Pour sa troisième édition, l’Été culturel revient en force avec ses propositions innovantes et ses initiatives participatives. Le troisième volet de notre série, qui couvre la première quinzaine d'août, nous conduit en Pays de la Loire, en Ile de France, en Centre-Val de Loire et à Nîmes.

C’est le grand retour de l’Été culturel. Conçue par le ministère de la Culture à l’occasion du premier confinement, en 2020, cette manifestation nationale, qui a déjà conquis plus de deux millions de visiteurs avec sa programmation solidaire et accessible, n’a cessé, depuis cette date, d’élargir son périmètre et de renouveler son ambition.

Pour preuve, cette troisième édition, qui multipliera les propositions culturelles les plus innovantes – et parfois les plus « décoiffantes » – en direction de tous, mettra cette année tout particulièrement l’accent sur les initiatives culturelles participatives. Avec un objectif : faire en sorte que tous les publics, qu’ils soient métropolitains ou ultramarins, urbains ou ruraux, trouvent la place qui est la leur dans l’univers culturel.

Pendant ces deux mois d’été, nous allons revenir sur une sélection de ces propositions et initiatives particulièrement emblématiques. Le troisième volet de notre série nous conduit, comme au temps des pionniers de la décentralisation théâtrale, dans les villages, à la suite du Théâtre Régional des Pays de la Loire, puis au Musée d'archéologie national de Saint-Germain-en-Laye pour s'interroger sur les chimères du pays des Celtes, ensuite au bord du fleuve pour une séance de cirque et de contemplation du milieu naturel, enfin, avec les élèves de l'école de la 2nde chance de Nîmes, sur le plateau de tournage d'un court métrage.

Pays de la Loire : itinérance théâtrale et rencontres villageoises

_MG_5831Doka - Avare - Filage.jpg

Camille de la Guillonnière dirige le Théâtre Régional des Pays de la Loire. Il a été longtemps le dramaturge de Jean Bellorini, qui dirige à présent le TNP de Villeurbanne. « Je viens d’un tout petit village, au nord d’Angers, nous dit-il. Un jour, ma grand-tante me raconte que la boulangère, la mère Panchêvre, y avait joué Marie Stuart, de Schiller, en 1945. Comme les gens des campagnes, aujourd’hui, ne me paraissent pas plus bêtes qu’à l’époque, je me suis dit qu’il fallait absolument leur proposer à nouveau des textes de théâtre de grande qualité : les grands auteurs comiques, poétiques, philosophiques, littéraires. C’est pourquoi j’ai créé La Tournée des villages, il y a 17 ans.

« Mes mentors sont Jeanne Laurent et Jean Dasté, les pionniers de la décentralisation théâtrale ! Auxquels s’ajoute Maurice Pottecher, le créateur du théatre du peuple de Bussang. Car si l’on veut aller au bout de la rencontre avec le public, il faut aussi partager le plateau avec lui. Dans cet esprit, notre opération Le temps d’une troupe produit chaque été un spectacle où quatre ou cinq acteurs professionnels jouent avec une quinzaine d’amateurs au château du Plessis-Macé. De très belles aventures humaines et un défi de formation, que nous relevons aussi, dans l’année, avec des stages donnés par les comédiens de la compagnie.

« Avec la Tournée des villages, non seulement nous allons jouer dans de petites communes, mais, chaque année, nous y retournons ! On a commencé, il y a 17 ans, avec trois villages. Aujourd’hui on en a trente-neuf à visiter. Nous y retrouvons des habitués et de nouveaux publics. Nous arrivons avec notre scène, le son, la lumière, le bar, la librairie. La commune fournit les bancs, les chaises, l’électricité, une salle pour se changer. On cherche avec les élus le lieu le plus propice à la représentation, au cœur de la vie quotidienne : la place du marché, la mairie, l’école, l’église… Les acteurs font l’accueil, une heure avant le spectacle. Ils distribuent des couvertures, ils tiennent le bar et, après la représentation, la soirée se poursuit dans ce bar et cette librairie ambulants, où l’on parle du spectacle et de tout autre chose, comme avec des amis de longue date. »

Au programme de la Tournée des Villages : L'Avare de Molière et La Vieille Fille, d'après Balzac. Plus d’informations ici

Ile de France : quand les enfants s'approprient le jeu des formes

musée archéo.jpg

« Parmi tous les ateliers de l’été du musée, celui-ci s’adresse à des enfants à partir de cinq ans. Ainsi qu’aux parents ou grands-parents qui les accompagnent ! » Nous sommes au Musée d’archéologie nationale, au château (domaine national) de Saint-Germain-en-Laye, auprès de l’une des plus riches collections jamais rassemblées sur le sujet. L’artiste Clara Baum a choisi, avec l’archéologue Laurent Olivier, de proposer aux enfants un objet gaulois énigmatique.

« On le regarde ensemble dans le musée et on en parle, poursuit-elle. On suppose que c’est une suspension. Etait-ce un objet sacré ? Un objet d’usage courant ? En fait on n’en sait rien. En revanche, on voit combien les Gaulois aimaient orner les objets de différentes espèces vivantes : animaux, végétaux. Des formes humaines aussi. Ça pourrait ressembler à un dragon, à une chimère…

« L’idée de s’approprier ce mélange des figures vient assez naturellement. Je propose alors aux enfants de réaliser un livre « pêle-mêle ». Ils vont pouvoir donner libre cours à leur imagination, mais dans un cadre qui les rassure : la règle du jeu est de dessiner n’importe quel animal, fantastique ou non, en trois parties, et en figurant les ruptures toujours aux mêmes endroits, par exemple le passage du cou au reste du corps. Parfois ça déborde un peu (et ce n’est pas grave) ! Ensuite on procède aux découpages, je leur fais une petite reliure et ils ont tous leur petit livre. Ils s’amusent à mélanger les pages, ils se les montrent les uns aux autres.

