Les Centres musicaux ruraux déclinent volontiers leur acronyme (CMR) en « Culture, Musique et Ruralité ». Trois dimensions de leurs remarquables actions associatives d’éducation populaire, qu’ils ont instituées en fédération dès 1948.
La culture et la musique, il faut le rappeler encore et encore, nourrissent et embellissent le « vivre ensemble ». Elles autorisent l’émancipation de chacun au sein de la société, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne, autour des pratiques musicales. Côté ruralité, les CMR sont aux prises avec ces territoires où l’offre culturelle se raréfie : 75% des collectivités territoriales locales avec lesquelles ils travaillent comptent moins de 5000 habitants. 15% d’entre elles sont en zones de revitalisation rurale (ZRR).
A leur origine comme aujourd’hui, leur premier secteur d’activité est la musique en milieu scolaire. Cela représente 90 000 heures par an, dispensées auprès des élèves par quelques 200 musiciens professionnels. Forts de ce réseau puissant d’intervenants au multiples spécialités musicales, les CMR peuvent s’adapter aux demandes qu’ils perçoivent dans les localités pour soutenir et encourager aussi les pratiques amateurs.
A l’occasion de la fête de la musique, qu’on énonce parfois comme une invitation à ces pratiques amateur (« Faites de la musique ! ») et qui, à coup sûr, en est le rendez-vous festif et la grande vitrine annuelle, bigarrée, populaire, Jean-Louis Davicino, le président de la fédération des CMR, et Cyrielle Léger, sa directrice générale adjointe, nous expliquent les initiatives de leur fédération dans ce secteur d’activité.
Les Centres Musicaux Ruraux ont choisi, pour développer la pratique amateur dans les localités, de s’appuyer sur des écoles de musique innovantes, ouvertes à tous, nommées « Carrefours d’Animation et d’Expression Musicales » (CAEM). De quoi s’agit-il ?
Jean-Louis Davicino : Comme son nom l’indique, un CAEM est un carrefour. Une collectivité locale rencontre notre fédération. Elle exprime un désir porté par ses administrés. Nous cherchons parmi nos musiciens ceux qui peuvent y répondre. Cette rencontre se traduit par une autre : un public, amateurs ou futurs amateurs, sans conditions d’âge ni de diplôme ni de niveau, rencontre des musiciens avec lesquels il entre aussitôt dans une pratique collective. C’est cette pratique collective et ses méthodes d’enseignement adaptées qui nous situent clairement en dehors du cadre des conservatoires, en dehors de toute démarche diplômante etc. Le principe est de faire partager par tous la passion de la musique.
Cyrielle Léger : Parfois, tout part vraiment de l’initiative de personnes qui veulent partager une pratique musicale, des gens qui adoreraient se réunir pour faire « un bœuf ». Ils trouvent dans ce Carrefour le lieu approprié et l’accompagnement d’un professionnel. Il peut s’agir d’enfants, d’adolescents, d’adultes ou de groupes intergénérationnels. Aucune exclusive, aucune ségrégation, aucun jugement. On vient y chercher le plaisir de jouer de la musique avec d’autres personnes, et on y revient, pour la convivialité, la pratique, et toujours ce même plaisir, redoublé des progrès que l’on fait ensemble.
Depuis 2018, les CMR ont lancé également la version « public amateur » de son projet national nommé « Tous en musique – Les ateliers de sensibilisation musicale ». De quoi s’agit-il et en quoi complète-t-il l’offre des Carrefours d’animation et d’expression musicales ?
C.L. : C’est le projet d’ouvrir la pratique amateur vraiment à tous. Les chorales à tous les âges de la vie, les pratiques instrumentales quelles qu’elles soient, mais aussi l’accompagnement d’adolescents qui s’engagent déjà dans un projet, qui ont choisi une esthétique musicale, qui veulent un soutien. Il s’agit en somme d’un public qui ne se retrouve pas toujours dans les structures existantes : on va donc leur proposer un atelier ou un concert, suivi d’un bilan qui permet de dégager, avec eux, leurs souhaits et leurs besoins. Il s’agit alors de co-construire avec la collectivité concernée les suites à donner à cette rencontre.
