À Mayotte, le debaa est une pratique relativement récente, apparue au début du 20e siècle. Son origine continue à faire l’objet de discussions mais certains aspects sont clairs : le debaa est tiré du soufisme - la dimension mystique de l’islam, première religion à Mayotte - et est issu des traditions de l’océan Indien et de l’Afrique de l’Est. Le debaa des hommes a un temps existé avant de disparaître au profit du debaa des femmes, qui se sont approprié cette pratique en en faisant un espace privilégié d’expression. Intergénérationnel, le debaa est reconnu pour ses valeurs éducatives, de partage et de transmission de la foi, et plus largement de la culture mahoraise. Il permet aux femmes de s’affirmer et d’extérioriser leurs émotions.
Un véritable art de vivre
La pratique accompagne les moments forts de la vie, tant spirituels que solennels : le debaa des femmes est célébré en guise de félicitations pour un mariage, le retour d’un pèlerinage ou une réussite à un examen. Il peut aussi accompagner l’exaucement d’une prière comme la naissance d’un enfant, ou être organisé en l’honneur d’une personnalité importante.
Le debaa ne peut être réduit à son chant et à sa danse : c’est un véritable art de vivre qui s’inscrit dans la durée, de la décision d’organiser la manifestation aux invitations, répétitions, déplacements, jusqu’à la cérémonie elle-même. Cette dernière commence en début d’après-midi et s'achève en fin de journée. Parées de leurs plus beaux atours, les femmes se réunissent sous le ɓandra-ɓandra, le chapiteau qui accueille la représentation. Au rythme des percussions, et sous la direction d’une cheffe de chœur, elles chantent des poèmes louant le prophète Mahomet, célébrant l’amour, la sagesse ou la spiritualité, et exécutent des gestes chorégraphiés. Chaque groupe de debaa intervient à son tour, dans un esprit d’émulation. Quelle que soit la taille de la commune, il y a toujours plusieurs associations – appelées zama – actives. Elles jouent un rôle important dans la transmission de la pratique, tout comme la famille.
Une pratique bien vivante, au-delà de Mayotte
Aujourd’hui, le debaa est omniprésent à Mayotte, et aussi principalement à La Réunion et dans les grandes villes hexagonales où des Mahoraises se sont installées. Pour contribuer à sa visibilité, le Département de Mayotte a engagé plusieurs actions, notamment le soutien à une tournée internationale entre 2008 et 2012 avec la sortie d’un disque ayant obtenu un prix France Musique en 2009, et l'accueil d'une installation artistique entre 2015 et 2017 au musée de Mayotte. Le debaa a été inclus à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel en 2025.
Photos prises lors de la 17ᵉ édition du Festival des Arts Traditionnels de Mayotte, à Mamoudzou, le 26 avril 2025.
Crédits : Bertrand Fannonel/MC/Sipa Press
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