Le programme national Quartiers de demain, dont les dix équipes lauréates ont été dévoilées, le mardi 2 décembre 2025, à la Cité de l’architecture à Paris, marque une étape décisive dans la transformation des quartiers prioritaires. Imaginée comme une grande consultation internationale, cette initiative ambitionne de faire de dix sites répartis sur le territoire français de véritables laboratoires du renouveau urbain, où se conjuguent innovation architecturale, attention au paysage, transition écologique et participation citoyenne.
Lancé en juin 2023 depuis Marseille par le président de la République, le programme constitue la première démarche de cette ampleur depuis Banlieues 89, le projet porté par Roland Castro à la fin des années 1980. Il s’agit aujourd’hui non seulement de rénover, mais aussi de changer le regard porté sur ces quartiers, souvent réduits à des enjeux de gestion ou de réparation, en y réintroduisant pleinement la dimension du beau, du durable et du sensible.
Une démarche qui s’appuie sur l’existant
Chaque site sélectionné bénéficie d’une enveloppe de 450 000 € pour permettre à trois équipes d’architectes, paysagistes et urbanistes d’imaginer différents scénarios. Grâce à l’implication de plus de 200 jurés citoyens, les projets lauréats entreront en phase opérationnelle à partir de 2027.
Cette approche réaffirme une conviction forte : la transformation urbaine est aussi une affaire d’écoute, de mémoire et de participation.
Deux projets emblématiques en Provence-Alpes-Côte d’Azur
La région PACA accueille deux des sites retenus : Manosque et Marseille, chacun révélant des ambitions spécifiques et complémentaires.
Le projet Manosquin : Fabriquer le paysage via le sport
Entre la gare et le centre ancien, le quartier de la Ponsonne occupe une place stratégique. Son identité mêle patrimoine agricole, équipements sportifs et présence du Riou des Couquières, ruisseau perçu comme la colonne vertébrale du site. L’emblématique cité-jardin des Mûriers, œuvre de l’architecte Georges Candilis, au sud du site manosquin est labellisée « architecture contemporaine remarquable », et l’ensemble du quartier est intégré au « site patrimonial remarquable de Manosque » aux abords du centre historique.
L’appel à idées lancé par la ville visait à imaginer l’avenir du Parc des Sports et des Loisirs de la Ponsonne, autour de trois dimensions : renaturation du Riou, modernisation des équipements, et ouverture à de nouveaux usages pour tous les publics.
Trois projets en lice
- Parmi les trois projets présentés, l’équipe Topotek 1, désignée lauréate pour son projet : La Plaine Sportive et Ludique de la Ponsonne. Un projet qui combine une forte identité paysagère et une programmation sportive renouvelée. Leur proposition articule une renaturation ambitieuse du Riou, la modernisation complète du stade Adrien Gilly et l’introduction d’espaces ludiques intergénérationnels, tout en affirmant une grande continuité piétonne entre la gare, les quartiers voisins et le centre-ville. Pensée comme un véritable parc fédérateur, la Plaine sportive et ludique vise à renforcer à la fois la cohésion sociale, l’attractivité urbaine et la résilience écologique du site.
Face à cette proposition, deux autres équipes ont présenté des projets solides et innovants :
- L’agence Alep Paysagistes associée à l’architecte Régis Roudil a proposé Le Parc de Couquières, un projet structuré autour de la mise en scène du Riou, transformé en véritable colonne vertébrale écologique. Leur vision repose sur un paysage renaturé, lisible et apaisé, où les pratiques sportives s’intègrent dans un cadre naturel recomposé et fortement végétalisé.
- Le studio Paola Viganò a imaginé Le Parc Sportif du Riou, un grand espace ouvert où les usages se distribuent en continuité avec le cours d’eau. Leur approche, fondée sur la transition écologique et la sobriété, privilégie des sols perméables, des parcours transversaux et une offre sportive mêlant pratiques libres et équipements requalifiés, dans une logique de parc infrastructural et inclusif. En ce sens, le futur parc est conçu comme un espace structurant du territoire, à la fois lieu de sport, de circulation et de continuité écologique, accessible à tous les publics.
La concrétisation de ce projet a pour vocation de devenir un moteur d’attractivité, de convivialité et de résilience écologique pour la ville.