J-L D. : L’ambition est d’amener un public non-initié à une pratique conviviale et ludique de la musique. Par exemple, nous sommes intervenus il y a peu dans une toute petite commune de l’Oise où se donnait une fête de village. A cette occasion s’est formée une chorale « éphémère » d’une quarantaine de volontaires. Après 40 minutes de pratique avec notre chef de chœur, ils ont aussitôt donné un concert de dix minutes pour le public présent à cette fête. Ensuite est venu le moment de concertation, qui consiste en échanges avec les participants : comment cela s’est-il passé ? Qu’est-ce qui a marché, qu’est-ce qui nous freinait ?
C.L. : Une concertation d’où est sortie ce jour-là le projet de créer… une batucada (percussions traditionnelles du Brésil) ! Or, nous sommes tout à fait en mesure de répondre à ce genre de demande, car nous avons la ressource de trouver les musiciens spécialisés parmi nos intervenants. Ainsi, deux ateliers de batucada ont pu être créés à la suite de cette rencontre.
J-L D. : Nous profitons de la programmation d’une fête municipale, généralement populaire, pas toujours centrée sur la musique, pour toucher des personnes éloignées des équipements culturels au moyen de ce programme. Nous le faisons aussi, du reste, dans le cadre de la Fête de la musique ! Bien souvent, nous parvenons à identifier des personnes qui auraient une demande mais ne l’auraient jamais fait connaître autrement.
Par ailleurs, l’expérience du confinement et de la crise sanitaire vous a amené à développer un autre programme national propre, lui aussi, à soutenir la pratique amateur. De quoi s’agit-il ?
J-L D. : Pendant le confinement, nous avons continué notre activité sous la forme de ce que nous avons appelé les « Blog notes ». Il nous est vite apparu que les amateurs eux aussi s’emparaient de la version « public scolaire » de cette forme en ligne (520 000 consultations et utilisations régulières à ce jour), notamment les familles. Nous avons donc complété notre offre par une version « public amateur ». Les deux accès sont libres et gratuits. Chaque Blog note propose une découverte musicale et un tutoriel (à consulter sur notre chaîne youtube) qui permet de s’initier à des activités à faire à la maison sans difficulté.
C.L. : Ces blog notes rencontrent un grand succès. Un grand nombre de personnes les ont consultés et ont probablement mis en œuvre les activités qui y sont proposées. Le « gisement » et le potentiel de ces publics est bien réel. Nous cherchons à relever le défi d’aller trouver ces publics, avec les collectivités qui nous accompagnent.
J-L D. : L’ambition de l’éducation populaire, c’est, en ce qui nous concerne, l’ambition de partager un corpus musical qui fait sens pour nos concitoyens, quels qu’ils soient. C’est construire une médiation culturelle propre à donner à chacun le sentiment d’une même destinée, d’une même condition, celle de l’humanité, tout simplement.
Les CMR : la culture et la musique au cœur de la campagne
Les Centres Musicaux Ruraux fédèrent un ensemble d’associations départementales (loi 1901) dont les membres sont au plus proche des habitants et des collectivités pour les accompagner dans la mise en œuvre de projets d’activités musicales. Leurs domaines d’activité sont le scolaire, les pratiques amateurs, la petite enfance, le médico-social, les centres de vacances (musicales) et la formation.
Leur projet est de favoriser l’accès à la musique pour tous. Ils se concentrent sur les populations les plus éloignées d’une offre culturelle et contribuent ainsi au maillage culturel et éducatif sur les territoires.
Les CMR sont en contrat avec 347 collectivités, sur 33 départements. Ils emploient 200 musiciens. L’ensemble de leurs activités touche environ 130 000 personnes.
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