Salon des Maréchaux, Lundi 27 mai 2024
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Chancelier de l’Institut de France, cher Xavier DARCOS,
Monsieur le Secrétaire perpétuel de l’Académie française, cher Amin MAALOUF,
Monsieur le Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, cher Antoine TRILLER,
Monsieur le Président de la Commission d’enrichissement de la langue française, cher Frédéric VITOUX,
Monsieur le Ministre, cher Jacques TOUBON,
Monsieur le délégué général à la langue française et aux langues de France, cher Paul de SINETY,
Mesdames et Messieurs les hauts-fonctionnaires à la langue française,
Mesdames et Messieurs les membres de la Commission,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je tenais à cette cérémonie, pour vous remercier et pour saluer votre travail au service de la langue française.
Que vous soyez membres de la Commission, responsables des groupes d’experts, hauts fonctionnaires, vous êtes des acteurs indispensables de ce dispositif interministériel et surtout de cette belle et grande mission qui consiste à enrichir notre langue.
Chacun dans vos domaines d’expertise, vous œuvrez pour nos concitoyens, bien sûr, mais aussi pour tous les francophones qui nous font confiance. Nous partageons cette responsabilité, et j’ai en tête le futur Sommet de la Francophonie qui se tiendra à Villers-Cotterêts, dans la Cité internationale de la langue française, et à Paris.
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Messieurs les Secrétaires perpétuels, l’engagement constant de vos deux Académies, au cœur de ce dispositif, est essentiel. Je veux saluer en particulier le Service du Dictionnaire de l’Académie française, sous la houlette de Jean-Mathieu PASQUALINI.
Collectivement, Mesdames et Messieurs, nous le démontrons, vous le démontrez : notre langue est autant l’affaire de tous que « l’affaire de l’État ».
Cette « affaire de l’État », c’est Villers-Cotterêts et François 1er. C’est Richelieu et l’Académie. Et c’est aussi, cher Jacques TOUBON, cette loi précieuse à qui vous avez donné votre nom et qui nous oblige trente ans après !
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Nous partageons tous ici la même conviction : le propre des langues, c’est le mouvement.
Dans des sociétés qui ne cessent d’évoluer, la langue doit vivre au même rythme pour restituer la création, l’invention, l’innovation, pour nous permettre de penser et d’exprimer toutes les réalités du monde contemporain.
Et pour rester une grande langue internationale, il faut pouvoir tout dire, tout nommer, tout traduire. Cela vaut pour les experts, mais cela vaut aussi dans notre quotidien, dans la vie de la cité, au journal de 20 heures et sur les réseaux sociaux.
Il faut le dire : renoncer à l’enrichissement, c’est céder à un appauvrissement aussi rapide qu’inéluctable. Et ne plus nommer en français, c’est déjà renoncer : renoncer à notre imaginaire, à notre culture, et bientôt à notre souveraineté intellectuelle.
Il y a quelques jours, le Président de la République a donné sa vision d’une politique pour l’intelligence artificielle lors du salon VivaTech. La culture et le plurilinguisme y sont en bonne place. En créant un centre de référence des technologies des langues à Villers-Cotterêts nous ferons en sorte que l’IA parle et pense en français. La boucle est donc bouclée : avec vos travaux qui créent les mots de demain, comme avec les supercalculateurs qui en feront usage. C’est au fond la même idée, la même mission : défendre notre souveraineté.
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Mesdames et Messieurs, notre politique publique des langues, c’est un devoir envers nos concitoyens, car la langue commune est au cœur du pacte républicain, au cœur de notre cohésion sociale.
J’ai demandé à notre Délégation générale à la langue française et aux langues de France de travailler sur de nouveaux projets pour la maîtrise du français, pour valoriser la parole, auprès de tous les publics, vers les plus jeunes bien sûr. Notre jeunesse mérite une attention renforcée dans le domaine de la maîtrise du français et de l’accès à la culture. Je souhaite faire de la culture un levier pour l’accès à la langue et faire de l’accès à la langue un levier pour l’accès à la culture. C’est la raison pour laquelle j’ai aussi souhaité inviter à assister à cette commission des jeunes bénéficiaires du Pass Culture.
