est plus ouvert qu’actuellement avec une succession de cordons dunaires qui se mettent en place à mesure que le niveau marin baisse du fait de l’amorce de la dernière glaciation. L‘évaporation de l’eau de mer alimente sous forme de précipitations les glaciers d’altitude et le grand glacier qui commence à se développer au nord de notre hémisphère (inlandsis).

Cette régression libère de grands espaces qui peu à peu se végétalisent, formant une grande plaine littorale parsemée de bosquets de feuillus et de résineux et comportant des plans d’eau qui abrite oiseaux plongeurs et échassiers.

Les différentes études conduites sur les restes animaux témoignent d’une occupation récurrente du site implanté en pied de falaise de schiste à la mauvaise saison (mi automne à début du printemps). Cette saisonnalité est déduite de l’âge d’abatage des jeunes animaux et des analyses isotopiques sur l’émail dentaire des herbivores adultes. Quand l’homme déserte le site, les animaux le réinvestissent, tant les rapaces que les mammifères, comme en attestent les nombreuses empreintes de pattes animales conservées dans le sable induré par les oxydes. Si seuls les herbivores ont été consommés, les traces de pattes montrent que d’autres espèces étaient présentes dans l’environnement : lapins, blaireaux, sangliers, renards, loups, félins, dont un de très grande taille évoquant le lion des cavernes.

Mais l’originalité du site réside dans l’exceptionnelle conservation d’empreintes humaines, principalement des marques de pieds, dont certains peuvent avoir été « chaussés » (emballés dans une peau). Avec plus de 2 200 traces et empreintes humaines, le site du Rozel totalise plus de 99% des empreintes de pieds de néandertaliens actuellement connues pour le monde néandertalien, qui de développe de l’Atlantique à l’Oural et intègre le Proche –Orient, sur une période de plus de 300 000 ans.

Ces empreintes nous renseignent sur la constitution du groupe et la gestion des individus qui le constitue. Les empreintes de pieds attestent de la présence de toutes les tranches d’âge d’individus de l’enfant, dont certains font leurs premiers pas à l’adulte. Ce constat montre que c’est l’ensemble des groupes ayant fréquenté la dune du Rozel qui se déplace. Enfin, la localisation dans l’espace de ces poinçonnements montre une structuration des activités humaines avec des aires dédiées au travail principalement des adultes et de certains adolescents : espace de boucherie, de traitement par cuisson et par fumage des matières carnées, de débitage du silex et du quartz pour découper les animaux et travailler les peaux… et des espaces de stationnement des enfants et de quelques adolescents ou individus adultes ayant des petits pieds (femmes, hommes ?). Ces « garderies » se trouvent à proximité immédiate des zones de travail.

Le site du Rozel apporte donc une contribution majeure à la connaissance des paysages du début du dernier glaciaire dans lesquels évoluaient les humains, à la perception des néandertaliens, tant sur la constitution des groupes, que sur la gestion de l’espace ou les traditions culturelles.

Toutes ces investigations, parfois pointues sont effectuées en partenariat avec le CNRS (Aix-Marseille, Bordeaux, Rennes, Lille, Meudon, Paris), le Muséum d’Histoire naturelle de Paris, le Muséum royal d’Histoire naturelle de Bruxelles, le Max Planck Institut de Leipzig (Allemagne), l’Université de Copenhague (Danemark).