Premier festival de cinéma à Paris et premier festival LGBTQIA+ de France par sa fréquentation et la richesse de sa programmation, Chéries-Chéris s’impose depuis plus de trente ans comme un rendez-vous culturel incontournable. Créé en 1994, il rassemble aujourd’hui un public fidèle et diversifié, fort de plus de 19 500 spectateurs lors de la dernière édition.
Le festival s’ouvre sur "Pillion" du Britannique Harry Lighton, révélé à Cannes, un récit d’initiation porté par un duo incandescent au cœur d’une communauté queer de motards. Il se clôt avec "Julian" de la Belge Cato Kusters. La réalisatrice signe un premier long métrage émouvant sur l’amour et le deuil, adapté du livre de Fleur Pierets, artiste et militante LGBTQ+. Coproduit par les frères Dardenne, elle y déploie une approche sensible et engagée, fidèle à une histoire vraie, dans un contexte où les droits fondamentaux restent fragilisés. Deux films qui condensent l’esprit de cette 31e édition : un cinéma de l’émotion et de la liberté, ancré dans le réel mais traversé par le rêve.
Une programmation foisonnante et ouverte
Plus de 150 films, dont 77 longs-métrages et 76 courts, venus de plus de quarante pays, composent cette édition 2025. Figures confirmées et nouvelles voix s’y côtoient dans une mosaïque de récits intimes, politiques et poétiques. "Cactus Pears" de Rohan Kanawade (Inde) évoque les amours contrariées avec une pudeur rare, "Le Mystérieux regard du flamant rose" du Chilien Diego Céspedes déploie une fable sur la transformation et la liberté, tandis que "Silver Star" de Ruben Amar et Lola Bessis, marque le retour du tandem français, révélé avec "Swim Little Fish Swim" et revisite le road movie à travers deux héroïnes en quête d’émancipation. Dans "Face à la mer", Helen Walsh signe une œuvre sensible qui explore masculinité et désir au sein d’une communauté de pêcheurs du détroit de Galles. Avec "Love Me Tender", Anna Cazenave Cambet, met en scène le combat bouleversant d’une mère incarnée par Vicky Krieps, entre injustice judiciaire et quête d’émancipation.
Au fil des ans, Chéries-Chéris n’a cessé de grandir, tout en restant fidèle à son esprit militant et fédérateur. "Notre festival s’adresse à tout le monde. Nous avons à cœur de ramener les jeunes générations dans les salles à travers des récits queers et des formes cinématographiques novatrices", confie Grégory Tilhac, le directeur artistique. Cette ouverture générationnelle s’accompagne, selon lui, d’une évolution des mentalités : "Les questions liées au genre, à la sexualité et à l’émancipation touchent désormais à l’universel."
Les documentaires prolongent cette exploration du réel : récits intimes, luttes collectives, portraits d’artistes ou histoires de transmission. Ils interrogent les représentations et les héritages du mouvement queer, tout en donnant la parole à des voix longtemps restées en marge. Parmi eux, "Les Cahiers Adjani" de Cyril Brody, "Fuga" clôt la trilogie amazonienne de Mary Jiménez et Bénédicte Liénard, en mêlant mémoire et résilience à travers des récits inspirés du réel. Avec "Âme du désert", Queer Lion à la Mostra de Venise 2024, la réalisatrice colombienne Mónica Taboada-Tapia brosse le portrait d’une femme déterminée à défendre ses droits dans une région frappée par précarité, sécheresse et exploitation minière liée à la corruption.
Pour "Hélène Trésore Transnationale", Judith Abitbol compose un portrait sensible d’Hélène Hazera, figure des contre-cultures et militante LGBTQ des années 60-90. Première journaliste transgenre à Libération, elle s’est imposée également comme productrice à Radio France et France TV, après avoir créé la commission Trans et SIDA au sein d’Act Up.
Le prix "Libertés Chéries"
Quatrième édition d’un prix devenu essentiel, "Libertés Chéries" distingue des œuvres qui explorent la conquête des libertés dans des contextes souvent hostiles. Fidèle à l’esprit du festival, cette sélection met en lumière des cinéastes capables d’aborder la discrimination sans pathos, par la force du récit et l’invention d’images neuves.
Des documentaires comme "Brigitte’s planet B" ou "Queer as Punk" aux fictions "Bel Ami", "Rodéo sauvage" ou "Some nights I feel like walking", ces films témoignent d’une même volonté : transformer la marge en espace d’expression. Par ce prix, Chéries-Chéris célèbre la puissance du cinéma à réinventer la liberté, au-delà de toute assignation.
Mémoire, héritage, pop culture et transmission
À côté des découvertes contemporaines, Chéries-Chéris revendique un dialogue fécond entre passé et présent. Un hommage à Lionel Soukaz, pionnier du cinéma homosexuel et d’avant-garde, saluera une œuvre libre et indocile. La culture pop s’invite également à l’écran avec "In bed with Madonna" et "Jimmy Somerville, rebelle queer de la pop anglaise", autant de portraits d’artistes pour qui la scène et l’image furent des outils d’émancipation.
Entre mémoire et invention, Chéries-Chéris demeure un espace de création et de partage où se croisent toutes les formes de vie et de cinéma, où chaque regard trouve sa place et son écho. En conjuguant audace, pluralité et transmission, le festival continue de faire dialoguer les mondes et les identités. Dans un paysage où les repères se déplacent et les identités se redéfinissent sans cesse, il reste ce qu’il a toujours été : un territoire libre où le cinéma parle avant tout d’humanité.
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