Le projet Marseillais : Transformer un petit vallon en grand parc
Situé dans le nord-est marseillais, au cœur du 13ᵉ arrondissement, le quartier du Petit Séminaire s’inscrit entre le vallon de la Maurelle et la vallée du Jarret, dans un paysage marqué par des reliefs contrastés et un réseau hydraulique sensible. Le site a progressivement connu une dégradation de son bâti et de ses espaces publics, entraînant la démolition de plusieurs immeubles entre 2020 et 2024. Aujourd’hui, ce quartier ne demande qu’à être transformé.
Le projet urbain en cours s’appuie sur les qualités paysagères du vallon pour structurer une requalification d’ensemble : renaturation des sols, restauration de l’arborisation, meilleure gestion des eaux pluviales et création d’espaces publics favorisant les mobilités douces, les usages du quotidien et la cohésion sociale. Dans cette logique, la rue de la Maurelle, colonne vertébrale du quartier, devient le pilier d’une ambition forte : la création d’une coulée verte capable de relier le Petit Séminaire aux collines voisines, d’apporter de la fraîcheur urbaine et d’offrir un paysage partagé et chaleureux, ouvert aux habitants comme aux équipements publics.
C’est autour de cette ambition que trois équipes ont proposé leur projet de reconfiguration du petit vallon en grand parc, chacune apportant une lecture sensible du site et de ses potentiels.
Trois propositions en lice
- Parmi elles, l’Atelier Marion Talagrand a été désigné lauréat avec son projet : Faire quartier autour d’un paysage renaissant
Cette proposition lauréate met au centre la capacité du paysage à fédérer le quartier et à redonner une identité forte au Petit Séminaire. La coulée verte est pensée comme un espace vivant, traversé de parcours, de clairières sociales, d’ambiances ombragées et de continuités écologiques qui entrent en résonance avec le quotidien des habitants. Le projet articule de manière fine les enjeux hydrologiques, les mobilités douces et la présence d’un parc central, faisant du paysage le moteur d’un renouveau urbain et communautaire.
Les deux autres projets ont, eux aussi, révélé une compréhension profonde des potentialités du vallon :
- L'équipe Folea-Gautier a proposé, Le vallon fertile du Petit Séminaire, un projet qui explore l’idée d’un vallon à régénérer par le végétal. Il s’appuie sur les dynamiques hydrauliques et la topographie pour imaginer une succession d’espaces écologiques, productifs et récréatifs, capables de rendre au site sa fertilité originelle. Le vallon devient une matrice paysagère où l’eau, les sols et les usages cohabitent dans un équilibre renouvelé.
- L’agence Ilex et son projet Le parc de la Maurelle, les bancaous du vallon qui revisite le vallon à travers le prisme des bancaous, ces terrasses méditerranéennes façonnées par l’eau. Les niveaux successifs structurent des usages variés et des cheminements adaptés à la pente, offrant un parc vernaculaire et pédagogique, ouvert sur les collines et sur les habitants.
Ce futur parc doit offrir un cadre de vie plus apaisé, mieux adapté au climat méditerranéen et propice au vivre-ensemble.
La contribution de la DRAC PACA
La présence de ces deux sites dans la région illustre le rôle structurant de la Direction régionale des affaires culturelles Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ses actions accompagnent :
- les collectivités dans les projets de requalification urbaine,
- la promotion de la qualité architecturale et paysagère,
- le soutien aux agences du territoire, notamment les plus jeunes,
- l’articulation entre culture, urbanisme et cadre de vie.
Le service architecture de la DRAC a été force de proposition pour la sollicitation de personnalités qualifiées dans les jurys de Marseille et Manosque, au sein desquels ont siégé Hélène Corset-Maillard et Vincent Furno à Marseille, Laurent Chaigne et François Gondran à Manosque.
Quartiers de demain vient renforcer ces priorités en encourageant l’expérimentation et en valorisant les démarches créatives au service des habitants.
Un programme pour changer durablement les territoires
En révélant les dix sites lauréats, l’État pose les fondations d’une politique ambitieuse : faire émerger des quartiers plus accueillants, plus durables et plus justes, en s’appuyant à la fois sur l’expertise des équipes et sur l’implication des habitants.
Les projets de Manosque et Marseille illustrent cette dynamique : deux visions d’avenir fortes, mises au service des habitants des quartiers par des paysagistes et architectes talentueux, dans des territoires à réparer.
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