Chantier : organisation, techniques de construction et matériaux
- La pierre, rien que la pierre
Afin d’harmoniser ce programme de construction moderne avec le caractère classique de la ville historique, le choix d’un matériau noble et régional s’impose dès le début du projet par l’utilisation exclusif de la pierre de taille des carrières de Fontvieille et d’Estaillades.
C’est un deuxième choix qui peut paraître anachronique, après celui de la composition fermée du plan de masse (cf. : L’organisation du bâti : un anachronisme moderne), dans une opération rattachée au Secteur Industrialisé qui prône la préfabrication lourde par l’industrialisation des techniques et matériaux de construction, comme par exemple l’utilisation de panneaux de façade standardisés.
Mais la particularité des façades de la Cité Beisson réside dans le fait que les pierres sont "pré-taillées" en carrière et strictement modulées dans leurs mesures définitives de mise en œuvre sur le chantier grâce à un procédé mécanique de sciage. Par cette technique, la pierre devient un composant industriel rationalisé et économique, synonyme de solidité et de pérennité.
Cette technique de mise en œuvre des façades en pierre pré-taillée reprend celle mise en place par Paul Marcerou[1] pour Fernand Pouillon lors de la reconstruction du Port de Marseille.
Elle constitue le seul élément permettant au programme d’être validé par le M.R.L. dans le cadre du Secteur Industrialisé, puisque par ailleurs il n’y a aucune préfabrication lourde[2]. Les techniques de construction sont encore traditionnelles.
La construction de cette cité s’inscrit donc dans la lignée d’une tradition locale, récemment réhabilitée, en 1951, à Aix-en-Provence par Fernand Pouillon lors de la construction des Deux Cents Logements.
- Organisation et techniques de construction du gros-œuvre
L’organisation du chantier passe par la mise en place de divers ateliers : un atelier d’armature (cisaillage et ferraillage pour poutres, dalles et murs, poste de soudure ; un atelier de coffrage en bois ; une aire de préfabrication des moules et éléments coulés en béton ; et une centrale à béton (bétonnière type Richier, scraper à mains type Pellauto et une baraque à ciment). Le transport, le déplacement et le levage des matériaux à pied d’œuvre sont réalisés par deux grues de type Pingon qui se déplacent sur des rails et madriers.
- Fondations
Les fondations sont constituées par des semelles filantes en béton armé positionnées sous les murs des façades et les refends longitudinaux. La partie enterrée est traitée en béton banché jusqu’au niveau du plancher bas du rez-de-chaussée.
- Façades
Les façades gouttereaux sont en pierres pré-taillées de 33 cm d’épaisseur et de 140 cm, 83 cm ou 70 cm de long. La pose est faite au mortier de ciment ; les joints sont à plein, réalisés avec un mortier de chaux grasse marié à de la poudre de pierre de même nature.
Le doublage des murs est prévu avec un vide d’air de 4 cm et à l’arrière une cloison en brique[3] de 3 cm hourdée au mortier et enduite au plâtre.
Un parement en pierre forme l’entablement.
Les pignons sont soit aveugles et parementés en pierre, soit agrémentés de balcons filants.
- Les planchers
Les planchers sont constitués en béton armé avec un débord en façade prévu initialement pour rester brut de décoffrage. Mais les différences de tons apparues après le séchage ont nécessité l’application d’une peinture vinylique grise se rapprochant au plus près de la teinte naturelle du béton brut.
L’isolation phonique est assurée par une couche de "Sordonit" qui est un alliage de liège, bitume et feutre de laine.
- Les cloisons
Les murs séparatifs des appartements sont en maçonnerie de parpaings creux de 15 cm.
Les séparations intérieures sont réalisées par des cloisons en brique de 5 cm.
- Les toitures-terrasses
Les toitures-terrasses sont constituées de dalles en béton armé étanchées par un revêtement multicouche. L’isolation thermique est assurée par une couche de 10 cm de béton vermiculite.
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[1] Directeur des Carrières de Fontvieille.
[2] A l’exception des marches et contremarches d’escalier en béton armé, qui sont préfabriquées.
[3] Autrement appelée dans le projet d’exécution : cloison en crotte. Technique de doublage des murs employée avant l’apparition des plaques de plâtre type Placoplâtre.
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