Cette préoccupation concerne en premier lieu les 16-25 ans en insertion qu’il s’agit de former à la prise de parole publique et à l’éloquence en même temps qu’aux métiers de la culture. Monsieur le Secrétaire perpétuel de l’Académie française, je suis heureuse de pouvoir annoncer à vos côtés aujourd’hui que nous allons lancer ensemble, dès la rentrée prochaine, la phase d’expérimentation d’un programme qui sera composé d’ateliers de formation à la prise de parole publique et à l’éloquence ainsi qu’aux métiers de la culture, en particulier la médiation culturelle. Des Académiciens ont accepté de s’engager dans ce projet à travers une mission de mentorat auprès des jeunes qui rejoindront ce programme. La première année, il touchera 100 jeunes qui bénéficieront de ces ateliers. Ce parcours de formation se conclura par un grand prix de l’éloquence organisé l’année prochaine à l’Académie française. Forts de l’expérience de cette première année d’expérimentation, nous pourrons ensuite étendre ce programme.
Ma préoccupation est, comme chacun le sait, d’accorder un égal accès à la langue et à la culture au plus grand nombre, y compris aux personnes allophones ; c'est la raison pour laquelle je mets également en place un partenariat avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration pour renforcer à la fois notre offre de formation en langue française et l’offre culturelle en direction des personnes engagées dans une démarche d’apprentissage du français. Sur ce sujet, le Centre des monuments nationaux est déjà signataire d’une convention de partenariat avec l’OFFI. Je souhaite étendre ce dispositif à nos autres établissements publics culturels, l’accès à la culture ayant toute sa place dans un parcours d’intégration républicaine.
Mesdames et Messieurs, cet enjeu de cohésion sociale propre à la notre politique de la langue française passe aussi par l’un des mots clefs de la loi Toubon, l’intelligibilité : l’effort d’être clair et compréhensible de tous.
Cette belle leçon de Boileau et des Classiques, cet horizon de clarté du langage, c’est aujourd’hui encore, et même plus que jamais, un grand combat démocratique.
Le Premier ministre l’a rappelé concernant la modernisation de l’administration : la simplification passe par la clarté.
C’est ce que nous voulons pour tous les usagers du service public, et c’est le sens du projet « Parlez-nous français ! » porté par Stanislas GUERINI. Mon ministère est naturellement impliqué dans cette initiative, notamment pour limiter l’emploi des anglicismes, parce que, disons-le clairement, c’est le principal enjeu.
Et c’est essentiel, parce que les mots de l’administration ne doivent en aucun cas faire obstacle à l’accès aux droits, à l’insertion, à la mobilité sociale. L’intelligibilité de notre langue, c’est une arme contre toutes les formes d’exclusion, qu’elle soit sociale, culturelle ou générationnelle.
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Monsieur le Président, cher Frédéric VITOUX,
Votre Commission, avec ses quelque 400 experts bénévoles, travaille en priorité à garantir la présence du français dans les techniques et les sciences les plus pointues.
Vos travaux permettent surtout l’application concrète de la loi Toubon, en aidant les acteurs publics et tous les citoyens à s’exprimer dans leur langue, dans chaque domaine d’activité.
C’est un travail de longue haleine et de patience. Pourtant, chacun peut en prendre la mesure dans la vie de tous les jours. Je pense à ce mot de « visioconférence », désormais tellement familier pour tant de français : c’est un mot que vous avez introduit en 1982.
C’est aussi un travail qui nécessite d’être pleinement ancré dans l’actualité, pour ne laisser aucun espace vide, aucune zone grise sans vocabulaire adapté en Français. Et je pense notamment au travail réalisé récemment sur la désinformation et sur le lexique approprié. C’est tellement précieux au moment où l’on parle tous les jours de ces sujets dans les médias et où se tiennent les États généraux de l’information. Vous avez ainsi publié « Les mots de l’information, 60 termes clés », grand succès aux Assises du Journalisme.
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Mesdames et Messieurs,
Je veux terminer en vous remerciant à nouveau pour votre engagement sans faille au service du Français.
Vous êtes des passionnés, non seulement par des questions de langue, mais aussi de ce que l’on appelle la « chose publique ». Et en latin, me semble-t-il, n’est-ce pas cher Xavier DARCOS, on appelle ça la république.
Alors encore merci et surtout : au travail !
Propos de conclusion
Mesdames et Messieurs,
J’ai été heureuse de pouvoir installer cette commission et de pouvoir assister à ces travaux qui témoignent de votre engagement au service de notre langue. Je tiens à remercier chacune et chacun d’entre vous de ce travail nécessaire au maintien d’une ambition que nous partageons tous : que la langue française soit pleinement vivante, en prise sur les évolutions de notre temps et qu’elle soit ainsi un lieu d’invention intellectuelle, de cohésion sociale et d’unité politique. Je vous remercie./.