« On voit surgir leurs sources d’inspiration, comment ils se représentent les espèces vivantes, sur quoi ils butent quand ils dessinent, ce qui les préoccupe. Parfois surgit un Spiderman, qui est, lui aussi, un mélange : un homme-araignée, source de discussions sans fin... »

Plus d’informations ici.

Région Centre-Val de Loire : un cirque contemplatif en bords de Loire

_2610970-RW2_DxO_DeepPRIME-3.jpg

« A Contre-courant, c’est un spectacle sensoriel dont l’interprète principal, au moins pour moitié, est… le paysage. A la fin, raconte Emilia Tau, jongleuse, danseuse, marionnettiste, auteur et metteur en scène, nous nous tournons, avec le public, vers le fleuve et chacun le contemple en silence pendant une minute. Puis on danse tous ensemble. » Début juillet, c’était à Montsoreau, au cœur du Parc Naturel Régional Anjou Touraine. Avec ses complices (une danseuse, une trapéziste, un acrobate, une « antipodiste » – qui jongle avec ses pieds), elle a entrepris « une tournée lente et verte sur les bords de la Loire, avec le désir de créer une rencontre entre nous autres, les humains, et la nature : la faune, la flore, l’eau, le vent, la lumière.

« Nous voyageons légers, à vélo, et notre spectacle n’a ni projecteurs ni enceintes, poursuit-elle, puisqu’il y a le soleil et le chant des oiseaux. Dans un premier temps, nous déambulons dans la forêt avec le public. La trapéziste n’a pas apporté son matériel : elle voltige dans les arbres. De même, avec l’échelle d’équilibre ou les balles de jonglages, les artistes cherchent les formes d’un dialogue entre le paysage extérieur et le paysage intérieur. Quand nous arrivons sur les rives du fleuve, nous poursuivons dans le même esprit, cette fois pour une véritable célébration de l’eau : jonglages, manipulations et percussions aquatiques.

« Pour nous former, nous avons rencontré des ornithologues, des botanistes, des spécialistes des milieux naturels, mais aussi des danseurs en nature et même un spécialiste de l’hypnose. Et notre idée est de partager toutes ces connaissances avec le grand public, sous la forme d’un langage artistique auquel, on s’en est aperçu, le langage scientifique se marie très bien. Ce qui nous a conduit aussi à concevoir des ateliers cirque-nature pour les enfants, pour les maisons de retraite et les centres sociaux, qui sont loin d’être sourds aux expressions du paysage. »

Autre grande source d’inspiration pour Emilia Tau : la culture indienne et les rives du Gange. « Là-bas, les femmes lavent leurs tissus colorés au bord de la rivière. On en retrouve des éléments dans notre spectacle. Quand je m’approche de l’eau, la première image qui me vient c’est celle de la vie que génère le fleuve. Laver le linge, pêcher, naviguer… » Un regard différent qui met l’accent sur la revalorisation du paysage aux yeux même de ses habitants, des touristes, des sportifs, des randonneurs.

Prochaines étapes : 3 août : Plage de Beauget, Briare (45), 7 août : Saint-Satur (18). Plus d’informations ici.

A Nîmes : quand les jeunes de la 2nde chance s'approprient le cinéma

LaQuete9-©Murat_Arslan.jpeg

« Quelque chose s’est passé, un instant magique, quand mon ami comédien Rachid-Amir Moudir, qui m’a aidé à animer la première semaine par un atelier théâtre, a fait comprendre à cette jeune fille qu’elle pouvait cesser de se juger négativement. Depuis, ces jeunes ne cessent de me donner de l’énergie : on va faire ensemble un très beau film et ils le méritent ! » Murat Arslan-Rymo, sorti de l’école de cinéma Kourtrajmé il y a à peine trois ans, enchaîne depuis lors les projets, et ne tarit pas d’enthousiasme pour « Transat », la résidence que lui ont proposé les Ateliers Médicis dans le cadre de l’Eté culturel.

« Ils ont entre 18 et 25 ans, ils vivent dans les communes rurales aux alentours de Nîmes, où on retrouve les mêmes problématiques qu’à Montfermeil : plus de transports après 22 heures ! Ils n’ont pas eu des parcours faciles, ils ont tendance à vivre dans leur bulle, et pour gagner leur confiance, il faut... bien « creuser ». Cet atelier théâtre a été essentiel. Il nous a permis de créer un collectif. »

Sur un mois, Murat Arslan-Rymo part des exercices de respiration ventrale, « la base des bases », passe aux séances face caméra, puis aux exercices d’écriture automatique, à l’écriture collective d’un scénario, aux séances de tournage et enfin au montage. « Je leur explique le processus de création et ensuite on définit tout, tous ensemble. On travaille vraiment en profondeur. Notamment sur les dialogues, car je veux que ces dialogues leur ressemblent le plus possible. Sur la technique aussi, car l’idée c’est de faire le film avec eux de A à Z. Pour moi, c’est plus compliqué, mais c’est une grande satisfaction de les voir tellement motivés. C’est une véritable aventure à plusieurs.

« C’est même bien plus qu’un simple film : une expérience affective très forte. Je m’aperçois qu’elle me fait grandir moi-même. Et j’espère que de leur côté, ils en sortiront différents, plus confiants, plus assurés. Et cela rejoint la thématique même du projet, qui est la quête : de tous les trésors du monde le vrai trésor est en nous. Il importe simplement de savoir le trouver. C’est une quête de soi-même. Si cet atelier peut y contribuer un tout petit peu pour chacun, j’aurai tout gagné ! »

Plus d’informations ici.