Contexte et diagnostic
Héritier de l'académie royale d'architecture créée en 1671 par Louis XIV, l'enseignement de l'architecture s'est construit dans la période moderne en réaction à l'académisme. Il a pris son autonomie en 1968 au moment de l'éclatement des Beaux-arts. Constituées en Unités Pédagogiques (UP), les écoles d'architecture ont pris en 1978 le statut d'établissement public administratif.
Issues des anciennes UP, relativement autonomes dans leurs choix pédagogiques, les écoles actuelles ont en commun d'associer à l'enseignement théorique, la pratique du projet dispensé par des praticiens recrutés pour leurs compétences et leur reconnaissance par le milieu professionnel.
Au croisement de nombreuses disciplines (artistiques, techniques, sociologiques) et en rapport étroit avec la pratique du métier, l'enseignement de l'architecture se singularise des autres disciplines de l'enseignement supérieur par une approche généraliste et pluridisciplinaire.
L'évolution de cet enseignement s'est réalisée de façon souvent radicale, en rapport avec les révolutions techniques (le béton armé), stylistiques (le mouvement moderne) ou sociétales (1968).
Parallèlement aux réformes de contenu, les écoles ont aussi évolué dans leur organisation. En 2001, la refonte de 4 écoles franciliennes aboutit à la création de Paris-Val de Seine et Paris-Malaquais.
La plus récente de ces réformes concerne la mise en place du LMD en 2005. Elle répond à la nécessité de s'inscrire dans le cadre européen, de se rapprocher des cursus universitaires, et de faciliter les relations avec les autres écoles d'architecture de la communauté européenne
Des succès notables
L'enseignement supérieur et la recherche en architecture ont franchi avec succès l'étape décisive du passage au LMD (Licence-Master-Doctorat) et des évaluations par l'AERES (Agence d'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche), montrant ainsi la capacité des écoles à se conformer à des critères d'excellence de plus en plus exigeants et normés.
Leurs réussites concrètes sont également patentes : affluence d'étudiants français et étrangers, capacité de nombreuses équipes de recherche à s'insérer victorieusement dans le financement compétitif issu du Grand Emprunt (labex porté en propre par l'Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble) ou dans des compétitions internationales (telles que Solar Decathlon), excellente insertion professionnelle des diplômés.
Ces résultats sont d'autant plus remarquables qu'ils ont été obtenus sans moyens budgétaires nouveaux. Les Directeurs d'Ecoles ont présenté leur analyse de cette situation paradoxale dans un document adressé aux élus de la Nation à l'occasion des dernières élections législatives.
Les enjeux de l'avenir
Les mutations environnementales, économiques, sociales et culturelles invitent à réinventer le cadre de vie des métropoles de demain, de nouvelles façons d'habiter, un rapport différent au paysage et à l'environnement, autant de sujets sur lesquels l'architecte doit se placer comme référent incontournable.
Incontournable par sa capacité à appréhender l'espace dans sa complexité, sa richesse et sa fragilité, l'architecte doit être capable de maîtriser ou de se familiariser avec des domaines qui ne cessent de s'étendre et de se complexifier.
Il doit être porteur d'une vision globale et synthétique pour anticiper les difficultés des maîtres d'ouvrage à conceptualiser des programmes mouvants et complexes, et à les formaliser.
Il doit aussi pouvoir montrer sa capacité à maîtriser la technique voire à se spécialiser dans certains domaines complexes afin de mieux asseoir sa crédibilité.
La tâche est considérable, et les pédagogies doivent faire elles-mêmes la preuve de leur capacité à se renouveler, à s'adapter, à se mettre à l'écoute du public, pour former des architectes proches des réalités et des besoins d'aujourd'hui.
Des dispositifs à conforter
La réforme du LMD a concrétisé la dynamique de rapprochement avec les autres pays européens et l'ouverture de l'enseignement et de la profession sur des perspectives élargies, mais elle a aussi entraîné une concurrence accrue entre les écoles européennes. Les écoles s'inscrivent dans une dynamique concurrentielle qui les oblige à se positionner et à expliciter leur spécificité pour renforcer leur attractivité vis à vis des étudiants et des enseignants. Or la qualité du dispositif français doit continuer à s'affirmer sur la scène nationale et internationale, à l'exemple des réussites comme la victoire au concours "Solar décathlon".
Dans son rapport de mai 2012, l'AERES a mis en évidence des disparités au sein des écoles ; disparités qui pourraient pour certaines d'entre elles constituer à terme une fragilité :
- l'insertion dans les politiques de site et le rapprochement avec les PRES ;
- le faible taux de réussite dans les double cursus architecte-ingénieur ;
- l'adossement à la recherche qui nécessiterait la création au niveau national d'un statut d'enseignant-chercheur ;
- la mise en place d'une culture de l'évaluation et d'une politique de suivi des étudiants diplômés ;
- l'enseignement des langues et la maîtrise de l'anglais.
Au-delà de ce rapport il convient de se demander si la difficulté d'insertion dans les politiques de site n'est pas à mettre en rapport avec la taille de certaine écoles. La mutualisation des moyens et l'amélioration de l'adossement à l'enseignement supérieur et à la recherche pourraient constituer une des pistes à renforcer. Le mode de recrutement des étudiants à l'entrée des écoles constitue lui aussi une disparité et les modalités du concours de recrutement des enseignants soulèvent une insatisfaction assez unanimement partagée. Si ce dernier point ne relève pas de la responsabilité des écoles il nécessite cependant d'être porté au débat.
Les architectes diplômés s'insèrent bien professionnellement mais avec des niveaux de rémunérations faibles et une difficulté à se positionner dans la chaîne de valeur de la construction et de la réhabilitation.
Le monde de l'enseignement supérieur est marqué par l'évolution des structures et par des regroupements pour rassembler ses forces et atteindre une visibilité réelle (convergence entre les 83 Universités et les 225 grandes écoles). C'est dans ce contexte que la Ministre de l'enseignement et de la recherche a lancé les assises de l'enseignement supérieur et de la recherche des 26 et 27 novembre prochains.
Au sein du ministère de la Culture et de la Communication (MCC), la réflexion transversale qui s'est engagée sur les éléments communs d'identité des écoles supérieures "Culture" pourra se traduire par la constitution cet automne au plan national d'une conférence des écoles supérieures Culture, afin de faire valoir les intérêts et les préoccupations partagés de ces enseignements orientés vers la capacité à concevoir, à créer et à produire.
L'enseignement de l'architecture doit s'inscrire dans ces dynamiques, en particulier dans le domaine de la recherche, qui compte actuellement une quarantaine d'unités réparties dans les écoles et qui gagnerait en qualité dans le cadre de synergies plus importantes.
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